dimanche 25 janvier 2009

Mathadore (Numéro 298)
Les quantités (1)

L’élaboration d’un programme exige évidemment que des décisions soient prises sur les contenus de ce programme. Or, depuis les années soixante de nouvelles sections des mathématiques ont été ajoutées aux programmes traditionnels. C’est le cas de la topologie qui traite des dessins tracés sur des surfaces élastiques. Il y a donc lieu de déterminer les domaines mathématiques à aborder ainsi que l’importance à leur accorder.

S’il est une partie des mathématiques qui figure sans contestation dans les programmes, c’est l’étude de l’aspect quantitatif de notre univers. On distingue deux grands domaines, les quantités discrètes et les quantités continues. Le nombre constitue l’outil qui décrit ces quantités. Une quantité est discrète lorsqu’elle est décrite correctement avec les nombres entiers seulement, par exemple, trois personnes, cinq automobiles… Une quantité est continue lorsque les fractions sont souvent nécessaires afin de la décrire : 3,5 heures, 4 ½ mètres. C’est le domaine de la mesure.

Il me semble important de fusionner tous les éléments de contenus qui sollicitent les mêmes règles mathématiques. Cela simplifie l’enseignement, mais surtout, cela permet à l’élève de mieux comprendre un concept. En effet, l’étude de nombreux aspects du même concept évite des interprétations trop restreintes qui ne sont pas généralisables. De telles interprétations constituent une des causes les plus importantes de difficultés en mathématiques.

Donc, il faudrait que l’étude des quantités ne partage pas l’enseignement du nombre en chapitres sur la mesure et en chapitres sur les quantités discrètes. Prenons l’addition. Pour additionner deux nombres, ils doivent représenter des quantités de même nature et de même ordre. De même nature, c’est-à-dire qu’on ne peut additionner des mètres avec des heures ou des litres avec des grammes. Par ailleurs, lorsqu’il faut additionner des quantités d’ordres différents, il faut d’abord leur trouver une unité commune de quantification. Par exemple, 3 heures + 5 minutes devient 180 minutes + 5 minutes et 3 mètres + 5 centimètres devient 300 cm + 5 cm ou 3 m + 0,05 m. De la même façon, on ne peut additionner 3 dizaines + 5 unités sans considérer que 3 dizaines = 30 unités.

Bref, il me semble que la mesure doit être intégrée aux leçons et chapitres qui étudient les nombres discrets. Cela permettrait d’illustrer les opérations au moyen d’exemples diversifiés et concrets. Cela éviterait aussi l’apprentissage de définitions inadéquates résultant de l’étude de contextes trop restreints. Ainsi, puisqu’en mesure 3 mètres × 2 mètres = 6 mètres carrés, définir la multiplication telle une addition répétée n’a plus de sens. On se rend alors compte que cette définition provient d’une étude limitée à quelques exemples seulement.

Profitons de l’occasion afin de corriger une erreur fréquente dans la rédaction de propositions mathématiques. Voici des additions :

a) 3 mètres + 4 mètres = 7 mètres;
b) 3 heures + 4 heures = 7 heures;
c) 3 dizaines + 4 dizaines = 7 dizaines;
d) 3x + 4x = 7x;
e) 3 pommes + 4 oranges = 7 fruits;
f) 3 pommes + 4 pommes = 7 pommes.

Si les quatre premières additions sont correctes, les deux suivantes sont inadéquates. En fait, chaque fois qu’une addition utilise des unités de quantification (mètres, heures, centaines, cinquièmes, x, …), ces unités ont une grandeur standard et commune. Bref, s’il existe de petites pommes et de grosses pommes, il n’existe pas de petits mètres et de grands mètres, de petites dizaines et de grandes dizaines, chacune ayant obligatoirement dix unités.

Il en résulte que lorsque des unités sont présentes dans une proposition mathématique, elles proviennent de la mesure ou elles sont neutres, telles les dizaines, les centaines, …

Un caprice ? Voyons cela de plus près. Peut-on faire plus de compote avec douze pommes ou avec quinze pommes ? Cela dépend certainement de la grosseur des pommes. Peut-on tailler plus de rubans de vingt centimètres dans un ruban de cent centimètres ou dans un ruban de cent-soixante centimètres ? La réponse ne fait ici aucun doute car l’unité de quantification est constante. Peut-on faire plus de paquets de cinq unités avec trois dizaines ou avec quarante-cinq unités ? La réponse est claire ici aussi.

Alors, êtes-vous favorable à regrouper le plus souvent possible des manifestations des mêmes concepts, quitte à ce que la mesure et le calcul sur les quantités discrètes figurent dans les mêmes chapitres d’un manuel d’apprentissage ?

À vous !

Robert Lyons

dimanche 18 janvier 2009

Propos sur les compétences disciplinaires

Afin de cerner l’ensemble des éléments essentiels à considérer lors de la rédaction d’un programme, nous revenons cette semaine sur un sujet abordé en septembre 2007, les compétences disciplinaires. À mon avis, une personne compétente en mathématiques peut répondre aux trois questions suivantes au sujet des mathématiques qu’elle utilise ou connaît :
a) À quoi servent-elles ?
b) Pourquoi fonctionnent-elles ?
c) Comment peut-on les décrire d’une façon simple et efficace ?
De plus, elle manifeste une certaine habilité dans l’usage des techniques mathématiques courantes.

