dimanche 29 mars 2009



Préscolaire : contenu disciplinaire (2)

Dans Mathadore 305, nous nous sommes quittés au moment où l’élève devait dénombrer de grandes quantités d’objets, disons au-delà d’une trentaine. De tels dénombrements exigent de mettre de l’ordre, ce n’est pas le cas pour de petits dénombrements pour lesquels il est facile de distinguer les objets comptés des autres. De plus, lors de petits dénombrements, un dérangement, qui fait oublier le compte ou encore quels sont les objets dénombrés des autres, sera vite compensé. Avec de plus grandes quantités, cela devient moins intéressant de recommencer.

Nous allons donc devoir préparer les élèves à faire des groupements qui vont, éventuellement, leur permettre de dénombrer de grandes quantités. Nous le savons, dans ces cas-là, il faut avoir recours à des dénombrements égaux. Pour cette raison, il faudra d’abord initier les élèves à ordonner leurs dénombrements, c’est-à-dire, à voir si deux ensembles sont égaux ou inégaux. On utilisera, en parallèle, la mesure et le comptage.

NOTE : Nous nous rendons bien compte que nous décrivons des activités plutôt que des
sujets d’études tels que nous le voyons dans les programmes. En fait, quelques
décennies de travail nous ont permis de constater à quel point les programmes
sont interprétés de façons fort différentes. Le risque est moins grand lorsqu’on
commence par les illustrer par des activités.

À ce sujet il est d’ailleurs déplorable que les guides pédagogiques, s’il y en a,
publiés par le ministère, le sont souvent plusieurs années après la parution du
programme. Trop tard! Des manuels ont alors été rédigés, ainsi que des activités
de provenances diverses. Tout ce matériel dépend des interprétations de chacun et
l’on observe que ces interprétations sont souvent incompatibles entre elles. Au
moment de la parution des guides du ministère, il est trop tard, des habitudes ont
été prises mais surtout, les interprétations diverses ont souvent conduit à des outils
d’apprentissages dans lesquels ce qui est appris une année est contredit l’année
suivante.

En guise d’exemple, dans une même commission scolaire, les élèves apprenaient à
neuf ans que les coordonnées cartésiennes désignaient toujours les espaces entre
les lignes du quadrillage, tel que cela se fait sur un échiquier. Or, une année
scolaire plus tard, les coordonnées désignaient désormais des points, tel que nous
les utilisons sur une carte géographique. Enfin, l’année suivante, on revenait à ce
qui se faisait deux années plus tôt. Or personne du personnel enseignant n’avait
remarqué cela mais, on notait beaucoup de difficultés d’apprentissage dans ce
domaine dans cette commission scolaire, beaucoup plus qu’ailleurs, là où ce
matériel «local» n’était pas utilisé.

Revenons donc aux grands dénombrements. Mentionnons d’abord que le fait de pouvoir «compter» jusqu’à quinze, trente ou cent ne démontre pas que l’élève comprend ce que cela implique. Pour cette raison, il faudra que ses raisonnements s’appuient sur des observations du matériel qu’il utilisera abondamment.

NOTE : Il est recommandé de faire ces activités collectivement, les élèves discutant
entre eux de leurs hypothèses et de leurs vérifications.

Première activité :

Commençons par le dénombrement de petites quantités à partir de la mesure de réglettes de longueurs diverses.

Dans un premier temps, sortez les cubes-unité. Ensuite, sortez progressivement des réglettes de longueurs différentes. Chaque fois, demandez que ces réglettes soient mesurées en alignant les réglettes-unité le long de la réglette à mesurer. Si les réglettes ne sont pas bien collées l’une sur l’autre, amusez-vous soit à les coller davantage, soit à les espacer un peu plus de sorte que le nombre de réglettes-unité varie pour la même réglette à mesurer. Qu’en pensent-ils ?

Deuxième activité :

Placez deux réglettes de même longueur de façon à ce qu’elles soient parallèles, mais décalées une par rapport à l’autre. Demandez aux élèves s’il leur faudra le même nombre de réglettes-unité pour mesurer la longueur de ces deux réglettes. Écoutez leurs prédictions et prenez des notes afin de savoir quels élèves manifestent déjà des comportements opératoires. Demandez-leur ensuite de vérifier. Comment interprètent-ils leurs découvertes ?

