dimanche 22 février 2009
Au préscolaire : la non-contradiction (1)
Un des fondements incontournables des mathématiques est la non-contradiction. Cette propriété essentielle est à la base de toutes les preuves, démonstrations, explications et solutions de problèmes mathématiques à tel point que l’incapacité à reconnaître certaines contradictions typiques entre quatre et sept ans peut signaler des apprentissages futurs très limités.
Normalement, le cerveau humain en santé sursaute face à une contradiction et cherche à la résoudre. Or, chez certaines personnes, la contradiction ne dérange pas, elle n’est pas perçue. Il semble que ce problème soit d’ordre neurologique et que les meilleures stratégies pédagogiques et didactiques ne puissent en venir à bout. Heureusement, seulement un individu sur trois cents environ semble en souffrir. Ces individus peuvent être qualifiés correctement d’illogiques. Plusieurs fois cependant on qualifie d’illogiques des élèves dont la logique est peu développée ou des élèves logiques dont la faiblesse est plutôt de nature analogique (Voir Mathadore 301).
Il y a donc lieu de dépister, dès le préscolaire, les enfants qui ne sursautent pas devant des contradictions évidentes. Dans ce but, il faut leur proposer des problèmes qui les conduisent à des solutions contradictoires. En faisant ressortir par la suite ces solutions contradictoires, on observe les réactions de l’élève. S’il passe d’une solution à une autre plus de deux fois sans sembler troublé, il y a lieu de penser que son cerveau accepte la contradiction et, conséquemment, que cet élève sera très limité lors de ses apprentissages en mathématiques surtout. Lorsque ces élèves ne sont pas perçus comme différents, ils conduisent trop d’excellentes enseignantes à douter de leurs capacités pédagogiques, c’est inacceptable. Nous le répétons, la cause du problème est de nature neurologique et même la médecine ne peut y remédier actuellement. Que faire avec ces enfants? D’abord, ajuster nos exigences, ils peuvent apprendre à se débrouiller avec un minimum d’encadrement, cependant, les raisonnements mathématiques, mêmes élémentaires, seront difficiles et, parfois, inaccessibles. Il faudra donc se fier à leur mémoire afin de leur apprendre des trucs, des méthodes, des habitudes qui leur permettront une certaine autonomie dans leur vie quotidienne. Il faudra cependant leur proposer les mêmes démarches que celles qui sont proposées aux autres élèves, une erreur de diagnostic étant toujours possible. Il faut alors être conscient de la haute probabilité d’un échec, tout en espérant la réussite.
Voici une première activité que nous utilisons en vue de dépister ces élèves.
Le triangle bleu
Matériel : Quelques blocs logiques dont au moins deux triangles bleus, un triangle jaune, un triangle rouge, un carré bleu, un carré rouge et quelques cercles.
Remettez les blocs à l’élève. Tendez vos mains espacées vers lui et dites-lui qu’il doit placer les triangles dans votre main droite et les blocs bleus dans l’autre main. Assurez-vous qu’il comprend bien cette consigne et qu’il sait où placer les blocs bleus et les triangles.
Les seuls blocs qui posent un problème sont les triangles bleus. Si l’élève perçoit le problème, il vous demandera quoi faire avec ces pièces, il réagit à la contradiction, il fonctionne logiquement Chez l’enfant de quatre à sept ans, il arrive souvent qu’il ne perçoive pas la contradiction lorsqu’il place un triangle bleu. S’il le place dans la main des «bleus», demandez-lui pourquoi. Il dira que c’est dans cette main qu’il faut placer les bleus. Demandez-lui de quelle forme est ce bloc. Il dira que c’est un triangle. Rappelez-lui alors que les triangles vont dans l’autre main. Il peut alors percevoir la contradiction. Si ce n’est pas le cas, il placera le bloc dans l’autre main.
Demandez-lui alors pourquoi il a placé ce bloc dans cette main, il dira que c’est un triangle. Demandez-lui quelle est la couleur de ce bloc. Il dira qu’il est bleu. Rappelez-lui que les bleus vont dans l’autre main. Certains élèves perçoivent alors la contradiction en mentionnant que ce bloc devrait aller dans les deux mains ou encore en voulant l’exclure de la classification, ce que vous refuserez.
Si l’élève change le bloc de main sans sourciller, recommencez le même manège une troisième et dernière fois. S’il ne perçoit pas la contradiction, cela augure mal. Dans ce cas, il faut lui administrer encore une ou deux autres épreuves portant sur des sujets différents afin de vérifier votre diagnostic. Nous en verrons d’autres la semaine prochaine.
Ce que nous venons de vérifier n’est pas le développement logique de l’élève mais sa capacité à agir logiquement. Il est possible qu’un élève logique éprouve du retard dans le développement de sa logique, mais s’il réagit à la contradiction, ce retard peut être comblé rapidement. En fait, ce retard résulte habituellement d’un manque de stimulations au moyen de certains types de problèmes. Le problème du triangle bleu est un de ces problèmes.
