En fouillant l’histoire des mathématiques, il est relativement facile de retrouver les problèmes qui ont défié de nombreux mathématiciens pendant des siècles. Dans l’Antiquité on en retrouve trois :
1. la quadrature du cercle;
2. la trisection de l’angle;
3. la duplication du cube.
La quadrature du cercle consiste à construire un cercle et un carré de même aire avec seulement une règle non graduée et un compas. Ce problème est vieux de plus de 3600 années. En 1882, après de nombreux efforts, il a été déclaré insoluble.
La trisection de l’angle consiste à diviser un angle en trois parties égales avec une règle non graduée et un compas. Ce problème est lui aussi insoluble sauf si l’on utilise une règle graduée.
La duplication du cube consiste à construire un cube dont le volume est le double d’un cube de référence, le tout avec une règle non graduée et un compas. Il s’agit encore d’un problème insoluble avec les conditions imposées.
Cela nous amène à définir la résolution de problèmes comme l’association d’un état final à un état initial, en surmontant un obstacle plus ou moins important qui empêche de percevoir de façon évidente si, oui ou non, l’état final découle logiquement de l’état initial.
Voici deux autres problèmes plus récents :
1. le théorème des quatre couleurs;
2. le théorème de Fermat.
Le théorème des quatre couleurs consiste à démontrer qu’il suffit de quatre couleurs pour colorier une carte géographique, de sorte que deux pays, qui ont une frontière commune, soient de couleurs différentes. La conjecture préalable à ce théorème a été énoncée en 1852. La seule démonstration existante de ce théorème date de 1976 et elle a été réalisée par ordinateur.
Le théorème de Fermat a été énoncé vers 1620 et résolu par Wiles en 1995. Nous savons tous que la somme de deux carrés parfaits peut être égale à un autre carré : 9 + 16 = 25. Donc il existe des entiers positifs a, b et c tels que a2 + b2 = c2. Le théorème de Fermat énonce que si l’exposant est plus grand que 2 il n’existe plus d’entiers positifs satisfaisant cette équation. Ainsi la somme de deux cubes ne peut être un cube.
Voilà cinq problèmes qui se sont avérés être parmi les plus complexes de l’histoire des mathématiques. Ils peuvent tous être énoncés avec moins de vingt mots chacun. Leur refuser le statut de problème complexe, c’est se moquer de l’histoire des mathématiques et de ses plus grands cerveaux.
En résolution de problèmes, la complexité peut se situer à deux endroits :
- comprendre l’énoncé du problème;
- résoudre le problème.
Il faut parfois beaucoup de travail afin de comprendre un problème devant être isolé d’un contexte plus ou moins élaboré, mais situer la complexité seulement dans cette première phase de la résolution de problèmes démontre une grande ignorance de l’histoire des mathématiques et tend à éclipser l’apprentissage des mathématiques en favorisant celui de la compréhension de textes, celui de la culture et celui du bricolage.
Au Québec, il est clair que l’importance actuellement accordée au travail sur des situations complexes restreint le temps d’apprentissage qui doit être consacré aux concepts, aux techniques et au symbolisme mathématiques. Il est aussi clair que les définitions à la mode de ce qu’est un problème mathématique constituent des erreurs de parcours qui ne peuvent que nuire aux élèves et aux enseignantes. Il coule de source que la résolution du théorème de Fermat-Wiles, dont l’énoncé est très simple mais dont la solution exige des centaines de pages de calculs, constitue un des problèmes les plus complexes de l’histoire de l’humanité. Or, si l’on se fie à la description que donnent certains fonctionnaires québécois du monde de l’enseignement à la compétence «Résoudre des problèmes» ou encore à la définition que ces mêmes fonctionnaires donnent de ce que doit être un problème complexe, la résolution du théorème de Fermat-Wiles, parmi tant d’autres, ne cadre ni avec la compétence «Résoudre des problèmes» ni avec ce qu’est un problème complexe.
Si un jour le MELS redéfinit la poésie de sorte que les œuvres de Musset, de Baudelaire et de Nelligan s’en trouvent exclues, ne paniquez pas, dans quelques années tout retrouvera sa place car elle est bien éphémère l’auréole de ces personnes qui veulent passer à l’histoire en reniant l’histoire et les ministères ont la très grande faculté de se comporter éventuellement, mais tardivement, comme de puissants trous noirs devant leurs erreurs.
Joyeuses Fêtes!
Robert Lyons
samedi 12 décembre 2009
samedi 28 novembre 2009
Que mesurent les SAE?
Depuis plus d’un demi-siècle, de nombreuses recherches, portant sur les différences de fonctionnement entre experts et novices en résolution de problèmes, ont montré que le transfert des stratégies de résolution de problèmes d’une situation problématique à une autre est loin d’être automatique. Ces recherches montrent que même les experts se comportent en novices dans certaines conditions.
Voici quelques exemples. Dans une recherche auprès de chimistes considérés comme des experts en résolution de problèmes (Voss, Green, Post et Penner, 1983) ceux-ci devaient résoudre un problème portant sur la faiblesse de la production agricole en Union Soviétique. Dans ce problème, ces experts avaient peu de connaissances relatives au contexte du problème posé et ils ont été incapables de se comporter en experts.
Lorsqu’un problème est posé à un individu, ses connaissances du domaine dans lequel se situe le problème lui permettent, et ce, avant de tenter de résoudre le problème, de disposer d’une organisation de ses connaissances. Cette organisation facilite la récupération de ses connaissances et constitue le modèle mental dans lequel les données du problème viendront prendre place.
Une recherche de Chi et al (1982) a démontré que les fleuristes se comportent en experts en résolution de problèmes portant sur des fleurs alors que ce n’est pas le cas lorsque des experts en résolution de problèmes, peu intéressés par les fleurs ou n’ayant que peu de connaissances en ce domaine, se mesurent à des problèmes semblables.
