dimanche 17 mai 2009

Tables et algorithmes (2)

Faut-il commencer par l’apprentissage des tables ou par celui des algorithmes ? À mon avis tout apprentissage doit être pertinent. L’apprentissage des tables, comme celui des techniques de calcul, doit intervenir lorsqu’on a réussi à en faire ressentir la nécessité aux élèves. Ainsi, l’élève qui doit diminuer le temps consacré à jouer avec ses amis parce que, faute de connaître ses tables, il prend beaucoup de temps à faire ses devoirs, ressentira le besoin de mémoriser ses tables assez facilement.

Il existe une autre façon d’envisager la pertinence des tables, il s’agit d’identifier quelles combinaisons doivent être maîtrisées afin d’utiliser avec aisance un algorithme donné.

Voici une façon très efficace de soustraire.



L’élève effectue pour chaque colonne une soustraction dont le résultat est positif si le nombre d’en haut est plus grand que celui du bas et négatif dans le cas contraire. Ensuite, il effectue la soustraction obtenue avec les résultats de chaque colonne.

35 – 29

3 – 2 = 1 En fait, 30 – 20 = 10
5 – 9 = -4
Ensuite 10 – 4 = 6

341 – 178

3 – 1 = 2 (300 – 100 = 200)
4 – 7 = -3 (40 – 70 = -30)
1 – 8 = -7
Enfin 200 – 30 – 7 = 163

C’est une technique géniale qui fonctionne toujours et qui a été inventée par des enfants de sept ans à qui on avait appris, par exemple, que 3 – 5 = -2 et non que 3 – 5 est impossible.

L’élève qui utilise une telle technique n’a jamais besoin d’apprendre les tables de soustractions dont le premier nombre est plus grand que dix puisque, par exemple, il solutionne 15 – 8 en pensant 10 – 0 = 10 et 5 – 8 = -3 donc, 15 – 8 = 10 -3 = 7.

Voici une technique que l’on m’a déjà dit provenir de Russie. Malheureusement tous les ressortissants de ce pays que j’ai connus ne la connaissaient pas. Peut-être que parmi vous, chers lecteurs, quelqu’un saura m’en indiquer la provenance.

49 × 73 → 73
24 × 146
12 × 292
6 × 584
3 × 1168 → 1168
1 × 2336 → 2336
3577

Un autre exemple :

83 × 83 → 83
41 × 166 → 166
20 × 332
10 × 664
5 × 1328 → 1328
2 × 2656
1 × 5312 → 5312
6889

Si vous avez observé les calculs, vous avez sans doute remarqué que le plus petit nombre était divisé par deux et que le reste était négligé… temporairement. D’autre part, le plus grand nombre était multiplié par deux. Ensuite, certains nombres ont été additionnés :
73 + 1168 + 2336 = 3577 donc 49 × 73 = 3577
et 83 + 166 + 1328 + 5312 = 6889 donc 83 × 83 = 6889.

Cet algorithme de multiplication ne nécessite que l’apprentissage des tables de multiplication par deux ou, plus simplement, des tables d’addition de nombres identiques. Jamais on aura besoin de savoir que 3 × 3 = 9, que 5 × 7 = 35…

Alors, on commence par quoi? Apprendre les tables sans savoir quel algorithme sera utilisé ou apprendre un algorithme et, ensuite, apprendre les tables qui s’avèrent utiles pour travailler avec cet algorithme?

Certes, si nous savons quel sera l’algorithme que l’élève finira par utiliser couramment, nous pouvons, au préalable, lui faire apprendre les tables pertinentes. Mais cette pertinence, nous la connaissons, l’élève ne la connaît pas. Quelle sera sa motivation ?

Puisque les tables utiles dépendent des processus de calculs adoptés, l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Donc il faut faire l’inverse. Pas sûr!

Robert Lyons

1 commentaire:

Gilles a dit…

La technique de multiplication par « réduction-accroissement » ne serait-elle pas inspirée d’une technique égyptienne, ou autre civilisation ancienne, qui procédait de façon similaire justement parce que le seul préalable est de pouvoir divisé et multiplié par 2 ? Ce que je trouve fascinant dans de telles techniques c’est qu’elles offrent à l’élève l’opportunité d’en justifier le fonctionnement… si, bien sûr, l’élève a été encouragé à réfléchir à l’école.

En fait, notre enseignement ne devrait-il pas beaucoup plus souvent permettre aux élèves d’inventer leurs propres techniques directement en lien avec leurs connaissances antérieures (ici, les manipulations de matériel associées au calcul concret) ? Ou, à tout le moins, ne devrions-nous pas encourager les enfants à donner leur opinion sur ce qu’ils « doivent apprendre » ? Il me semble que l’école, dans son souci de performance aux épreuves imposées, laisse bien peu de place au développement de la créativité et de la pensée critique et cela est particulièrement apparent lors de l’enseignement et de l’apprentissage des sempiternelles techniques de calcul.

Quant à la question de la semaine à propos du moment où l’on devrait faire apprendre les tables, je proposerais d’avoir une approche intégrée et adaptée. Bien sûr, les tables servent au calcul, mais pas seulement au calcul écrit. Il y a d’abord et avant tout, à mon avis, l’apprentissage du calcul mental et de ses nombreuses stratégies. Tout enfant devrait avoir progressé substantiellement dans son habileté à calculer mentalement lorsqu’il termine son primaire… beaucoup plus qu’en calcul écrit !! De plus, au primaire, les mathématiques devraient être essentiellement ludiques pour les enfants : un merveilleux jeu de découverte, de défis et de questionnements. Ainsi, et cela rejoint la pertinence à laquelle Robert nous ramène constamment, je verrais que l’apprentissage des tables se fassent aussi naturellement que possible, soit par le jeu, soit par nécessité, avant ou pendant le développement des techniques écrites qui d’ailleurs sont devenus bien peu utiles dans la vie courante. Je suis toutefois d’accord qu’elles peuvent encore trouver leur utilité pour parfaire ou vérifier la compréhension des élèves.

Bonne journée à chacun et chacune,