Décalez davantage les mêmes réglettes et reprenez l’exercice.

Changez de réglettes et refaites un ou deux exercices semblables.

NOTE : Vous êtes en train de travailler la conservation du nombre et la conservation de
la longueur. Il s’agit de concepts importants et incontournables en
mathématiques. Prenez votre temps. Avec les élèves qui ne réussissent pas, s’ils
n’ont pas de problèmes avec la manipulation, n’insistez pas. Passez plutôt aux
exercices qui suivront la semaine prochaine et qui visent les mêmes concepts.

À vous !

Robert Lyons

dimanche 22 mars 2009

Préscolaire : contenu disciplinaire (1)

Essentiellement, les mathématiques touchent trois domaines : les quantités, l’espace et les propositions.

Les quantités

Les quantités sont dites discrètes ou continues. Dans chaque cas, l’unité de quantification doit être définie et constante. Dans le domaine du continu, c’est-à-dire de la mesure, l’unité est une grandeur physique définie par une convention qui, idéalement, est universelle, sinon fort répandue : le mètre, l’heure, le litre, l’ampère, … Ces unités sont parfaitement identiques. Il n’y a pas de petits litres ou de grands litres. Pour cette raison, il est possible de les additionner, de les soustraire, de les multiplier, de les diviser sans risques de contradictions. Ainsi, 1m + 3m > 1m + 2m (m = mètre).

Les unités discrètes sont souvent loin d’être identiques et on ne peut les additionner, par exemple, qu’après avoir précisé ce que nous considérons être la propriété dont l’opération arithmétique tiendra compte. Cette propriété désignera toujours le nombre d’objets mais jamais son nom. Prenons un exemple. Dans deux sacs, on a déposé des objets. Il y a deux objets dans le premier sac et trois dans le second. Combien d’objets avons-nous ? Cinq ou sept ? Cela dépend des objets qu’il faut considérer. Les sacs sont des objets que nous avons, mais faut-il les dénombrer ? La réponse sera non si l’unité est définie comme étant ce qu’il y a à l’intérieur des sacs. La réponse sera oui si l’unité est définie comme étant un objet provenant du marchand.

Mais si un sac contient des pommes et l’autre des gants, pouvons-nous additionner les nombres qui représentent le contenu des sacs ? Oui, si et seulement si, nous ne considérons que le nombre d’objets et aucune autre de leurs propriétés. Il en résulte que 5 = 5 même si le premier sac contient des pommes et le second des gants. La seule chose qui importe étant le nombre d’objets. C’est pour cette raison que l’on s’abstiendra d’écrire 5 gants = 5 pommes.

C’est une des merveilles des mathématiques que d’avoir mis sur pieds un ensemble de termes et de symboles qui peuvent aussi bien désigner des personnes, des idées ou des objets. Mais, s’il y a cinq pommes dans un sac et 5 autres pommes dans un autre sac, pouvons-nous écrire que 5 pommes = 5 pommes ? Pour le savoir, lequel de ces deux sacs prendriez-vous afin de faire le plus de compote ? Cela dépendrait de la grosseur des pommes n’est-ce pas ? Or si un sac contient de petites pommes et l’autre de grosses pommes, vous devriez en conclure qu’au début vous aviez 5 pommes = 5 pommes mais, plus tard que1 compote < 1 compote, ce qui est illogique.

En ce qui concerne les quantités, au préscolaire, il y a lieu de débuter par l’étude de la mesure de longueurs. D’abord, il faut que l’élève apprenne à comparer correctement les longueurs de crayons, de bâtonnets ou de réglettes. Ensuite, il faut qu’il apprenne à comparer la longueur d’un objet à la longueur totale d’un ensemble de bâtonnets qui, étant identiques, serviront d’unités.

À l’étape suivante, il devra dénombrer un ensemble d’objets en associant à chacun de ces objets une réglette-unité. De cette façon, ces objets perdront toutes les propriétés sauf celle qui désigne leur nombre. De plus, grâce aux réglettes-unité, il sera possible de comparer le nombre d’éléments de divers ensembles. Ainsi, l’élève aura l’occasion de comprendre à la fois la conservation du nombre et celle de la longueur.

