dimanche 31 mai 2009

Les réformes : un échec !

Il y a une année environ, un universitaire de Montréal présentait le résultat de recherches qui portaient sur le succès des réformes scolaires. Le nombre de réformes considérées était impressionnant, des centaines, voire même des milliers, ma mémoire me trahit. Ces réformes avaient eu lieu un peu partout sur la planète. La conclusion était claire : les réformes sont presque toujours un échec. On comprendra qu’une si vaste étude ne s’intéressait qu’aux résultats et non à leurs causes. Mais si l’échec est l’aboutissement de pratiquement toutes les réformes, il faut conclure :

- soit qu’elles sont inutiles et que le summum en enseignement a été atteint;
- soit que les réformistes sont incapables de faire leur travail convenablement, travail qui
comprend à la fois le contenu des réformes et leur mise-en-place;
- soit que la société répugne à réformer un système scolaire qui a permis à tant de gens de
réussir dans la vie (Oublions les décrocheurs; oublions ceux qui ont persévéré en vain;
oublions les crises économiques que les génies de la finance, malgré tous leurs diplômes,
n’ont pu éviter; oublions les problèmes de pollution ; et bien d’autres problèmes. Bref, ne
voyons que le beau côté des choses, surtout si nous avons du succès.);
- soit que le personnel des écoles est placé dans une situation qui rend les réformes
inapplicables.

À mon avis, les réformes échouent pour toutes ces raisons, sauf la première. Considérons les réactions de la société face à un «nouveau» programme. Dès qu’il est annoncé il se trouve des dizaines de Don Quichotte qui se donnent le mandat de s’y opposer. Ils connaissent rarement le nouveau programme à fond et sont habituellement incapables de distinguer ce qu’il y a de vraiment nouveau dans ce programme. C’est normal puisque les changements les plus remarqués d’un programme à celui qui lui succède sont superficiels et concernent surtout la terminologie. Malgré tout il en ressort de nombreux débats qui font oublier les véritables problèmes du système d’enseignement, problèmes auxquels les réformistes n’osent jamais s’attaquer.

Faut-il les en blâmer ? Il suffit d’observer que lorsque l’école accepte que les élèves additionnent de gauche à droite au lieu de l’inverse, Don Quichotte et des milliers de clones s’agitent sans se rendre compte que c’est exactement ce qu’ils font en calcul mental.

En fait, une réforme qui viserait à corriger en une seule fois les failles évidentes d’un programme n’aurait aucune chance de réussite, puisque même lorsque les changements se limitent pratiquement à la terminologie, ils sont attaqués en force.

De la parution d’un programme à celle de son successeur, il s’écoule, au Québec, environ dix années; le dernier programme, celui de l’année 2000, étant une exception puisqu’il s’est fait désirer pendant vingt années. Entre la parution de deux programmes, oubliez les ajustements, ce serait reconnaître des erreurs. Ainsi, en 1985, dans son avis au ministre de l’éducation, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec reconnaissait : «Le programme n’est pas exempt de maladresse, avons-nous dit. Mentionnons ici à titre d’exemple, le découpage dans l’écriture et dans l’énumération des nombres de 0 à 69, puis de 70 à 99.»

C’était en 1985. Ce n’est que quinze années plus tard que le ministère corrigera cette «maladresse». Entre 1985 et l’année 2000, date de publication du nouveau programme, un million deux cent mille élèves ont été exposés à cette «maladresse», en première année. Cela correspond à quinze pourcent de la population actuelle du Québec. Mais cette «maladresse» n’était pas la seule qui était connue en 1985 et ce n’était pas la plus dommageable non plus. Il en existe d’autres qui ont touché tous les élèves du Québec depuis des décennies et qui sont toujours présentes dans le nouveau programme.

Modifier un programme est une entreprise colossale et dispendieuse. Il faut, d’une part, publier le nouveau programme, les guides d’interprétation et d’application alors que d’autre part, les éditeurs doivent confectionner de nouveaux manuels. Mais nous vivons en 2009, à l’ère de l’internet. Une modification au programme peut être diffusée et connue en quelques heures. Dans le même temps, il est possible de distribuer, toujours par internet, la description complète d’activités de remplacement qui auront été préalablement et véritablement validées.

À maintes reprises, nous avons proposé de telles modifications et de telles activités dans les bulletins de Mathadore et, souvent, sans réveiller Don Quichotte, de petits changements sont intervenus dans plusieurs classes.