Bref, les stratégies de résolution de problèmes ne sont transférables qu’à partir du moment où un individu, expert ou non, possède d’importantes connaissances du domaine dans lequel se situe le problème qui lui est posé. Imaginons donc une SAE portant sur le sirop d’érable. L’élève, dont les parents vivent de cette industrie, risque d’en posséder un modèle mental qui facilitera sa résolution de problèmes à ce sujet. Même s’il n’est habituellement pas reconnu expert en résolution de problèmes, il pourrait se comporter comme tel lors de la résolution des problèmes portant sur ce sujet. D’autre part, un expert en résolution de problèmes, ayant peu ou pas de connaissances au sujet des érablières, se comportera souvent en novice lorsqu’on lui adressera des problèmes portant sur le sirop d’érable. C’est ce que de nombreuses recherches, citées à la fin de cette lettre, ont découvert.
En conséquence, que mesurent les SAE? D’abord et avant tout les connaissances que possède un élève sur le sujet dans lequel se situe le problème qui lui est posé. Elles mesurent donc la culture de l’élève. C’est seulement lorsque ces éléments culturels sont en place que l’élève a la possibilité démontrer ses aptitudes en résolution de problèmes.
Au Québec, depuis la venue des examens-roman et des examens-bricolage, les écoles se sont lancées dans l’utilisation de SAE destinées, semble-t-il, à préparer les élèves à ces examens. Cette démarche est une pure perte de temps sauf si l’examen du ministère porte sur un sujet qui appartient à une classe de problèmes similaires à ceux des SAE utilisées en guise de préparation à l’examen. Encore faut-il que la SAE correspondante ait permis aux élèves d’acquérir suffisamment de connaissances et d’expérience du sujet de la SAE pour s’en construire un modèle mental solide.
En ce qui concerne les élèves, on pourra porter des jugements tels les suivants :
«Considérant que les connaissances de l’élève relatives au contexte de la situation problème, ou à des contextes similaires, ont été préalablement évaluées suffisantes, il en découle que ses aptitudes en résolutions de problème sont évaluées comme suit …»
«Considérant le fait que les connaissances de l’élève relatives au contexte de la situation problème n’ont pas été préalablement évaluées suffisantes, aucun jugement ne peut être porté sur ses capacités en résolution de problèmes.»
En conclusion, afin d’aider les élèves en résolution de problèmes, il convient d’en développer les stratégies dans des contextes diversifiés pouvant servir de modèles. Par exemple un problème touchant l’établissement d’un budget familial appartient à la même catégorie qu’un problème touchant le budget d’une école. Le contexte du ou des problèmes d’apprentissage de base devra être bien connu des élèves avant même que l’on puisse prétendre développer des stratégies de résolution de problèmes. De la même façon, les contextes utilisés afin d’évaluer les élèves devront être suffisamment similaires aux contextes d’apprentissage pour que les élèves puissent les associer comme appartenant à la même catégorie de problèmes. Faut-il ajouter que pour réussir de telles associations, les contextes des situations d’évaluation devront eux aussi être déjà bien connus ? En clair, il faut choisir des thématiques qui appartiennent au quotidien des élèves.
Parallèlement, il faut développer la culture générale des élèves afin qu’ils puissent augmenter le nombre de domaines dans lesquels ils pourront éventuellement développer et manifester leur expertise en résolution de problèmes. Mais, quelle est la partie de cette formation de l’élève qui relève de l’enseignement des mathématiques ? Et s’il y a des bases culturelles à développer lors de l’enseignement des mathématiques, ne serait-ce pas d’abord l’histoire des mathématiques, laquelle peut permettre de mieux comprendre à quoi servent les mathématiques en étudiant les domaines de l’activité humaine à l’intérieur desquels il s’est avéré nécessaire de les mettre sur pieds ?
Robert Lyons
Voici quelques recherches qui démontrent l’importance d’une excellente connaissance du contexte d’un problème au moment de tenter de le résoudre :
Snyder, Bruck and Sapin 1954 et 1962; Simon 1981; Chi et al 1982; Voss, Green, Post and Penner 1983; De Bono 1983; Beyer 1984; Pennington and Hastie 1986; Purkitt and Dyson 1988; Premkumar 1989; Palumbo 1990; Sylvan and Voss 1998; Jonassen 1997.
Voici quelques exemples. Dans une recherche auprès de chimistes considérés comme des experts en résolution de problèmes (Voss, Green, Post et Penner, 1983) ceux-ci devaient résoudre un problème portant sur la faiblesse de la production agricole en Union Soviétique. Dans ce problème, ces experts avaient peu de connaissances relatives au contexte du problème posé et ils ont été incapables de se comporter en experts.
Lorsqu’un problème est posé à un individu, ses connaissances du domaine dans lequel se situe le problème lui permettent, et ce, avant de tenter de résoudre le problème, de disposer d’une organisation de ses connaissances. Cette organisation facilite la récupération de ses connaissances et constitue le modèle mental dans lequel les données du problème viendront prendre place.
Une recherche de Chi et al (1982) a démontré que les fleuristes se comportent en experts en résolution de problèmes portant sur des fleurs alors que ce n’est pas le cas lorsque des experts en résolution de problèmes, peu intéressés par les fleurs ou n’ayant que peu de connaissances en ce domaine, se mesurent à des problèmes semblables.
Bref, les stratégies de résolution de problèmes ne sont transférables qu’à partir du moment où un individu, expert ou non, possède d’importantes connaissances du domaine dans lequel se situe le problème qui lui est posé. Imaginons donc une SAE portant sur le sirop d’érable. L’élève, dont les parents vivent de cette industrie, risque d’en posséder un modèle mental qui facilitera sa résolution de problèmes à ce sujet. Même s’il n’est habituellement pas reconnu expert en résolution de problèmes, il pourrait se comporter comme tel lors de la résolution des problèmes portant sur ce sujet. D’autre part, un expert en résolution de problèmes, ayant peu ou pas de connaissances au sujet des érablières, se comportera souvent en novice lorsqu’on lui adressera des problèmes portant sur le sirop d’érable. C’est ce que de nombreuses recherches, citées à la fin de cette lettre, ont découvert.
En conséquence, que mesurent les SAE? D’abord et avant tout les connaissances que possède un élève sur le sujet dans lequel se situe le problème qui lui est posé. Elles mesurent donc la culture de l’élève. C’est seulement lorsque ces éléments culturels sont en place que l’élève a la possibilité démontrer ses aptitudes en résolution de problèmes.
