dimanche 7 décembre 2008

Simple et généralisable

Les difficultés les plus nombreuses et les plus tenaces en mathématiques proviennent du fait que certains concepts sont présentés et développés pendant plusieurs mois ou années autour de quelques cas particuliers du concept étudié. C’est ce qui arrive lorsqu’on enseigne aux élèves que 5 – 7 est impossible alors que 7 – 5 est possible; que la multiplication est une addition répétée; que diviser c’est partager ou mesurer; que les exposants représentent une multiplication répétée; qu’un sommet se situe au point de rencontre de deux arêtes…

Les erreurs et difficultés qui découlent de ce qui précède sont les suivantes.

- 35 – 17 = 22, qui est l’erreur la plus fréquente en calcul.

- Incapacité à comprendre :

· que ½ × ½ = ¼ ou que (-3) × (-4) = 12 ;
· que 1 $ ÷1/2 = 2 $ ;
· que 60 = 1
· que le cône a effectivement un sommet (un apex est un sommet remarquable…)

Il me semple qu’il existe deux possibilités afin d’éviter que des aspects particuliers d’un concept deviennent, pour l’élève, le concept lui-même.

Première possibilité : Présenter dès le début au moins un cas de chaque type d’applications du concept.

Deuxième possibilité : Partir d’une schématisation à laquelle toutes les applications du concept puissent être associées.

La première possibilité me semble irréaliste puisqu’il existe trop de types d’applications de certains concepts pour qu’il soit possible de les évoquer de façon exhaustive et d’en tirer une définition générale correcte. D’ailleurs, une définition correcte de la multiplication, par exemple, ressemblerait à «une opération associative, commutative, distributive sur l’addition…» Ouf ! Ce n’est pas avec une définition semblable que le concept de multiplication deviendra accessible.

La seconde possibilité me semble beaucoup plus réaliste. Une sorte de schématisation ou d’image mentale, toujours la même, pour toute la fonction additive, une autre pour toute la fonction multiplicative, une autre pour tous les types d’exposants… Une image mentale pouvant être un dessin ou une disposition particulière à moins que ce ne soit une petite chansonnette ou un ensemble de gestes familiers.

En guise d’exemple, la fonction additive peut toujours être illustrée sur un axe. Le nom de cet axe est le dénominateur commun de l’addition ou de la soustraction à effectuer. Sur l’axe des x, on additionne ou on soustrait des x : 5x – 2x = 3x. Sur l’axe des cinquièmes, on additionne ou on soustrait des cinquièmes.

Par contre, il ne peut y avoir de dénominateur commun en multiplication ou en division : 3 m × 4 m = 12 m2. Cela implique que la fonction multiplicative ne peut être illustrée sur un seul axe. Il en faudra deux et l’on formera un rectangle. Or le rectangle peut illustrer tous les problèmes impliquant la division et la multiplication.

Bref, la fonction multiplicative serait fortement associée au rectangle et, par la suite, toutes ses applications le seraient aussi. De la même façon, la fonction additive serait associée à des déplacements sur un axe.

En guise d’exemples : la multiplication consiste à trouver l’aire d’un rectangle dont les côtés sont connus; en division, il faut trouver un côté alors que l’aire et l’autre côté sont connus; extraire la racine carrée, c’est trouver la longueur du côté d’un carré dont l’aire est connue; factoriser, c’est trouver les côtés possibles d’un rectangle dont l’aire est connue.

Connaissant l’espace parcouru par un mobile en un temps donné, la vitesse de ce mobile correspond au côté d’un rectangle dont l’aire représente l’espace parcouru et la longueur, le temps du déplacement. Il faut donc effectuer une division. En électricité, le voltage est trouvé en multipliant l’ampérage par la résistance. L’aire du rectangle représente donc le voltage et les côtés représentent l’ampérage et la résistance. À l’épicerie, si un demi-kilogramme de viande coûte quatre dollars alors l’aire du rectangle représentera le prix de ce demi-kilogramme, soit quatre dollars, la hauteur représentera le nombre de kilogrammes achetés, ici un demi et la longueur représentera le prix d’un kilogramme, soit huit dollars. On aura donc : 4$ ÷ ½ = 8$ soit le prix payé divisé par le nombre de kilogrammes achetés, ce qui conduit à trouver le prix d’un kilogramme.