En conclusion, le ministère possède actuellement, grâce à l’internet, la possibilité de réécrire le programme de l’année 2000 ou de commencer la diffusion de ce qui sera le futur programme du Québec. Il suffit de diffuser de simples éléments qui améliorent l’enseignement dès que ceux-ci sont bien identifiés et structurés. En agissant ainsi, le ministère fera davantage en cinq années que ce qui s’est fait lors des cinquante dernières années.

Certes, le ministère ne dispose pas des compétences pédagogiques et didactiques capables de rédiger des unités d’enseignement qui peuvent faire un changement réel et valable, mais ces ressources existent. Elles sont habituellement utilisées par les maisons d’édition, ce qui, avec raison, les disqualifie pour des emplois au ministère. Mais plutôt que de financer un service de la mesure et de l’évaluation qui ne permet nullement d’améliorer l’enseignement et qui laisse peser dans les écoles un stress dont se ressentent maintenant toute l’année élèves et enseignants, que le ministère finance de petites équipes disciplinaires qui auront la mission de pousser à fond les recherches sur la compréhension des difficultés des élèves et de trouver le moyen de les éviter et d’y remédier.

En diminuant ses dépenses relatives à l’évaluation générale des élèves, laquelle est purement inutile puisqu’elle ne conduit jamais à modifier les programmes, en implantant les programmes en douceur, le ministère pourra financer ces petites équipes de travail formées de personnes compétentes. Et si cela devait s’avérer plus coûteux que ce qui se passe actuellement, les économies seraient tout de même considérables grâce aux besoins réduits en services aux élèves en difficulté d’apprentissage.


Bonnes vacances et à l’année prochaine.

Robert Lyons

dimanche 24 mai 2009




Tables et algorithmes (3)

Dans Mathadore 313, nous avons vu que l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Nous nous sommes laissés en mentionnant que cela ne signifiait peut-être pas que l’apprentissage des techniques doive précéder celui des tables… De quoi s’interroger une partie de la semaine.

En fait, avant les techniques, avant les tables, il faut bien comprendre le nombre et la numération. Il faut apprendre à jouer avec les nombres. Une technique est essentiellement un jeu avec les nombres. Un jeu qui consiste à transformer les nombres afin de faciliter un calcul donné. C’est une chose dont nous sommes conscients lorsque nous additionnons des fractions. Par exemple l’addition de ½ et 1/3 ne sera effectuée que lorsque ces deux nombres auront été transformés en sixièmes.


La soustraction 36 – 19 ne sera effectuée que lorsque 36 sera transformé en 20 + 16. Pour diviser 744 par 3, on transforme 744 en 600 + 120 + 24. Ces multiples de 3 nous permettent de trouver rapidement la réponse (600 ÷ 3) + (120 ÷ 3) + (24 ÷ 3) = 200 + 40 + 8 = 248.

Vous avez rencontré des élèves qui connaissent bien leurs tables lorsque les nombres à additionner ou à multiplier sont les mêmes (7 + 7, 9 + 9 ou 6 × 6, 8 × 8…) ? Vous leur demandez 7 + 7 ou 8 + 8 et les réponses sont correctes et instantanées. Toutefois, confrontés à 7 + 8, ils disent qu’ils ne savent pas. En fait ils n’ont rien compris, ils ont simplement mémorisé les combinaisons qui s’avèrent les plus faciles. L’élève qui comprend ce que 7 + 8 et 7 + 7 signifient et qui sait que 7 + 7 = 14 pense rapidement que 7 + 8 = 7 + 7 + 1 = 14 + 1 = 15.

Vous voulez effectuer 848 × 125, allez-vous utiliser l’algorithme traditionnel :

848
×125
4240
1696
848
106 000

Vous perdez votre temps ! Observez ces nombres : 125 = 1000 ÷ 8.

Beaucoup plus rapide!


Que faites-vous pour 5000 – 1426 ? Remplacer cette soustraction par 4999 – 1425 semble rendre les calculs plus simples. Et 45 × 32 ? Pourquoi pas 90 × 16, qui est plus facile et plus rapide?

Nous venons de jouer avec les nombres. Nous venons de tester et de développer la compréhension du nombre et des opérations.

Activité

Au moins une année avant de demander aux élèves d’apprendre les tables par cœur, proposez-leur ce qui suit.

Puisque 7 + 9 = 16, pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?

Solutions : 7 + 7 + 2 = 16
7 + 10 – 1 = 16
8 + 8 = 16

Puisque 15 – 7 = 8 pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?

Solutions : 10 – 7 + 5 = 8
15 – 5 – 2 = 8
17 – 7 – 2 = 8

Et pour 7 × 9 ?