Au Québec, depuis la venue des examens-roman et des examens-bricolage, les écoles se sont lancées dans l’utilisation de SAE destinées, semble-t-il, à préparer les élèves à ces examens. Cette démarche est une pure perte de temps sauf si l’examen du ministère porte sur un sujet qui appartient à une classe de problèmes similaires à ceux des SAE utilisées en guise de préparation à l’examen. Encore faut-il que la SAE correspondante ait permis aux élèves d’acquérir suffisamment de connaissances et d’expérience du sujet de la SAE pour s’en construire un modèle mental solide.
En ce qui concerne les élèves, on pourra porter des jugements tels les suivants :
«Considérant que les connaissances de l’élève relatives au contexte de la situation problème, ou à des contextes similaires, ont été préalablement évaluées suffisantes, il en découle que ses aptitudes en résolutions de problème sont évaluées comme suit …»
«Considérant le fait que les connaissances de l’élève relatives au contexte de la situation problème n’ont pas été préalablement évaluées suffisantes, aucun jugement ne peut être porté sur ses capacités en résolution de problèmes.»
En conclusion, afin d’aider les élèves en résolution de problèmes, il convient d’en développer les stratégies dans des contextes diversifiés pouvant servir de modèles. Par exemple un problème touchant l’établissement d’un budget familial appartient à la même catégorie qu’un problème touchant le budget d’une école. Le contexte du ou des problèmes d’apprentissage de base devra être bien connu des élèves avant même que l’on puisse prétendre développer des stratégies de résolution de problèmes. De la même façon, les contextes utilisés afin d’évaluer les élèves devront être suffisamment similaires aux contextes d’apprentissage pour que les élèves puissent les associer comme appartenant à la même catégorie de problèmes. Faut-il ajouter que pour réussir de telles associations, les contextes des situations d’évaluation devront eux aussi être déjà bien connus ? En clair, il faut choisir des thématiques qui appartiennent au quotidien des élèves.
Parallèlement, il faut développer la culture générale des élèves afin qu’ils puissent augmenter le nombre de domaines dans lesquels ils pourront éventuellement développer et manifester leur expertise en résolution de problèmes. Mais, quelle est la partie de cette formation de l’élève qui relève de l’enseignement des mathématiques ? Et s’il y a des bases culturelles à développer lors de l’enseignement des mathématiques, ne serait-ce pas d’abord l’histoire des mathématiques, laquelle peut permettre de mieux comprendre à quoi servent les mathématiques en étudiant les domaines de l’activité humaine à l’intérieur desquels il s’est avéré nécessaire de les mettre sur pieds ?
Robert Lyons
Voici quelques recherches qui démontrent l’importance d’une excellente connaissance du contexte d’un problème au moment de tenter de le résoudre :
Snyder, Bruck and Sapin 1954 et 1962; Simon 1981; Chi et al 1982; Voss, Green, Post and Penner 1983; De Bono 1983; Beyer 1984; Pennington and Hastie 1986; Purkitt and Dyson 1988; Premkumar 1989; Palumbo 1990; Sylvan and Voss 1998; Jonassen 1997.
samedi 14 novembre 2009
Les SAE sont-elles légales ?
Le système scolaire québécois est soumis à la loi dite de l’instruction publique. C’est une vieille loi, mais de fréquents amendements permettent de la rajeunir ou, du moins, de l’ajuster à une société en évolution.
Il existe cependant un article de cette loi qui n’a subi, à ma connaissance, aucun amendement depuis au moins vingt ans. Il se lit comme suit :
230. La commission scolaire s’assure que pour l’enseignement des programmes d’études établis par le ministère, l’école ne se serve que des manuels scolaires, du matériel didactique ou des catégories de matériel didactique approuvés par le ministre.
Une remarque avant d’aller plus loin, cet article ne s’applique évidemment pas aux crayons, papiers et autres objets de même nature lesquels ne sont pas considérés comme du matériel didactique (article 7 de la même loi). Il ne s’applique pas aux exercices et examens conçus par l’enseignante pour fins d’adaptation de son enseignement. Nous y reviendrons.
Lorsqu’on mentionne l’approbation du ministre, cela se réfère à un processus très précis régi par le Bureau d’approbation du matériel didactique (BAMD). Tout le matériel didactique doit passer par ce processus et ce qui est approuvé se trouve sur les listes du ministère que l’on peut consulter sur internet à l’adresse http://www3.mels.gouv.qc.ca/bamd/menu.asp
On constatera qu’aucune SAE ne figure sur ces listes. Les SAE sont-elles illégales pour autant ? Afin de répondre à cette question mentionnons l’article 19 de la même loi.
19. Dans le cadre du projet éducatif de l’école et des dispositions de la présente loi, l’enseignant a le droit de diriger la conduite de chaque groupe d’élèves qui lui est confié.
L’enseignant a notamment le droit :
1. de prendre des modalités d’intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe ou pour chaque élève qui lui est confié;
2. de choisir les instruments d’évaluation des élèves qui lui sont confiés afin de mesurer et d’évaluer constamment et périodiquement les besoins et l’atteinte des objectifs par rapport à chacun des élèves qui lui sont confiés en se basant sur les progrès réalisés.
Afin d’avoir un tableau complet, ajoutons :
96.15 Sur proposition des enseignants ou, dans le cas des propositions prévues au paragraphe 5e, des membres du personnel concernés, le directeur de l’école :
4e approuve les normes et modalités d’évaluation des apprentissages de l’élève, notamment les modalités de communication ayant pour but de renseigner ses parents sur son cheminement scolaire, en tenant compte de ce qui est prévu au régime pédagogique et sous réserve des épreuves que peut imposer le ministre ou la commission scolaire.
Bref, en ce qui concerne le matériel d’enseignement, il doit figurer sur la liste du matériel approuvé par le ministère (article 230) ou provenir du choix de l’enseignant tenant compte des besoins de ses élèves (article 19). Il est donc illégal d’imposer aux enseignantes d’utiliser les SAE.
En ce qui concerne les outils d’évaluation, le ministre et la commission scolaire peuvent en imposer. Cependant, il va de soi que ces outils, tout comme les manuels scolaires, auront été validés au préalable.
