dimanche 21 mars 2010

Un blogue du ministère

Avec l’imposition prochaine d’un bulletin simplifié, la ministre de l’éducation du Québec contribuera largement à réduire le stress nuisible vécu par les élèves et le personnel enseignant depuis l’avènement des SAE (situation d’apprentissage et d’évaluation). En effet, tout semble indiquer que les SAE agoniseront rapidement et que nous reviendrons à une évaluation plus traditionnelle.

Certes, l’évaluation, qu’elle provienne du ministère ou de la commission scolaire, est toujours accompagnée d’un certain stress, mais ce stress peut être réduit considérablement lorsque des examens traditionnels sont utilisés. En fait, il est plus facile de préparer adéquatement les élèves aux évaluations traditionnelles qu’aux SAE. Il est aussi plus facile de vérifier et d’ajuster le degré de préparation des élèves en vue de la passation d’un test traditionnel que d’une SAE.

Voyons cela de plus près. À la fin du primaire, les élèves doivent avoir développé une certaine aisance :
- en numération;
- en calcul;
- avec le pourcentage;
- dans différents domaines de la mesure;
- dans certains domaines de la géométrie.

Tous ces sujets sont précis et connus.

Ainsi, une enseignante qui reçoit, en septembre, des élèves afin de leur faire vivre la dernière année du primaire, peut, en début d’année, les évaluer assez rapidement sur ces divers sujets ou, au moins, sur ceux dont l’apprentissage est le plus long ou le plus important. Elle peut faire le point et, ainsi, planifier son enseignement afin de faire progresser ses élèves. Cette progression sera facile à évaluer régulièrement et, avant les tests externes de fin d’année, elle saura à quelles performances s’attendre de ses élèves.

Par contre, avec les SAE, il n’y a aucune façon de planifier et de vérifier la progression des élèves. Le personnel enseignant en est réduit à réaliser deux, trois ou quatre SAE par année en espérant que cela puisse aider les élèves. Il s’agit vraiment d’espérer car il n’existe aucun moyen de vérifier la progression des élèves, aucun moyen permettant d’orienter le travail à faire. Il en résulte qu’à la veille d’administrer une SAE ministérielle, prédire les résultats des élèves constitue une activité qui relève davantage du hasard que de l’observation systématique du travail de préparation des élèves.

Bref, il y a aujourd’hui beaucoup plus de chances pour que, dans les prochaines années, la préoccupation première du réseau scolaire porte sur l’apprentissage et non sur l’évaluation et le contrôle du stress. Il faut en profiter.

Si vous naviguez sur internet, vous trouverez de nombreux blogues qui constituent de formidables outils d’aide de toutes sortes. Vous devez réparer une tondeuse à gazon ou tenter de faire disparaître une tache, interrogez Google et, il y a de fortes chances pour que vous receviez rapidement d’excellentes suggestions.

Alors pourquoi pas un blogue, entretenu par le ministère sur l’enseignement de chacune des matières scolaires ?

Chaque année, nous recevons des dizaines de questions en provenance d’enseignantes ou de parents qui veulent savoir, entre autres :

- Si un cône a un sommet ?
- Pourquoi l’inversion de la seconde fraction dans une division de fractions ?
- Pourquoi tout nombre affecté de l’exposant zéro est-il égal à un ?
- Comment enseigner les équivalences de fractions ?
- Comment enseigner les termes manquants ?
- Quel degré de maîtrise des tables de multiplications doit être atteint par un élève de dix
ans ?
- Que faire avec un élève qui ne comprend pas la numération ?
- Comment corriger telle erreur en soustraction et comment éviter cette erreur ?

La liste est longue et, neuf fois sur dix, des réponses efficaces sont connues.

Alors, le ministère a la possibilité de poser un geste fort utile en installant et en entretenant des blogues portant sur les diverses matières. Les réponses aux diverses questions pourraient venir de nombreuses personnes compétentes qui font ou ne font pas partie de l’ensemble du réseau scolaire. Cela s’avérerait efficace et économique.

Si les commissions scolaires ne reprennent pas l’engagement de conseillers pédagogiques spécialistes dans diverses matières, les enseignantes pourraient recourir à ce blogue afin d’obtenir un soutien minimal concernant des sujets qu’elles ne peuvent tous maîtriser vu le nombre de matières à enseigner au primaire lorsque vous êtes titulaire de classe.