Solutions : 7 × 7 + 7 + 7 = 63
7 × 10 – 7 = 63

Il existe de nombreux autres exemples. Or si l’élève ne s’habitue pas à transformer 5 × 8 en 5 × 2 × 4 et ensuite en 10 × 4 = 40, il ne le fera pas avec les plus grands nombres.

Bref, il faut que les élèves apprennent à représenter les petits nombres et les opérations sur ces nombres en d’autres nombres et opérations plus simples. Cela doit être fait avant la mémorisation des tables et avant l’apprentissage des techniques de calcul.

Robert Lyons

dimanche 17 mai 2009

Tables et algorithmes (2)

Faut-il commencer par l’apprentissage des tables ou par celui des algorithmes ? À mon avis tout apprentissage doit être pertinent. L’apprentissage des tables, comme celui des techniques de calcul, doit intervenir lorsqu’on a réussi à en faire ressentir la nécessité aux élèves. Ainsi, l’élève qui doit diminuer le temps consacré à jouer avec ses amis parce que, faute de connaître ses tables, il prend beaucoup de temps à faire ses devoirs, ressentira le besoin de mémoriser ses tables assez facilement.

Il existe une autre façon d’envisager la pertinence des tables, il s’agit d’identifier quelles combinaisons doivent être maîtrisées afin d’utiliser avec aisance un algorithme donné.

Voici une façon très efficace de soustraire.



L’élève effectue pour chaque colonne une soustraction dont le résultat est positif si le nombre d’en haut est plus grand que celui du bas et négatif dans le cas contraire. Ensuite, il effectue la soustraction obtenue avec les résultats de chaque colonne.

35 – 29

3 – 2 = 1 En fait, 30 – 20 = 10
5 – 9 = -4
Ensuite 10 – 4 = 6

341 – 178

3 – 1 = 2 (300 – 100 = 200)
4 – 7 = -3 (40 – 70 = -30)
1 – 8 = -7
Enfin 200 – 30 – 7 = 163

C’est une technique géniale qui fonctionne toujours et qui a été inventée par des enfants de sept ans à qui on avait appris, par exemple, que 3 – 5 = -2 et non que 3 – 5 est impossible.

L’élève qui utilise une telle technique n’a jamais besoin d’apprendre les tables de soustractions dont le premier nombre est plus grand que dix puisque, par exemple, il solutionne 15 – 8 en pensant 10 – 0 = 10 et 5 – 8 = -3 donc, 15 – 8 = 10 -3 = 7.

Voici une technique que l’on m’a déjà dit provenir de Russie. Malheureusement tous les ressortissants de ce pays que j’ai connus ne la connaissaient pas. Peut-être que parmi vous, chers lecteurs, quelqu’un saura m’en indiquer la provenance.

49 × 73 → 73
24 × 146
12 × 292
6 × 584
3 × 1168 → 1168
1 × 2336 → 2336
3577

Un autre exemple :

83 × 83 → 83
41 × 166 → 166
20 × 332
10 × 664
5 × 1328 → 1328
2 × 2656
1 × 5312 → 5312
6889

Si vous avez observé les calculs, vous avez sans doute remarqué que le plus petit nombre était divisé par deux et que le reste était négligé… temporairement. D’autre part, le plus grand nombre était multiplié par deux. Ensuite, certains nombres ont été additionnés :
73 + 1168 + 2336 = 3577 donc 49 × 73 = 3577
et 83 + 166 + 1328 + 5312 = 6889 donc 83 × 83 = 6889.

Cet algorithme de multiplication ne nécessite que l’apprentissage des tables de multiplication par deux ou, plus simplement, des tables d’addition de nombres identiques. Jamais on aura besoin de savoir que 3 × 3 = 9, que 5 × 7 = 35…

Alors, on commence par quoi? Apprendre les tables sans savoir quel algorithme sera utilisé ou apprendre un algorithme et, ensuite, apprendre les tables qui s’avèrent utiles pour travailler avec cet algorithme?

Certes, si nous savons quel sera l’algorithme que l’élève finira par utiliser couramment, nous pouvons, au préalable, lui faire apprendre les tables pertinentes. Mais cette pertinence, nous la connaissons, l’élève ne la connaît pas. Quelle sera sa motivation ?

Puisque les tables utiles dépendent des processus de calculs adoptés, l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Donc il faut faire l’inverse. Pas sûr!

Robert Lyons

dimanche 10 mai 2009

L’apprentissage des tables et des algorithmes (1).

On se demande parfois si, en dehors de l’apprentissage des tables et des techniques de calcul, certaines personnes accordent de l’importance à d’autres apprentissages mathématiques. On se demande aussi si ces apprentissages, que l’on qualifie de «fondamentaux» ou «d’apprentissages de base», occupent valablement autant de place en enseignement des mathématiques ou, si, au contraire, ils doivent leur popularité à une tradition qui aurait avantage à être remise en question surtout lorsque l’on considère leur rôle réel dans notre société.