La pensée sous-jacente à tous ces articles de loi est la suivante : ce qui est mis dans les mains des élèves doit être de qualité. Or il existe deux façons de s’en assurer :
- Si le matériel vient de l’extérieur, il doit avoir été approuvé par le bureau d’approbation du matériel didactique (article 230).
- Si le matériel est produit localement, par un ou des membres du personnel de la commission scolaire, la décision de l’utiliser appartient entièrement à l’enseignante (19).
Cela est normal car, en principe, ce qui est approuvé par le ministère a été validé et permet une marge de manœuvre grâce à laquelle l’enseignante peut l’adapter aux besoins de ses élèves. Cette nécessaire possibilité d’adaptation doit exister lorsque le matériel n’a pas été validé selon des normes reconnues. Dans un tel cas, le meilleur instrument d’approbation est le jugement de l’enseignante.
En ce qui concerne les instruments d’évaluation, cela revient au même, il est obligatoire d’utiliser ceux que le ministère ou la commission scolaire impose. Cependant, il va de soi que le ministère et la commission scolaire doivent avoir procédé au préalable à une sérieuse validation auprès d’un nombre suffisamment élevé et représentatif d’élèves puisque dans le cas d’une évaluation externe et officielle, l’enseignante ne peut adapter l’instrument qu’elle reçoit et l’interprétation des résultats ne donne que très peu de marge de manœuvre.
Considérant sa responsabilité, il va de soi que l’enseignante soit bien informée de ce qui a été fait pour valider ces instruments d’évaluation et ce qui en est résulté. Cela est essentiel car c’est l’opinion de l’enseignante qui sera la plus importante lorsqu’il faudra décider de la promotion de l’élève. Or, pour le faire adéquatement, elle devra connaître la valeur des données dont elle dispose.
Il existe cependant un article de cette loi qui n’a subi, à ma connaissance, aucun amendement depuis au moins vingt ans. Il se lit comme suit :
230. La commission scolaire s’assure que pour l’enseignement des programmes d’études établis par le ministère, l’école ne se serve que des manuels scolaires, du matériel didactique ou des catégories de matériel didactique approuvés par le ministre.
Une remarque avant d’aller plus loin, cet article ne s’applique évidemment pas aux crayons, papiers et autres objets de même nature lesquels ne sont pas considérés comme du matériel didactique (article 7 de la même loi). Il ne s’applique pas aux exercices et examens conçus par l’enseignante pour fins d’adaptation de son enseignement. Nous y reviendrons.
Lorsqu’on mentionne l’approbation du ministre, cela se réfère à un processus très précis régi par le Bureau d’approbation du matériel didactique (BAMD). Tout le matériel didactique doit passer par ce processus et ce qui est approuvé se trouve sur les listes du ministère que l’on peut consulter sur internet à l’adresse http://www3.mels.gouv.qc.ca/bamd/menu.asp
On constatera qu’aucune SAE ne figure sur ces listes. Les SAE sont-elles illégales pour autant ? Afin de répondre à cette question mentionnons l’article 19 de la même loi.
19. Dans le cadre du projet éducatif de l’école et des dispositions de la présente loi, l’enseignant a le droit de diriger la conduite de chaque groupe d’élèves qui lui est confié.
L’enseignant a notamment le droit :
1. de prendre des modalités d’intervention pédagogique qui correspondent aux besoins et aux objectifs fixés pour chaque groupe ou pour chaque élève qui lui est confié;
2. de choisir les instruments d’évaluation des élèves qui lui sont confiés afin de mesurer et d’évaluer constamment et périodiquement les besoins et l’atteinte des objectifs par rapport à chacun des élèves qui lui sont confiés en se basant sur les progrès réalisés.
Afin d’avoir un tableau complet, ajoutons :
96.15 Sur proposition des enseignants ou, dans le cas des propositions prévues au paragraphe 5e, des membres du personnel concernés, le directeur de l’école :
4e approuve les normes et modalités d’évaluation des apprentissages de l’élève, notamment les modalités de communication ayant pour but de renseigner ses parents sur son cheminement scolaire, en tenant compte de ce qui est prévu au régime pédagogique et sous réserve des épreuves que peut imposer le ministre ou la commission scolaire.
Bref, en ce qui concerne le matériel d’enseignement, il doit figurer sur la liste du matériel approuvé par le ministère (article 230) ou provenir du choix de l’enseignant tenant compte des besoins de ses élèves (article 19). Il est donc illégal d’imposer aux enseignantes d’utiliser les SAE.
En ce qui concerne les outils d’évaluation, le ministre et la commission scolaire peuvent en imposer. Cependant, il va de soi que ces outils, tout comme les manuels scolaires, auront été validés au préalable.
La pensée sous-jacente à tous ces articles de loi est la suivante : ce qui est mis dans les mains des élèves doit être de qualité. Or il existe deux façons de s’en assurer :
- Si le matériel vient de l’extérieur, il doit avoir été approuvé par le bureau d’approbation du matériel didactique (article 230).
- Si le matériel est produit localement, par un ou des membres du personnel de la commission scolaire, la décision de l’utiliser appartient entièrement à l’enseignante (19).
Cela est normal car, en principe, ce qui est approuvé par le ministère a été validé et permet une marge de manœuvre grâce à laquelle l’enseignante peut l’adapter aux besoins de ses élèves. Cette nécessaire possibilité d’adaptation doit exister lorsque le matériel n’a pas été validé selon des normes reconnues. Dans un tel cas, le meilleur instrument d’approbation est le jugement de l’enseignante.
En ce qui concerne les instruments d’évaluation, cela revient au même, il est obligatoire d’utiliser ceux que le ministère ou la commission scolaire impose. Cependant, il va de soi que le ministère et la commission scolaire doivent avoir procédé au préalable à une sérieuse validation auprès d’un nombre suffisamment élevé et représentatif d’élèves puisque dans le cas d’une évaluation externe et officielle, l’enseignante ne peut adapter l’instrument qu’elle reçoit et l’interprétation des résultats ne donne que très peu de marge de manœuvre.
