dimanche 21 février 2010

La meilleure technique

À l’ère de l’ordinateur et de la calculatrice, c’est incroyable de voir l’importance accordée au calcul écrit. Lors d’une rencontre de parents, il y a quelques années, rencontre à laquelle assistaient aussi quelques enseignantes et un élève de onze ans, un parent mentionnait qu’il croyait qu’il fallait insister encore beaucoup sur le calcul écrit. Interrogé au sujet de l’importante de développer de la facilité afin de multiplier et de diviser par des nombres à deux chiffres, il en admit la grande importance.

Nous avons alors demandé aux personnes présentes de lever la main si, au moins une fois par mois, elles effectuaient une multiplication ou une division écrite par un nombre à deux chiffres. Une seule personne de l’assistance a levé la main, l’élève de onze ans. Il fallait voir son étonnement lorsqu’il vit qu’il était seul. J’imagine que, par la suite, il a éprouvé certaines difficultés à croire que cet apprentissage allait lui servir régulièrement plus tard.

Mais, il y a mieux ! Lorsqu’on demande aux parents et aux enseignantes quelles techniques il faut apprendre aux élèves ou lorsque nous permettons aux élèves d’en apprendre d’autres que celles qui ont torturé l’enfance de leurs parents, il est fréquent d’entendre dire que ces «nouvelles techniques» ne sont pas les meilleures. Là, il semble bien que cette opinion constitue la croyance de la majorité des parents et des enseignants de la planète.

Le problème, c’est que les francophones du Québec, par exemple, et ceux de France n’utilisent pas la même technique de soustraction. Ajoutons que les francophones du Québec ne divisent pas comme les anglophones de cette même province. Mieux encore, en Chine, le calcul écrit n’existe pas. Bref, considérant les convictions profondes des habitants de notre planète à l’effet que leurs techniques soient les meilleures, il faut bien admettre que ce qui détermine la valeur d’une technique de calcul n’a rien à voir avec la pédagogie ou les mathématiques. Il s’agit probablement d’un problème d’ordre géographique.

Mais quelles techniques adoptent les as du calcul ? Celles qui facilitent leur travail !

Ainsi, si la soustraction 4356 – 2124 ne cause aucun problème sérieux et qu’elle puisse être résolue aussi facilement de gauche à droite ou de droite à gauche, une soustraction telle 4000 – 2127 présente de jolis défis. Au Canada, nous utilisons la technique de l’emprunt, laquelle transforme 4000 en 3 (9) (9) (10), c’est-à-dire en 3 milliers, 9 centaines, 9 dizaines et 10 unités. Le reste est facile. Pendant ce temps, en France, «la meilleure technique» consiste à modifier à la fois 4000 et 2127 de sorte que là aussi, la soustraction puisse s’effectuer à chaque position. Dans ce but, 4000 devient 4 (10) (10) (10) alors que 2127 est changé en 3237. Ce sont en fait des techniques bien complexes pour qui prend d’abord le temps de réfléchir et de changer 4000 en 3999 et 2127 en 2126.

Chose étonnante, à l’épicerie, en calcul mental, aucune des techniques précédentes n’est choisie. À cet endroit, à l’insu de tous, nous avons l’habitude de soustraire comme suit : 40$ - 21,27$ devient 18$ …puis !8,73$. Calcul de gauche à droite ! Pourtant, on avoue que le calcul mental est plus exigeant que le calcul écrit. N’est-ce pas normal alors de tenter d’utiliser «la meilleure technique» ?

Mais, il y a ces deux fillettes de sept ans qui, indépendamment l’une de l’autre, à des centaines de kilomètres de distances, (Halifax en Nouvelle-Écosse et St-Jean-sur-Richelieu au Québec) ont utilisé les nombres négatifs comme suit : 421 – 158 = 3 (-3) (-7) ou 300 – 30 – 7 et ensuite 300 – 30 = 270 et 270 – 7 = 263. Personne ne leur avait appris ces algorithmes. Nous n’en avons trouvé aucune trace dans l’histoire des mathématiques. Se pourrait-il que nos élèves, dont l’ingéniosité se remarque facilement lorsqu’ils pratiquent des jeux électroniques interactifs ou encore lorsqu’ils utilisent le micro-ondes, le téléviseur ou même l’ordinateur, soient aussi en mesure de manifester leur créativité et leurs capacités à résoudre des problèmes en inventant ou en redécouvrant de très bonnes techniques de calcul ?

J’allais oublier, quelle est donc la meilleure technique ? Il me semble que ce soit celle qui est la plus simple, celle qui, pour un calcul donné, en réduit le plus possible le risque d’erreurs. Ainsi, quelle technique utiliser afin de diviser 35 505 par 45 ? La technique anglophone ou la technique francophone ? La meilleure technique me semble d’abord de remplacer 35 505 et 45 par 71 010 et 90 et, ensuite par 7101 et 9. En effet, multiplier ces deux nombres par 2 et diviser ensuite 7101 par 9 est beaucoup plus simple, plus rapide et moins risqué que de diviser 35 505 par 45.

Robert Lyons

samedi 6 février 2010

Sur l'efficacité

Le rôle de la répétition et de l’entraînement en vue de développer aisance et efficacité est bien connu. Ces activités permettent de créer des modèles qui seront sélectionnés et exécutés de plus en plus rapidement et efficacement.