En ce qui concerne l’apprentissage des tables, pourquoi certains les apprennent-ils encore jusqu’à 12 + 12 et jusqu’à 12 × 12 ? Pourquoi pas jusqu’à dix, quinze ou vingt ? Est-ce que l’utilisation de la mesure en pouces, pieds et milles ou encore la mesure en onces, livres et grosses pouvaient justifier l’apprentissage des tables jusqu’à douze alors que le passage à la mesure selon le système international d’unités ne le justifie plus du tout ?

Par ailleurs, le nouveau programme du Québec mentionne le développement de processus personnels d’addition et de soustraction au premier cycle du primaire alors que les processus dits «conventionnels» sont situés au deuxième cycle pour ces mêmes opérations. La même séquence est observée en ce qui concerne la multiplication et la division mais un cycle, donc deux années plus tard. Avec les processus personnels, le programme mentionne l’apprentissage des tables jusqu’à dix.

Ce qui est évident dans ce qui précède, c’est que les processus personnels constituent des processus bien mystérieux pour les auteurs de ce programme. En fait, qu’est-ce qu’un processus conventionnel sinon un processus personnel qui a fait consensus auprès d’une collectivité ? D’un pays à un autre, et même parfois, dans le même pays, c’est le cas au Canada, plusieurs processus «conventionnels» sont utilisés. Ainsi, anglophones et francophones du Canada n’utilisent pas le même algorithme de division des nombres entiers. Derrière leurs deux processus se cachent toutefois les mêmes propriétés mathématiques, seule la codification des processus est différente. C’est tout de même amusant, car la division conventionnelle utilisée par les francophones sera qualifiée de «processus personnel» dans les écoles anglophones et le phénomène inverse sera observé dans les écoles francophones.

Revenons aux processus personnels. En lisant le programme, on a l’impression qu’on leur confie le même rôle que celui qui est souvent confié à la manipulation : une sorte d’introduction pour les jeunes élèves à certains concepts, introduction qu’il faudra plus ou moins rapidement laisser de côté en faveur de «mathématiques plus sérieuses». Que faire alors si l’élève du secondaire utilise encore divers processus personnels au lieu des processus conventionnels ? Est-ce possible que cela manifeste une compréhension supérieure du nombre et des opérations ?

Est-ce possible que nous ayons appris des processus conventionnels sans vraiment les comprendre ? On pense à la division de fractions dans laquelle la division par la seconde fraction est remplacée par la multiplication par la fraction inverse. Mais, il y a beaucoup plus simple, pourquoi additionner et soustraire par écrit de droite à gauche ? Pourquoi ne pas faire l’inverse ? D’autant plus que l’on retrouve de nombreuses personnes qui, souvent inconsciemment, calculent «de gauche à droite» en calcul mental. Et pourtant, le calcul mental est considéré plus difficile que le calcul écrit. Où est la logique: la technique la plus facile pour le calcul écrit qui est considéré le plus facile et la technique la plus difficile pour le calcul mental qui est plus exigeant? À moins qu’additionner et soustraire de gauche à droite soit toujours ce qu’il y a de plus facile.

Vous croyez peut-être n’avoir jamais calculé «de gauche à droite» ? Essayons ce qui suit. Vous devez payer une somme de 14,79$ avec un billet de 20$. Combien doit-on vous remettre ? Si vous avez déjà tenu une caisse, vous pensez à compléter en dollars d’abord donc 20¢ … 21¢, puis 5$ … 5,21$. Cet algorithme se justifie par le matériel dont vous disposez et le travail à effectuer. Par contre, si vous n’avez jamais occupé un poste où vous deviez rendre la monnaie, vous avez probablement pensé d’abord qu’entre 20$ et 14,79$, il y avait un peu plus que 5$. Ensuite vous avez trouvé 5,20$ …5,21$. Vous avez calculé en vous occupant d’abord des grandes unités, contrairement à ce qui est fait couramment en calcul écrit.

Alors voilà, en calcul écrit et en calcul mental, plusieurs d’entre nous utilisons deux processus «conventionnels» différents et ce, souvent, sur les mêmes nombres. Parce qu’elle est enseignée à l’école, la technique écrite est qualifiée de processus conventionnel alors que la technique utilisée en calcul mental est perçue comme un processus personnel. Peut-on penser que l’utilisation de ce processus personnel démontre une meilleure compréhension que l’utilisation, par imitation, du processus conventionnel ? Et que faire avec les élèves qui effectuent habituellement leurs additions et leurs soustractions écrites de gauche à droite ? Faut-il insister sur l’apprentissage et l’utilisation régulière d’un processus écrit plus conventionnel ?