Considérant sa responsabilité, il va de soi que l’enseignante soit bien informée de ce qui a été fait pour valider ces instruments d’évaluation et ce qui en est résulté. Cela est essentiel car c’est l’opinion de l’enseignante qui sera la plus importante lorsqu’il faudra décider de la promotion de l’élève. Or, pour le faire adéquatement, elle devra connaître la valeur des données dont elle dispose.
samedi 31 octobre 2009
SA, SE et SAE
Suite au dernier Mathadore, nous avons reçu plus de rétroactions que jamais de la part de nos lecteurs. Toutes mentionnaient leur désaccord avec les SAE et se demandaient ce qu’il fallait faire pour que cesse cette folie. Nous allons donc consacrer quelques Mathadore aux SAE. Nous vous encourageons à écrire vos commentaires sur le blog afin d’engager un véritable débat à ce sujet. Cette semaine, demandons-nous si situations d’apprentissage (SA) et situations d’évaluation (SE) sont compatibles.
Il y a déjà vingt-cinq ans, lors d’une évaluation, qui s’adressait à des élèves de quatrième année (neuf ans), la question suivante fut posée :
Voici la carte d’un terrain. Le X, qui figure sur cette carte, indique l’endroit où se cache un trésor. Tu te rends à ce terrain, mais en ouvrant la carte, tu constates que le X a été effacé. Tu appelles ton ami qui a une carte semblable. Que devra-t-il te dire afin que tu puisses retrouver le trésor ?
Cette question a été posée à une centaine d’élèves qui appartenaient tous à la même classe dans une école à aires ouvertes. Lors de la correction, les enseignantes, au nombre de quatre, accordèrent tous les points à trois élèves et donnèrent un zéro à trois autres élèves qui n’avaient donné aucune réponse.
En ce qui concerne les autres élèves, si les méthodes décrites permettaient de situer le trésor, aucune n’utilisait les coordonnées cartésiennes. Or ce que nous tentions d’évaluer était la compétence à reconnaître une situation pour laquelle les coordonnées cartésiennes étaient pertinentes. Mais voilà, en mathématiques, si le raisonnement logique est roi, la créativité est reine et il est rare qu’un problème ne conduise qu’à une seule stratégie de résolution.
Ces enseignantes se trouvaient donc devant un dilemme : presque tous les élèves avaient réussi à résoudre le problème mais seulement un élève sur trente avait démontré qu’il maîtrisait ce que nous voulions évaluer.
Heureusement qu’il y avait quatre enseignantes dans cette classe. Deux d’entre elles interrogèrent individuellement chaque élève afin de vérifier si, en plus de la stratégie choisie, ils en connaissaient d’autres. Lors de ces entrevues, tous les élèves, sauf les trois qui n’avaient donné aucune réponse, démontrèrent qu’ils avaient compris que les coordonnées cartésiennes pouvaient servir, mais qu’ils avaient trouvé un autre système au moins aussi efficace. En guise d’exemples, plusieurs élèves avaient noté quelque chose de semblable à ce qui suit : Imagine que tu es devant notre classe, le trésor se trouve où est situé le pupitre de Sylvie B. Un élève a écrit : Si tu pars du coin situé en bas à droite et si tu marches vers le centre du côté du haut, le trésor se trouve au milieu de ton parcours.
En fait, ce problème constituait une excellente situation d’apprentissage (SA) mais une situation d’évaluation (SE) inadéquate. Une situation d’apprentissage doit être ouverte. Elle débute par un problème clair qui ouvre la voie à de nombreuses pistes de solution et à de nombreux apprentissages dont certains sont souvent totalement insoupçonnés au départ. Imaginer ces diverses pistes de solution, les construire et les valider permettent aux élèves de développer les habiletés de résolution de problèmes.
Pendant une situation d’apprentissage, l’enseignante peut toujours proposer d’autres pistes, les unes valables, les autres inadéquates. De cette façon, elle s’assure que les apprentissages visés soient abordés et en profite afin d’exploiter des concepts non prévus au départ. Ainsi, dans l’exemple du trésor, il s’agissait d’un problème de repérage et le système à étudier était celui des coordonnées cartésiennes. Malgré cela, la seconde solution, mentionnée plus haut, utilise un système de coordonnées dites polaires dans lesquelles on se sert d’une mesure de longueur et d’un angle. Rien n’empêche de profiter d’un tel problème afin de bifurquer vers l’étude de la mesure d’angles, ce qui serait fort pertinent dans une SA mais nullement pertinent dans une SE visant à évaluer la maîtrise des coordonnées cartésiennes.
On nous objectera peut-être que les visées d’une SE peuvent être élargies à la compétence à se repérer plutôt que restreintes à la compétence à se repérer avec un système cartésien. Malheureusement, certaines situations exigent la maîtrise du repérage cartésien, par exemple un parcours dans une ville, alors que d’autres exigent celle du repérage polaire, par exemple un trajet en forêt avec une boussole. Au moment de l’évaluation, il y a lieu de s’assurer que tel ou tel système ou encore que les deux systèmes sont maîtrisés. Cela ne peut être réalisé que si les problèmes sont suffisamment contraignants pour que l’élève manifeste qu’il maîtrise exactement ce qui doit être évalué.
Une situation d’apprentissage peut toujours être ajustée, précisée, réorientée. Ce n’est pas le cas d’une situation d’évaluation qui doit être suffisamment précise pour qu’elle puisse évaluer ce qui est visé. Finalement, SA et SE ressemblent à deux entonnoirs. Dans le cas d’une SA, on entre par le petit orifice et on espère que l’orifice de sortie soit le plus large possible. Dans le cas d’une SE, on entre par le grand orifice et on espère que l’élève trouve la sortie.
Faut-il ajouter qu’une SA vise à développer des apprentissages en laissant une large place aux interventions de l’enseignante et aux discussions entre élèves alors qu’une SE de qualité doit réduire au maximum les interventions de l’enseignante et celles des pairs ? Doit-on rappeler que le programme prescrit une approche constructiviste donc des activités grâce auxquelles les élèves construisent eux-mêmes leurs apprentissages ? Est-ce ce qui est visé lors d’une évaluation ? L’évaluation n’a-t-elle pas pour but de mesurer ce que l’élève a déjà construit ?