Lorsque les élèves seront devenus habiles avec ce qui précède, mais sur des ensembles de moins d’une dizaine d’objets, il sera temps de leur proposer des ensembles qui contiendront de plus en plus d’éléments. Si comparer entre eux des ensembles de cinq et sept éléments est relativement simple, le problème est fort différent lorsque ces ensembles contiennent chacun plus d’une vingtaine d’éléments.

En effet, tenter d’aligner d’aussi grands ensembles de réglettes-unité demande une grande dextérité. Et, peut-être que l’élève va manquer de réglettes-unité J. Il faut alors laisser l’élève réfléchir à ce problème et, éventuellement, comprendre qu’en regroupant un certain nombre de réglettes-unité, elles peuvent être remplacées par une réglette plus grande.

En passant, notez que, pendant toutes les activités précédentes, les nombres n’ont jamais été écrits. On s’est contenté de les évoquer oralement.

La suite, la semaine prochaine.

À vous !

Robert Lyons

dimanche 15 mars 2009

Mémoire assistée

Que ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire, de nombreux élèves se fient sur leur mémoire pure sans connaître les techniques simples qui leur permettraient de «soulager» cette faculté. La connaissance de la comptine des nombres : un, deux, trois… est spectaculaire chez les jeunes enfants, mais elle ne démontre nullement la compréhension du concept de nombre. Certains enfants de cinq ans connaissent déjà certaines combinaisons d’addition, divers termes de géométrie ou de mesure. C’est intéressant, mais ne faudrait-il pas penser, non seulement à meubler leur mémoire, mais aussi à développer leur capacité à mémoriser ?

A : Marteau, veston, chaise, bicyclette, crayon, débarbouillette, coffret, guitare, lampe.

B : Vert, tulipe, pantalon, gant, rose, jaune, bleu, bas, œillet.

Si vous tentez de mémoriser les deux listes de mots précédentes, même si elle contiennent toutes deux neuf mots, il y a de fortes chances que vous réussissiez plus facilement à mémoriser la seconde liste que la première si vous avez remarqué qu’il est possible de classer ses termes : trois couleurs, trois vêtements et trois fleurs. Même si vous n’avez pas tenté de mémoriser les termes de la seconde liste, vous pouvez probablement en nommer quelques-uns en pensant aux trois catégories de mots que l’on y retrouve.

Et maintenant, combien de mots de la première liste pouvez-vous nommer ? Probablement beaucoup moins que ce que vous avez réussi avec la seconde liste.

En revenant de sa promenade en bicyclette, Manon enlève son veston et se lave la figure avec une débarbouillette. Une note, écrite au crayon, lui rappelle qu’elle doit aller chercher sa guitare au grenier. Elle prend une lampe et un marteau afin de trouver et d’ouvrir le coffret placé sur une chaise dans un coin du grenier. C’est dans ce coffret qu’elle range sa guitare.

Relisez le texte précédent deux fois. Et maintenant, combien de mots (en italique) de la liste A pouvez-vous mentionner ? N’est-ce pas plus facile ainsi ?

Essayez maintenant de visualiser les scènes suivantes :

1. Une fillette sur une bicyclette, son veston et sa figure sont couverts de boue.
2. La même fillette se lave le visage avec une débarbouillette tout en regardant une feuille de papier sur laquelle on a tracé le dessin d’une guitare, avec un crayon.
3. Un coin du grenier, éclairé par une lampe, dans ce coin, un coffret posé sur une chaise et un marteau appuyé sur le coffret.

Si vous visualisez mentalement ces trois scènes, il vous sera plus facile de vous souvenir de la liste A.

Dans une semaine, ce sera encore possible. Avec le temps, la liste B deviendra moins évidente alors que la liste A, que vous l’ayez apprise en vous racontant l’histoire de Manon ou en visualisant les trois scènes, restera plus clairement dans votre mémoire.

Plusieurs élèves tentent de mémoriser en utilisant leur mémoire «pure» alors que d’autres l’assistent en établissant des liens logiques (liste B) ou des liens analogiques (liste A).