À plusieurs reprises, nous avons pu observer de jeunes enfants qui s’initiaient au jeu Logix. Ce jeu consiste à positionner dans une grille 3 × 3 neuf pièces qui sont des carrés, des triangles ou des cercles chacune étant de couleur bleue, jaune ou rouge. Habituellement, les débutants réussissent les cinq à dix premières fiches avant de frapper un mur. Souvent, ils laissent alors le jeu de côté avant d’y revenir en recommençant avec la première fiche. On observe alors qu’ils vont plus loin que lors de leur premier essai. Ils utiliseront régulièrement cette stratégie de retour en arrière sans nécessairement recommencer au début réussissant ainsi à aller de plus en plus loin à chaque nouvel essai.

Il est facile d’observer que ce qui les aide à progresser est l’assimilation de plus en plus grande des consignes qui sont progressivement introduites dans le jeu. Tout se passe comme s’il devenait impossible de progresser lorsque plus que deux ou trois consignes nouvelles devaient être gérées. Par contre, le nombre de consignes déjà assimilées peut être considérable. Lorsqu’un élève réussit avec aisance l’ensemble des fiches du jeu Logix, il peut se mesurer à Logix Signature II qui introduit de nouvelles consignes. Il est facile d’observer alors que ce que les joueurs ont déjà assimilé est réutilisé automatiquement. Cependant, cela ne semble nullement les aider dans l’apprentissage des nouvelles consignes.

Imaginez un conducteur de taxi qui travaille dans une ville dont les rues sont disposées de façon semblable à un plan cartésien. Si, par chance, les rues sont identifiées nord-sud ou est-ouest ou si, dans un sens elles sont dites rues et, dans l’autre, avenues, le travail de ce conducteur est largement facilité. Et c’est encore plus facile si les rues et avenues sont numérotées. Si c’est le cas, il se fera rapidement un modèle mental de sa ville et pourra s’orienter sans difficultés vers une adresse donnée.

Mais si ce conducteur doit aller exercer son métier dans une autre ville où les rues sont encore disposées selon un plan cartésien et que, cette fois, rien dans les noms de rues n’indique leur sens ou leur position par rapport aux autres rues alors seule l’organisation cartésienne des rues peut être transférée. Pour le reste, il doit tout reprendre à zéro. Et, s’il déménage dans une autre ville où les rues sont pratiquement toujours en forme d’arc de cercle et si elles sont très courtes, alors tout est à refaire, rien n’étant transférable.

Prenons un autre exemple, l’apprentissage du calcul mental en multiplication. D’abord, il y a les fameuses tables de base à mémoriser. Ce n’est pas nécessairement facile, mais avec une bonne mémoire et quelques efforts, nous y parvenons presque tous.

Passons à une autre étape, la multiplication mentale de nombres à deux chiffres. Cette fois, la mémorisation pure est hors de portée de la majorité des gens. Ce qui a été mémorisé au début va toujours servir, mais la façon de l’apprendre, soit par mémoire pure, ne peut être transférée à ce qui est désiré maintenant. D’ailleurs, pour la majorité des gens, la multiplication mentale au-delà de 10 X 10 ou de 12 X 12, n’est même pas envisagée.

Il faudra de nouvelles stratégies. En guise d’exemples :
1. Lorsqu’il faut multiplier par lui-même un nombre ayant 5 à la position des unités, il suffit d’abord de multiplier le chiffre des dizaines par le suivant (pour 15 × 15 : 1 × 2 = 2; pour 25 × 25 : 2 × 3 = 6…) et de faire suivre ce nombre par 25.
Donc : 15 × 15 conduit à 1 × 2 = 2, ensuite à 225;
35 × 35 devient 3 × 4 = 12 ensuite 1225;
75 × 75 devient 7 × 8 = 56 et ensuite 5625.
C’est une technique très utile, mais elle est inutilisable si, à la position des unités, le chiffre est autre que 5 et si le nombre n’est pas
multiplié par lui-même.
2. Voici une autre technique, celle de la différence de carrés.
Prenons 8 × 10.
La moyenne entre 8 et 10 est 9 que nous élevons au carré : 9 × 9 = 81.
L’écart entre la moyenne et 8 ou 10 est 1 qui sera aussi élevé au carré : 1 × 1 = 1. Il reste à soustraire le petit carré du grand :
81 – 1 = 80 donc 8 × 10 = 80.
Essayons avec 36 × 44. La moyenne est 40, donc 40 × 40 = 1600. L’écart entre 40 et 36 ou 44 est 4, donc 4 × 4 = 16.
Enfin 1600 – 16 = 1584 donc 36 × 44 = 1584.

Cette dernière technique est fort utile lorsque la moyenne est un multiple de dix. Si ce n’est pas le cas, cela s’avère plus difficile. Il existe de nombreuses autres techniques qui permettent de simplifier diverses multiplications de nombres à deux chiffres. Elles n’ont toutefois pas nécessairement de liens avec les deux précédentes.

Ce qui vient d’être décrit peut être programmé sous la forme d’une séquence d’apprentissages et il est facile d’évaluer la progression des élèves dans ces apprentissages. Malheureusement tous les apprentissages ne se programment pas aussi facilement. Dans certains domaines il ne semble pas possible de définir une séquence d’apprentissages et, partant, d’évaluer la progression des élèves. C’est ce qui se passe en apprentissage de la créativité et de la résolution de problèmes.

Robert Lyons