Bref, la rédaction des SAE est une entreprise dans laquelle on retrouve des stratégies d’enseignement et des objectifs complémentaires mais incompatibles dans une même activité. Cela relève d’une incompréhension majeure de ce qu’est l’apprentissage ou de ce qu’est l’évaluation ou des deux à la fois.
Robert Lyons
Il y a déjà vingt-cinq ans, lors d’une évaluation, qui s’adressait à des élèves de quatrième année (neuf ans), la question suivante fut posée :
Voici la carte d’un terrain. Le X, qui figure sur cette carte, indique l’endroit où se cache un trésor. Tu te rends à ce terrain, mais en ouvrant la carte, tu constates que le X a été effacé. Tu appelles ton ami qui a une carte semblable. Que devra-t-il te dire afin que tu puisses retrouver le trésor ?
Cette question a été posée à une centaine d’élèves qui appartenaient tous à la même classe dans une école à aires ouvertes. Lors de la correction, les enseignantes, au nombre de quatre, accordèrent tous les points à trois élèves et donnèrent un zéro à trois autres élèves qui n’avaient donné aucune réponse.
En ce qui concerne les autres élèves, si les méthodes décrites permettaient de situer le trésor, aucune n’utilisait les coordonnées cartésiennes. Or ce que nous tentions d’évaluer était la compétence à reconnaître une situation pour laquelle les coordonnées cartésiennes étaient pertinentes. Mais voilà, en mathématiques, si le raisonnement logique est roi, la créativité est reine et il est rare qu’un problème ne conduise qu’à une seule stratégie de résolution.
Ces enseignantes se trouvaient donc devant un dilemme : presque tous les élèves avaient réussi à résoudre le problème mais seulement un élève sur trente avait démontré qu’il maîtrisait ce que nous voulions évaluer.
Heureusement qu’il y avait quatre enseignantes dans cette classe. Deux d’entre elles interrogèrent individuellement chaque élève afin de vérifier si, en plus de la stratégie choisie, ils en connaissaient d’autres. Lors de ces entrevues, tous les élèves, sauf les trois qui n’avaient donné aucune réponse, démontrèrent qu’ils avaient compris que les coordonnées cartésiennes pouvaient servir, mais qu’ils avaient trouvé un autre système au moins aussi efficace. En guise d’exemples, plusieurs élèves avaient noté quelque chose de semblable à ce qui suit : Imagine que tu es devant notre classe, le trésor se trouve où est situé le pupitre de Sylvie B. Un élève a écrit : Si tu pars du coin situé en bas à droite et si tu marches vers le centre du côté du haut, le trésor se trouve au milieu de ton parcours.
En fait, ce problème constituait une excellente situation d’apprentissage (SA) mais une situation d’évaluation (SE) inadéquate. Une situation d’apprentissage doit être ouverte. Elle débute par un problème clair qui ouvre la voie à de nombreuses pistes de solution et à de nombreux apprentissages dont certains sont souvent totalement insoupçonnés au départ. Imaginer ces diverses pistes de solution, les construire et les valider permettent aux élèves de développer les habiletés de résolution de problèmes.
Pendant une situation d’apprentissage, l’enseignante peut toujours proposer d’autres pistes, les unes valables, les autres inadéquates. De cette façon, elle s’assure que les apprentissages visés soient abordés et en profite afin d’exploiter des concepts non prévus au départ. Ainsi, dans l’exemple du trésor, il s’agissait d’un problème de repérage et le système à étudier était celui des coordonnées cartésiennes. Malgré cela, la seconde solution, mentionnée plus haut, utilise un système de coordonnées dites polaires dans lesquelles on se sert d’une mesure de longueur et d’un angle. Rien n’empêche de profiter d’un tel problème afin de bifurquer vers l’étude de la mesure d’angles, ce qui serait fort pertinent dans une SA mais nullement pertinent dans une SE visant à évaluer la maîtrise des coordonnées cartésiennes.
On nous objectera peut-être que les visées d’une SE peuvent être élargies à la compétence à se repérer plutôt que restreintes à la compétence à se repérer avec un système cartésien. Malheureusement, certaines situations exigent la maîtrise du repérage cartésien, par exemple un parcours dans une ville, alors que d’autres exigent celle du repérage polaire, par exemple un trajet en forêt avec une boussole. Au moment de l’évaluation, il y a lieu de s’assurer que tel ou tel système ou encore que les deux systèmes sont maîtrisés. Cela ne peut être réalisé que si les problèmes sont suffisamment contraignants pour que l’élève manifeste qu’il maîtrise exactement ce qui doit être évalué.
Une situation d’apprentissage peut toujours être ajustée, précisée, réorientée. Ce n’est pas le cas d’une situation d’évaluation qui doit être suffisamment précise pour qu’elle puisse évaluer ce qui est visé. Finalement, SA et SE ressemblent à deux entonnoirs. Dans le cas d’une SA, on entre par le petit orifice et on espère que l’orifice de sortie soit le plus large possible. Dans le cas d’une SE, on entre par le grand orifice et on espère que l’élève trouve la sortie.
Faut-il ajouter qu’une SA vise à développer des apprentissages en laissant une large place aux interventions de l’enseignante et aux discussions entre élèves alors qu’une SE de qualité doit réduire au maximum les interventions de l’enseignante et celles des pairs ? Doit-on rappeler que le programme prescrit une approche constructiviste donc des activités grâce auxquelles les élèves construisent eux-mêmes leurs apprentissages ? Est-ce ce qui est visé lors d’une évaluation ? L’évaluation n’a-t-elle pas pour but de mesurer ce que l’élève a déjà construit ?
Bref, la rédaction des SAE est une entreprise dans laquelle on retrouve des stratégies d’enseignement et des objectifs complémentaires mais incompatibles dans une même activité. Cela relève d’une incompréhension majeure de ce qu’est l’apprentissage ou de ce qu’est l’évaluation ou des deux à la fois.
Robert Lyons
samedi 17 octobre 2009
On Her Majesty's Secret Service
Depuis plus de trente années, Sa Majesté l’enseignement du français essaie, et réussit très souvent, à imposer à l’enseignement des autres matières une espèce de servitude qui témoigne du piètre rendement de l’enseignement de la langue.