Imaginez une grille carrée de neuf cases. Dans chacune de ces cases nous pouvons placer un élément sans rapport avec les éléments des autres cases. Considérez maintenant que, d’une personne à l’autre, certaines réussiront à se souvenir de trois, d’autres de cinq et d’autres de neuf des éléments placés dans cette grille. Bref, considérez que les capacités de la mémoire pure varient d’un individu à un autre. Pensez à la liste B, elle contient neuf éléments distincts. En les classant, nous obtenons trois groupes d’objets qui ne sont plus indépendants. Chaque groupe peut n’occuper qu’une seule case. Pour celui qui a de la difficulté à mémoriser plus de cinq éléments distincts, son travail est facilité grâce à un classement logique par couleurs, vêtements et fleurs. Mais est-ce que le rouge est une de ces couleurs ? Y a-t-il un chandail ?

Essayons autre chose. Voyez-vous cette rose dessinée sur ce pantalon vert ? Et cette tulipe jaune sur ce bas ? Et cet œillet dans ce gant bleu ? Il ne vous faut maintenant que trois cases afin de loger ces neuf mots dans votre mémoire. Mais attendez, on sonne à la porte. En ouvrant la porte, une personne vous tend un œillet avec son gant bleu. Sur son pantalon vert est brodée une rose magnifique. On remarque aussi que ses bas sont décorés de tulipes jaunes. Construisez-vous une image mentale de ce personnage, lorsque vous le verrez bien, il ne prendra plus qu’une seule case de votre grille de départ. Le travail de votre mémoire devient plus facile.

Ne croyez-vous pas que de telles techniques doivent être enseignées aux élèves dès le préscolaire ?

Robert Lyons

dimanche 8 mars 2009

Au préscolaire : la non-contradiction (2)


Dans Mathadore 302, on pouvait lire une activité qui permet de déceler la capacité d’un élève à reconnaître une contradiction. Voici deux autres problèmes qui ont le même but.

Les segments décalés

Tracez deux segments de droite comme suit.

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Les segments doivent être parallèles et de même longueur.

Demandez à l’élève si un des segments est plus long que l’autre ou s’ils sont de même longueur. Les élèves non opératoires répondent habituellement que celui qui est en bas est le plus long car il dépasse à droite. Faites remarquer que l’autre segment dépasse à gauche. Vous verrez l’élève changer d’idée. Il croit désormais que le segment du haut est le plus long car il dépasse à gauche. Faites ressortir que celui qui est en bas dépasse à droite.

L’enfant qui ne réagit pas au conflit cognitif changera encore d’idée et il le refera encore et encore sans voir qu’il se contredit. Par contre, celui qui réagit au conflit cognitif dira rapidement que l’un des segments dépasse à droite mais que l’autre dépasse à gauche. Cela le portera à se demander si les deux segments sont égaux.


Les lions qui ne sont pas des animaux

Montrez l’illustration suivante à l’élève.





Demandez : «Y a-t-il plus de lions ou plus d’animaux?» L’élève non opératoire répondra qu’il y a plus de lions en considérant qu’il y a trois lions et deux animaux (ânes). Demandez à l’élève de vous nommer des animaux. Au besoin demandez-lui si les lions sont des animaux. Il devrait le penser. Demandez-lui de vous montrer les lions, ensuite les animaux. S’il ne vous montre que les ânes, demandez-lui de vous montrer les ânes, ensuite les animaux. Demandez-lui combien il y a d’ânes, ensuite, combien il y a d’animaux. Si l’erreur persiste, ici il dira qu’il y a deux ânes et trois animaux. Il est clair alors que, pour ce problème du moins, l’élève ne voit pas la contradiction.

Si l’élève a vu la contradiction dans au moins une des épreuves décrites dans ce numéro de Mathadore et dans le numéro précédent, il perçoit la contradiction. Il faudra désormais le rendre opératoire en lui proposant d’autres activités que le triangle bleu, les segments décalés et les lions qui ne sont pas des animaux.

Par ailleurs, on comprendra aisément que l’élève qui éprouve des difficultés à percevoir que les lions sont à la fois des lions et des animaux, n’est pas prêt à comprendre que le 2 de 25 représente à la fois des dizaines et des unités. Ce n’est donc pas le temps de le faire travailler sur le groupement et la numération.

Que pensez-vous de cette idée de développer la pensée logique au préscolaire sans nécessairement la lier au symbolisme et aux connaissances mathématiques ?

À vous sur http://wwwmathadore.blogspot.com

Robert Lyons