Robert Lyons

dimanche 7 mars 2010

Nouveau bulletin au Québec

La semaine dernière, les médias en ont fait leur première page, le ministère imposera un bulletin national simplifié pour la rentrée. Cela signifie-t-il la fin de la Réforme entreprise il y a dix ans ? Est-ce un retour en arrière, recours ultime des politiciens en mal de tranquillité ?

Le bulletin sera simplifié sous prétexte que les parents ne le comprennent pas, que la terminologie qu’il utilise n’est pas claire. Avouons franchement que personne ne s’y retrouve dans cette terminologie. Depuis dix ans, nous avons été témoin de multiples interprétations de telle et telle compétence. La dernière trouvaille étant que la compétence «Résoudre des problèmes» s’applique aux problèmes difficiles et que la compétence «Raisonner» vise les problèmes faciles. On touche le fond du puits du ridicule.

Est-ce exagéré de penser que personne ne comprend la terminologie de la Réforme ? Imaginons un instant que les personnes qui supportent cette Réforme, et qui en sont en même temps les responsables au ministère, comprennent cette terminologie. Si c’est le cas, compte-tenu de leurs fonctions et des outils modernes de communication, les dix années écoulées depuis le lancement de la Réforme étaient largement suffisantes afin de clarifier au moins les énoncés les plus utilisés. Or, la confusion n’a fait que grandir. Alors, de deux choses l’une, ou ces responsables n’y comprennent rien ou ils sont incompétents, n’étant pas capables de livrer correctement le message en dehors de leur bureau situé sur un étage plus proche des nuages que du plancher des vaches.

Passons au bulletin simplifié, plusieurs parlant même d’un bulletin simpliste, d’un grand pas en arrière. Ils ont raison ! Un pourcentage afin de résumer la qualité et la quantité des apprentissages en mathématiques, c’est aussi valable que de mesurer les valeurs humaines d’un individu à partir seulement de ses revenus. Malheureusement, ce bulletin simpliste et, espérons-le, temporaire, est devenu nécessaire avec la place exorbitante prise par l’évaluation depuis dix ans.

L’évaluation est devenue la préoccupation la plus importante dans les commissions scolaires et dans les écoles. Parfois, elle est utilisée comme outil de chantage par de misérables Tontons macoutes afin d’obliger des enseignantes à se plier à leurs dictats dont la valeur éducative reste à démontrer. De sorte que si le bulletin simpliste peut servir à remettre à sa place l’évaluation afin que l’apprentissage devienne la préoccupation première non seulement des enseignantes, mais aussi des parents, des directions d’écoles, des cadres des commissions scolaires et du ministère, ce nouveau bulletin ne sera pas un retour en arrière, mais un pas en avant vers l’an 2000 puisque, depuis cette année 2000, les stratégies et les outils d’enseignement n’ont fait que se détériorer.

Ainsi, ne réalisant pas que les mathématiques que les élèves peuvent redécouvrir ou réinventer ne s’enseignent pas de la même façon que le français qui résulte de nombreuses règles arbitraires, les commissions scolaires ont remplacé les conseillers de matière par des «professionnels en pédagogie». Ce faisant, ils ont confondu la pédagogie et la didactique. La pédagogie s’occupe des relations maître-élèves, des relations entre les élèves, de la discipline, de la motivation, du souci de travailler avec soin, … (De transversalité peut-être ?). Par ailleurs, en complémentarité, la didactique s’intéresse aux stratégies propres à l’apprentissage efficace d’une matière précise en considérant, par exemple, la place plus importante de la mémoire dans telle matière et du raisonnement dans telle autre matière.

En remplaçant les conseillers de matière par des «professionnels en pédagogie», et ce, indépendamment de la valeur et de la volonté de ces professionnels, les commissions scolaires ont démontré qu’elles ignoraient les didactiques au profit d’un enseignement dont les stratégies constitueraient un inefficace dénominateur commun pour toutes les matières.

En fait, la Réforme ouvrait la voie à une amélioration de l’enseignement, mais elle a été un instrument dont ont bénéficié ceux qui se sont avérés les plus forts au jeu du «Pousses-toi que je m’y mette.»

Un bulletin simpliste et national est peut-être un premier pas vers la mise-de-côté de tout ce qui a fait reculer l’enseignement et l’apprentissage depuis dix ans. Un premier pas vers un regard neuf sur une Réforme, dont les éléments valables ont été occultés par l’utilisation d’un langage hermétique qui ne cachait en fait que la grande confusion de ceux qui l’utilisaient et par la place exagérée prise par l’évaluation.

À vous !

Robert Lyons