En fait, à cinq ans, lorsque l’enfant arrive à l’école, il possède déjà une quantité considérable d’acquis en français. Rien de comparable n’est acquis en mathématiques. Pensons-y, l’enfant de cinq ans croit habituellement qu’en étirant une ligne de jetons, il en aura davantage. S’il a deux carrés identiques et qu’il les dispose de sorte qu’un carré recouvre l’autre partiellement, il croit que désormais «le carré qui est situé en dessous est le plus grand parce qu’il dépasse». Lorsqu’il dénombre des objets, il en omet quelques-uns, en compte d’autres deux fois. Bref, en mathématiques ses apprentissages sont rudimentaires, sauf sa capacité à résoudre des problèmes, laquelle est apparue longtemps avant qu’il puisse se débrouiller en français.
Par ailleurs, avant l’âge scolaire, l’enfant possède déjà un vocabulaire de plusieurs centaines de mots. Sans être capable de dire lesquels sont des verbes ou des noms, il les situe correctement dans ses phrases. Il utilise des synonymes pour s’expliquer, il comprend le sens de plusieurs métaphores telle la tête de l’arbre, les pieds de la clôture. Il conjugue assez facilement plusieurs verbes à divers temps et ses erreurs manifestent qu’il a compris les règles de base de la conjugaison. Bref, il maîtrise suffisamment la langue orale pour tenir une conversation intéressante et claire avec un adulte.
Malgré cet avantage certain, Sa Majesté impose ses dictats à l’enseignement des autres matières. Ainsi, nous vivons actuellement sous le joug des SAE (Situations d’apprentissage exagérées… pardon, situations d’apprentissage et d’évaluation). Le Ministère (MELS) mentionne que la SAE permet à l’élève de développer et d’exercer une ou plusieurs compétences disciplinaires et transversales. En fait il faudrait plutôt écrire «permet de développer au moins les compétences de l’élève en français.»
Évidemment Sa Majesté est sans pitié pour les élèves qui, dans le contexte des SAE, à cause de leurs faiblesses ou de leur manque d’intérêt linguistique, ont peu de chances de développer et de démontrer leurs compétences en mathématiques. D’ailleurs, dans les SAE, il faut d’abord et surtout se débarrasser d’une carcasse, aussi épaisse qu’inutile, qui permet rarement de présenter une situation mathématique pertinente susceptible d’amener l’élève à inventer ou même à développer un concept mathématique.
Sa Majesté est, par ailleurs, sans pitié pour les étudiants qui, malgré des notes acceptables dans d’autres matières, voient jusqu’à un maximum de vingt pourcent (20%) des points d’un examen de géométrie par exemple, être soustraits à cause de fautes d’orthographe. Et qu’advient-il si cela réduit un acceptable soixante-quinze pourcent à cinquante-cinq pourcent ? L’élève doit reprendre son cours de… géométrie et non un cours de français qui, en principe, devrait l’aider davantage grâce aux compétences de Sa Majesté. Et bien non, c’est sur l’enseignement des autres matières que l’on compte pour corriger les lacunes linguistiques de cet étudiant. On dirait vraiment que Sa Majesté ne croit plus en ses talents.
Voici deux élèves qui ont obtenu soixante-quinze et soixante-cinq pourcent en sciences. Le premier n’ayant perdu aucun point en français mérite réellement sa note. Le second a obtenu quatre-vingt-cinq pourcent en sciences mais, après avoir perdu vingt points en français, il obtient une note finale et officielle de soixante-cinq pourcent en sciences. Cette évaluation ne rend nullement justice à cet élève car, malgré ce qu’elle affiche, soit une évaluation en sciences, elle ne montre pas la valeur de cet élève en sciences. À quand le recours collectif qui pourrait corriger cette fausse représentation ?
Évidemment, il ne faut pas oublier la célèbre légende selon laquelle les difficultés en résolution de problèmes résultent de difficultés en compréhension de textes. Il y a plus de trente années que nous avons démontré la fausseté de cette croyance mais Sa Majesté ne se trouble pas par des recherches qui malmènent ses dogmes de foi.
En mathématiques, on considère qu’une grande partie de la difficulté consiste à comprendre le problème. On considère aussi que la communication de la solution présente souvent des difficultés. Pour ces raisons, les mathématiciens tentent toujours de réduire les énoncés mathématiques à un minimum de symboles et de termes afin de faciliter la compréhension du problème et afin de pouvoir se concentrer sur ce qui présente le plus grand défi, imaginer et construire des solutions.
Voici l’énoncé du problème qui a tenu en échec pendant plus de trois siècles les plus grands esprits de tous les peuples. Alors qu’il est possible que la somme de deux nombres carrés soit égale à un carré (x² +y² = z²) cela n’est pas possible pour des cubes (x³ + y³ = z³ et pour des entiers élevés à une autre puissance entière). Le travail en compréhension de textes est ici fort réduit et il n’est d’aucune aide pour l’étape suivante qui tient davantage de la créativité et de la logique que de toute compétence linguistique. Comment les SAE aident-elles à développer un minimum d’aisance dans cette seconde étape ? En fait, les SAE augmentent inutilement les difficultés lors de la première partie de la résolution d’un problème et sont parfaitement inutiles dans la seconde partie. Conséquemment, puisqu’il faut espérer qu’elles soient utiles au moins en français, Sa Majesté devrait accepter de céder une partie du temps dévolu à l’enseignement du français aux autres matières pour que nous puissions faire son travail et … le nôtre.
Robert Lyons
En fait, à cinq ans, lorsque l’enfant arrive à l’école, il possède déjà une quantité considérable d’acquis en français. Rien de comparable n’est acquis en mathématiques. Pensons-y, l’enfant de cinq ans croit habituellement qu’en étirant une ligne de jetons, il en aura davantage. S’il a deux carrés identiques et qu’il les dispose de sorte qu’un carré recouvre l’autre partiellement, il croit que désormais «le carré qui est situé en dessous est le plus grand parce qu’il dépasse». Lorsqu’il dénombre des objets, il en omet quelques-uns, en compte d’autres deux fois. Bref, en mathématiques ses apprentissages sont rudimentaires, sauf sa capacité à résoudre des problèmes, laquelle est apparue longtemps avant qu’il puisse se débrouiller en français.