Avant de répondre à cette question, je vous prie d’être indulgent puisque l’auteur de ces lignes n’effectue ses additions et ses soustractions écrites que de gauche à droite depuis l’âge de huit ans. Cela semble lui avoir toujours permis de calculer plus rapidement que la majorité des autres élèves d’abord et des adultes par la suite ? Est-ce possible que la conservation de ces techniques personnelles en addition et en soustraction, entre autres, permette de concevoir les mathématiques comme un domaine de créativité ? Est-ce possible qu’une telle perception des mathématiques conduise à croire que la mémorisation et la pratique répétitive ne sont pas à la base de l’apprentissage des mathématiques ? Est-ce possible que la plus grande différence entre les «forts en maths» et ceux qui éprouvent des difficultés tienne davantage à la perception de ce que sont les mathématiques et à la façon de les apprendre qu’à une mystérieuse et toujours introuvable «bosse des mathématiques» ?

À vous !
Robert Lyons

dimanche 3 mai 2009



Dénominateur commun (2)

Le dénominateur désigne le nom de l’unité alors que le numérateur en mentionne le nombre. Nous savons que certaines opérations arithmétiques exigent la présence d’un dénominateur commun. Quelle image mentale simple peut guider l’élève afin de trouver un dénominateur commun ?

Activité

Demandez aux élèves s’il y en a qui parlent d’autres langues que le français. Attendez leurs réponses et demandez-leur comment on dit tel mot dans ces autres langues. Demandez-leur s’ils parlent bien de la même chose, même si les termes sont différents. Ils devraient comprendre qu’il y a de nombreuses façons de dire la même chose, soit en utilisant d’autres langues, soit, sans changer de langue, en utilisant des synonymes.

Demandez-leur alors comment un francophone, qui ne parle pas anglais, et un anglophone, qui ne parle pas français, peuvent communiquer entre eux. Attendez-vous aux réponses suivantes.


Par signes;
Peut-être que les deux parlent espagnol;
En demandant un interprète;
Un des deux peut apprendre la langue de l’autre;

Mentionnez qu’en mathématiques, c’est très semblable. Il est possible de nommer la même quantité de façons différentes. Ainsi, supposons qu’une personne, qui parle seulement la «langue des tiers», dise que les deux tiers de sa page sont coloriés alors qu’une autre personne, qui ne parle que la «langue des cinquièmes», lui réplique que les trois cinquièmes de sa feuille sont coloriés, pour se comprendre, ces personnes ont les choix suivants :

Demander un interprète qui parle ces deux langues;
Apprendre une troisième langue qui servira à chacun;
Un des deux apprend la langue de l’autre.

Oublions l’interprète et essayons d’apprendre une troisième langue.

Accompagnez ces propos par les deux dessins suivants :



Adossez les deux pages et pliez-les sur les lignes de séparation. Tracez des lignes le long de ces plis. Vous obtiendrez :



Faites remarquer qu’une nouvelle langue vient d’être construite. Laquelle ? (La langue des quinzièmes.) Demandez alors aux élèves de traduire 3/5 et 2/3 dans la langue des quinzièmes en observant les deux rectangles.

Faites ressortir que dire ou écrire 3/5 ou 9/15 désigne la même quantité. Même chose pour 2/3 et 10/15.

Reprenez l’exercice avec une demie et trois quarts. En pliant la première feuille en deux, vous obtenez donc des quarts et les élèves peuvent constater l’égalité qui existe entre les fractions une demie et deux quarts. Dans ce cas, il y en a un qui «a appris la langue de l’autre».

Prolongez l’activité en séparant également une feuille en x parties dans un sens et en demandant aux élèves de la séparer également en un nombre de parties de leur choix dans l’autre sens. En quelles nouvelles langues peuvent-ils traduire le fractionnement original ? Ne soyez pas trop exigent au sujet des fractionnements égaux, il suffit qu’ils en comprennent l’importance.

Par la suite, prenez un de ces fractionnements et montrez tous les fractionnements trouvés. Ordonnez ces fractionnements. Si le fractionnement original était en tiers, les fractionnements trouvés devraient donc être des sixièmes, des neuvièmes, … Dès que la suite est identifiée, la construction physique des différents fractionnements devient moins nécessaire puisqu’il est facile de calculer les fractionnements possibles grâce à la suite qui aura été remarquée.

Robert Lyons