Si les stades de Piaget vous sont familiers, vous remarquerez que ces élèves atteignent ces stades vers la fin de la période pendant laquelle ils doivent y accéder. Présenter aux élèves du préscolaire des activités qui vérifient et développent leur pensée logique leur permet de développer un outil d’apprentissage essentiel. De façon imagée, on se préoccupe de vérifier d’abord si l’élève possède un bon coffre d’outils (réagit-il face à une contradiction), ensuite on développe son habileté à utiliser ses outils (progression dans les stades du développement de la logique). Plus tard, on se préoccupera des œuvres qu’il construira avec ses outils (concepts, habiletés et connaissances mathématiques).
À mon avis, au préscolaire nous devons nous préoccuper du «coffre d’outils» et de l’habileté à s’en servir, c’est dans ce sens que je proposais de développer la pensée analogique il y a quelques semaines et c’est aussi pour cette raison que je propose cette semaine de se préoccuper du fonctionnement logique de l’élève. Certes, une telle orientation conduit à des résultats moins spectaculaires que d’enseigner le dénombrement, le groupement ou encore l’addition et la soustraction sur de petits nombres, mais cela permet de s’assurer que l’élève a développé suffisamment certains outils d’apprentissage et a acquis certaines perceptions qui l’assisteront tout au long de sa scolarité en mathématiques. Ce qui avantage vraiment certains élèves est qu’ils perçoivent différemment des autres leur travail en apprentissage mathématique.
Robert Lyons
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4 commentaires:
Avec ce dernier Mathadore, nous sentons que le programme du préscolaire commence à prendre forme…
Nous avons deux axes qui touchent la pensée mathématique :
1. Développement de la pensée analogique : pensée globale et latérale, créativité, imagination, représentation personnelle…
2. Vérification de la capacité logique et son développement : double appartenance, conservation et permanence
Puis, nous avons les contenus conceptuels :
3. Le sens du nombre : les quantités de 1 à 10, liens analogiques, représentations symboliques.
4. Les suites : numériques, géométriques et concrètes.
5. La classification : grouper selon des caractéristiques connues ou à déterminer.
6. Les mesures de longueurs et de temps.
7. Quoi d'autres?
Voici quelques questions qui pourraient nous aider à poursuivre la rédaction d’un programme pour le préscolaire:
• Quels liens faire entre le groupement et la classification?
• Y a-t-il lieu de déterminer pour chaque concept, ses aspects analogiques et logiques?
• Y a-t-il une séquence d’apprentissage pour les contenus de maternelle?
• Comment différencier le programme d’enseignement selon les enfants qui sont opératoires et ceux qui ne le sont pas?
• L’objectif de l’évaluation au préscolaire serait-il essentiellement diagnostique quant au statut opératoire de l’enfant?
• Les enfants qui entrent en maternelle peuvent-ils déjà percevoir les maths comme une série de règles plutôt que comme une construction personnelle?
Nous partons pour l’Espagne ce mercredi 25 et serons de retour le 10 mars.
À bientôt !
Bonjour,
J’aimerais apporter quelques précisions suite à ma dernière intervention. Je me demandais si la rédaction d’un programme devait considérer la question de l’évaluation, car il me semble que celle-ci peut avoir un effet considérable sur la qualité de l’apprentissage des enfants.
Ainsi, ne devrions-nous pas avoir deux types distincts de communication? Une qui s’adresserait aux parents et aux intervenants de l’école et une autre qui serait pour l’enfant. La première pourrait faire état des forces et des défis de façon assez directe (être à la fois diagnostique et sommative) alors que la deuxième se limiterait à identifier, dans un langage que l’enfant peut comprendre, ce qu’il peut faire pour s’améliorer ou pour continuer à progresser. N’est-il pas fondamental que l’enfant perçoive toujours l’évaluation comme une aide à l’apprentissage et non comme un jugement sur ce qu’il peut réussir ou pas ?
Au préscolaire, pour les parents et les intervenants, nous pourrions évaluer la non-contradiction, le statut opératoire, l’ouverture à la pensée analogique et quelques concepts importants. Pour l’enfant, il n’y aurait que des commentaires qui lui seraient offerts informellement durant l’apprentissage et non en « fin d’étape ».
Qu’en pensez-vous?
Connaissez-vous ce site et croyez-vous que ça pourrait nous être utile?
http://www.education.vic.gov.au/studentlearning/teachingresources/maths/mathscontinuum/number/N05001P.htm
Robert, saurais-tu comment éviter que les liens internet ne soient coupés lorsque nous les insérons dans un commentaire publiés sur le blog?
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