L’utilité des mathématiques.

Connaître les propriétés des opérations, la loi des signes, les unités de mesure, les coordonnées cartésiennes n’a pas beaucoup d’importance lorsque nous sommes incapables de les associer à notre quotidien. Mais attention, cette incapacité à établir des liens entre les mathématiques que nous avons apprises et ce qui nous entoure ne signifie nullement que nous n’utilisons pas ces éléments des mathématiques. En fait, pour plusieurs personnes les mathématiques commencent à exister lorsqu’on fait valser devant elles des chiffres, des équations algébriques, des termes tels algorithmes, cylindre, commutativité… C’est une erreur ! Notre univers, nos actions, nos pensées sont, dans leurs moindres détails, des manifestations des mathématiques. Bref, lorsqu’il s’agit des concepts mathématiques, nous sommes tous mathématiciens.

Cette compétence est associée à la compréhension, à la créativité, à l’esprit de synthèse, à l’autonomie, à l’analogie, entre autres.

Les fondements logiques des mathématiques

Donc, nous utilisons de nombreux éléments des mathématiques quotidiennement sans nécessairement en avoir conscience. Mais, les utilisons-nous correctement ? Avec raison, on dit que les mathématiques sont logiques, ce qui signifie absentes de contradictions. De nombreuses erreurs proviennent d’une utilisation des éléments mathématiques de façon contradictoire.

La seconde compétence touche donc le raisonnement. Elle se manifeste par la construction justifiée de solutions qui utilisent, sans contradictions, les seules données du problème ou des données qui en découlent. Elle se manifeste aussi par la capacité à identifier et à vérifier les liens logiques d’un énoncé ou d’une solution, donc à démontrer, à prouver. Cette seconde compétence répond à la question «Pourquoi?». Elle est associée à l’analyse, la concentration, le souci du détail, la pensée séquentielle, la rigueur.



La communication efficace

Le vocabulaire de tous les jours n’a pas été conçu pour les communications courtes et précises des domaines spécialisés de l’activité humaine. Pour cette raison, les professions et les sports, entre autres, ont développé des compléments linguistiques aux diverses langues courantes. Très souvent ce symbolisme et ces termes spécialisés sont identiques ou se ressemblent d’une langue à une autre.

Au quotidien, notre compétence fondamentale en mathématiques peut se manifester en n’utilisant que peu d’éléments de ce langage spécialisé dont les mathématiques se sont dotées. Il est habituellement facile de se débrouiller avec le langage courant et le contexte de travail pour se faire comprendre. L’ignorance ou la non-utilisation du langage spécialisé des mathématiques, comme du langage spécialisé de telle science ou de tel sport, constitue un handicap lors de l’exercice régulier des mathématiques, des sciences ou des sports.

L’utilisation efficace des instruments mathématiques

Tout comme en communication, une certaine aisance lors de l’utilisation d’instruments de mesure, d’outils de calcul ou encore lors de la fabrication de graphes constitue une compétence dont l’importance varie avec le degré de spécialisation mathématique des activités quotidiennes. Cette compétence est celle qui s’est transformée le plus à travers l’histoire. Ainsi, le calcul s’est d’abord effectué avec des cailloux, appelés calculis, disposés sur des surfaces quelconques. À partir de ces cailloux, les abaques et bouliers ont ensuite été conçus. Les techniques symboliques sont ensuite apparues afin de représenter le travail réalisé avec les cailloux et les bouliers. Puis vint l’ère des machines à calculer, amorcée il y a plusieurs siècles, et qui nous a conduit aux calculatrices, aux caisses enregistreuses et aux ordinateurs.

Dans d’autres domaines, on a vu les instruments d’écriture passer du poinçon à la plume d’oie, ensuite à la plume métallique, au crayon de plomb, aux stylos de toutes sortes, à la machine à écrire et à l’ordinateur. Et l’observation des astres a conduit au cadran solaire, lequel est devenu sablier ou horloge à eau avant d’être remplacé par la montre à aiguilles et la montre digitale.

Pouvons-nous prétendre que nous ne savons pas lire l’heure si nous sommes incapables de la lire en observant la position des étoiles ou du soleil ? Qui est prêt à remplacer ses stylos et son clavier d’ordinateur pour des plumes d’oies et un pot d’encre ? Malgré cela, les algorithmes écrits de calcul sont toujours considérés comme des incontournables.

Est-ce que la personne compétente en mathématiques doit nécessairement pouvoir associer les mathématiques à son quotidien ? Doit-elle aussi pouvoir démontrer la valeur de son travail mathématique ? À quel point doit-elle en maîtriser le langage et les instruments ? Est-ce que la compétence en mathématique se manifeste d’autres façons ?
Comment doser l’importance de chacun des aspects de la compétence en mathématiques ?

À votre tour !

Et excellente année 2009 !

Robert Lyons