À vous!

Robert Lyons

6 commentaires:

Zia a dit…

Oui, oui et oui pour la schématisation à laquelle toutes les applications du concept puissent être associées. C'est en faisant des mathématiques avec mes enfants (programme des mathématiques à la maison de vos expertises) que j'ai finalement compris le concept de multiplication (rectangle). Pourtant, j'ai complété une mineur en mathématiques à l'université... Maintenant, j'aimerais voir les schématisations des concept d'exposants, de sinus, cosinus. J'ai envie de tout apprendre avec des images solides. Merci pour tout!

Magdatellementtrop a dit…

Très juste.J'utilise aussi votre programme avec ma fille .(Depuis une année seulement.)
Une révélation.;-)
Pourquoi ? Parce qu'on ne demande pas à l'enfant d'appliquer sans comprendre ,ce qui est aussi à mon sens une des causes de l'échec de l'enseignement en Math.
Ce que vous évoquez ,(Le rectangle ,par ex. pour le concept de multiplication) m'évoque le matériel de la Pédagogie Montessori que je découvre depuis peu.
Je le trouve formidablement bien conçu.
Le connaissez-vous?
Bien cordialement,

Gilles a dit…

Intéressant ce dernier titre de Mathadore! Nous proposions d’abord de passer du général au particulier puis, de simplifier le complexe. Maintenant, nous entrevoyons de généraliser la simplicité. Tout cela est-il compatible? Voyons voir :

L’image du rectangle est relativement simple et il est proposer de partir de celle-ci pour découvrir les différentes facettes du concept de multiplication. Nous procédons ainsi du général au particulier. D’accord, mais simplifions-nous le complexe ? Hummmm. Cela dépend de notre façon d’aborder les choses. S’il s’agit d’expliquer aux élèves le modèle du rectangle, je crois que non. Je simplifie le complexe, moi comme enseignant, mais j’ose croire que l’idée de simplifier le complexe doit être mise en œuvre par l’élève et non par le maître. Toutefois, si nous présentons aux élèves une situation qui fait appel au rectangle pour résoudre un problème de multiplication, alors là, je dis oui. Tout est dans le contexte que nous créons pour favoriser chez l’élève sa propre compréhension des phénomènes, sa propre construction d’un réseau de concept. Cela m’amène à identifier deux aspects importants et interdépendants de la rédaction d’un programme, essentiellement les deux premiers que Robert présentait dans le premier de cette série sur le Grand défi (Mathadore 291):

1. la séquence d’apprentissage (le quoi et le quand)
2. le contexte d’apprentissage (le comment)

L’idée d’un rectangle pour représenter la multiplication (et ces multiples facettes) c’est autant le 1 que le 2. Je veux dire par là que oui, on doit aborder la multiplication à partir d’une représentation générale du concept, mais il faut aussi aborder l’apprentissage de façon constructiviste (ou socio-constructiviste) et non de façon magistrale, frontale ou explicative. Les discussions autour du modèle sont nécessaires bien sûr, mais ne viendront idéalement qu’après que l’élève en aura perçu la pertinence dans une situation-problème. Là réside, selon moi, le succès de la mise en œuvre d’un programme. La question se pose donc : la méthode didactique devrait-elle être laissée au choix de l’intervenant qui utilise un nouveau programme ou devrait-elle être faire partie intégrante du programme?

Bien sûr, certains élèves possèdent une pensée analogique bien développée et cela leur permet d’effectuer les liens nécessaires à la compréhension indépendamment de l’approche utilisée par l’enseignement. Cependant, du point de vue de ce qui fonctionne pour l’ensemble des élèves, il est de la responsabilité de l’enseignant d’assurer que chaque élève ait l’opportunité de percevoir la pertinence des apprentissages qu’il fait.

Magdatellementtrop a dit…

Gilles,
Votre réflexion est intéressante.
A mon avis, elle sous-entend une formation des enseignants bien solide et bien meilleure que celle proposée actuellement en France.(Au Québec,je ne sais pas ?)
Je suis bien d'accord avec vous pour dire l'inneficacité du frontal ,magistral,etc...
Pensez-vous qu'il y a quand même des enfants plus à l'aise par nature dans l'univers abstrait des maths et de la numération, ou bien pensez-vous que cela est dû à un panachage de mauvais départ en pré-scolaire, et autres?Merci.

Robert Lyons a dit…

Gilles nous amène sur un terrain qu'il faudra aborder éventuellement, l'approche didactique. Personnellement, je crois qu'elle n'ont pas toutes la même efficacité, mais nous y reviendrons.
De plus Gilles nous rappelle de ne pas oublier les contextes des problèmes à poser aux élèves. Il a bien raison car, aussi surprenant que cela puisse paraître, et cela, Gaston Mialaret l'a démontré il y a de nombreuses années grâce aux deux problèmes suivants :
J'avais 18 francs dans mon porte-monnaie; j'ai acheté un crayon qui m'a coûté 7 francs. Combien me reste-t-il ?
Je dois parcourir 7 kilomètres dans une journée. Le matin, je fais 4 kilomètres. Combien de kilomètres me reste-t-il à faire dans l'après-midi ?
Ces problèmes ont été soumis, il y a plus de 50 ans, à 3527 élèves de 7 à 8 ans, en France.
Cela peut paraître surprenant, mais, pour le premier problème (18 - 7 = 11), le taux de réussite a été de 80% alors qu'il n'a été que de 43% pour le second problème ( 7 - 4 = 3).
La différence ? À mon avis, l'image mentale. Si la représentation de francs est facile, celle de kilomètres l'est beaucoup moins. Il semble donc que ce n'est pas la grandeur des nombres qui constitue le pire obstacle, mais la difficulté à se représenter mentalement le contexte du problème. Quels contextes devons-nous utiliser ? Je pense que c'est dans l'histoire des maths qu'il faut les chercher.
Sur ce, Gilles, tu m'inspires au moins deux autres sujets qui devront être abordés dans les prochains Mathadore : le contexte et les approches didactiques.

Je m'en voudrais de passer sous silence le dernier commentaire de Madalen au sujet des enfants plus ou moins à l'aise en maths. Si nous pensons aux enfants qui n'ont aucun problème grave de santé, soit un peu plus de 99% des élèves, il est clair que les maths semblent plus faciles pour certains. Cependant, un apprentissage de qualité est aussi possible pour les autres.
J'ai l'habitude d'illustrer ma conviction en cette matière comme suit.
Imaginez qu'au saut en hauteur, certains élèves peuvent sauter 1,50mètres avec aisance alors que d'autres ne peuvent en faire autant que si la barre est à 1,40m, à 1,30m ou à 1,20m. Bref, les meilleurs passent sans difficulté la barre à 1,50m alors que les moins athlétiques la passent avec aisance à 1,20m. Il y a une grande inégalité, cependant, imaginons que ce dont nous avons besoins, ce sont des élèves qui franchissent la barre à 1 mètre, alors, tous peuvent réussir.
Je crois que c'est la même chose en maths, si comme l'écrit Gilles nous choisissons avec soin l'approche didactique et les thématiques, au moins 99% des élèves ont une bosse des maths suffisamment bien pourvue pour réussir.
Robert Lyons

83521=17x17x17x17 a dit…

si comme l'écrit Gilles nous choisissons avec soin l'approche didactique et les thématiques, au moins 99% des élèves ont une bosse des maths suffisamment bien pourvue pour réussir

TOTALEMENT D'ACCORD!

Les rectangles et le carré pour illustrer la multiplication est remarquablement efficace.

Elle peut même s'employer à la plage sur le sable...