Par ailleurs, avant l’âge scolaire, l’enfant possède déjà un vocabulaire de plusieurs centaines de mots. Sans être capable de dire lesquels sont des verbes ou des noms, il les situe correctement dans ses phrases. Il utilise des synonymes pour s’expliquer, il comprend le sens de plusieurs métaphores telle la tête de l’arbre, les pieds de la clôture. Il conjugue assez facilement plusieurs verbes à divers temps et ses erreurs manifestent qu’il a compris les règles de base de la conjugaison. Bref, il maîtrise suffisamment la langue orale pour tenir une conversation intéressante et claire avec un adulte.
Malgré cet avantage certain, Sa Majesté impose ses dictats à l’enseignement des autres matières. Ainsi, nous vivons actuellement sous le joug des SAE (Situations d’apprentissage exagérées… pardon, situations d’apprentissage et d’évaluation). Le Ministère (MELS) mentionne que la SAE permet à l’élève de développer et d’exercer une ou plusieurs compétences disciplinaires et transversales. En fait il faudrait plutôt écrire «permet de développer au moins les compétences de l’élève en français.»
Évidemment Sa Majesté est sans pitié pour les élèves qui, dans le contexte des SAE, à cause de leurs faiblesses ou de leur manque d’intérêt linguistique, ont peu de chances de développer et de démontrer leurs compétences en mathématiques. D’ailleurs, dans les SAE, il faut d’abord et surtout se débarrasser d’une carcasse, aussi épaisse qu’inutile, qui permet rarement de présenter une situation mathématique pertinente susceptible d’amener l’élève à inventer ou même à développer un concept mathématique.
Sa Majesté est, par ailleurs, sans pitié pour les étudiants qui, malgré des notes acceptables dans d’autres matières, voient jusqu’à un maximum de vingt pourcent (20%) des points d’un examen de géométrie par exemple, être soustraits à cause de fautes d’orthographe. Et qu’advient-il si cela réduit un acceptable soixante-quinze pourcent à cinquante-cinq pourcent ? L’élève doit reprendre son cours de… géométrie et non un cours de français qui, en principe, devrait l’aider davantage grâce aux compétences de Sa Majesté. Et bien non, c’est sur l’enseignement des autres matières que l’on compte pour corriger les lacunes linguistiques de cet étudiant. On dirait vraiment que Sa Majesté ne croit plus en ses talents.
Voici deux élèves qui ont obtenu soixante-quinze et soixante-cinq pourcent en sciences. Le premier n’ayant perdu aucun point en français mérite réellement sa note. Le second a obtenu quatre-vingt-cinq pourcent en sciences mais, après avoir perdu vingt points en français, il obtient une note finale et officielle de soixante-cinq pourcent en sciences. Cette évaluation ne rend nullement justice à cet élève car, malgré ce qu’elle affiche, soit une évaluation en sciences, elle ne montre pas la valeur de cet élève en sciences. À quand le recours collectif qui pourrait corriger cette fausse représentation ?
Évidemment, il ne faut pas oublier la célèbre légende selon laquelle les difficultés en résolution de problèmes résultent de difficultés en compréhension de textes. Il y a plus de trente années que nous avons démontré la fausseté de cette croyance mais Sa Majesté ne se trouble pas par des recherches qui malmènent ses dogmes de foi.
En mathématiques, on considère qu’une grande partie de la difficulté consiste à comprendre le problème. On considère aussi que la communication de la solution présente souvent des difficultés. Pour ces raisons, les mathématiciens tentent toujours de réduire les énoncés mathématiques à un minimum de symboles et de termes afin de faciliter la compréhension du problème et afin de pouvoir se concentrer sur ce qui présente le plus grand défi, imaginer et construire des solutions.
Voici l’énoncé du problème qui a tenu en échec pendant plus de trois siècles les plus grands esprits de tous les peuples. Alors qu’il est possible que la somme de deux nombres carrés soit égale à un carré (x² +y² = z²) cela n’est pas possible pour des cubes (x³ + y³ = z³ et pour des entiers élevés à une autre puissance entière). Le travail en compréhension de textes est ici fort réduit et il n’est d’aucune aide pour l’étape suivante qui tient davantage de la créativité et de la logique que de toute compétence linguistique. Comment les SAE aident-elles à développer un minimum d’aisance dans cette seconde étape ? En fait, les SAE augmentent inutilement les difficultés lors de la première partie de la résolution d’un problème et sont parfaitement inutiles dans la seconde partie. Conséquemment, puisqu’il faut espérer qu’elles soient utiles au moins en français, Sa Majesté devrait accepter de céder une partie du temps dévolu à l’enseignement du français aux autres matières pour que nous puissions faire son travail et … le nôtre.
Robert Lyons
dimanche 4 octobre 2009
Ah! Les tables!
Les élèves ne connaissent plus leurs tables, enfin, moins qu’avant ! Chaque année, l’équivalent de ce qui précède nous est affirmé au moins une dizaine de fois. Est-ce justifié?
Un des problèmes en évaluation des apprentissages est qu’il n’existe pratiquement aucune norme, aucune échelle validée, qui permette de comparer de façon objective les résultats des élèves actuels à ceux du passé.
Cependant, en ce qui concerne les tables, la situation est différente. Dans les années cinquante, une des personnes les plus compétentes de son époque en enseignement des mathématiques, Gérard Beaudry, avait établi certaines normes lesquelles étaient toujours valables vingt ans plus tard. À huit ans, un élève devait réussir en huit minutes et par écrit au moins 90 des 100 combinaisons d’addition ou de soustraction. À 9 ans, un élève devait faire aussi bien mais en sept minutes seulement.
Et ainsi de suite, jusqu’à 11 ans où au moins 90 combinaisons d’addition ou de soustraction devaient être réussies en cinq minutes. En ce qui concerne la multiplication, le barème était le même, mais en commençant à 9 ans. Donc 90 des 100 combinaisons réussies en huit minutes et ainsi de suite.
En division, puisqu’on ne peut diviser pas zéro, il n’y a que 90 combinaisons. L’élève de 9 ans devait en réussir 80 en huit minutes; celui de 10 ans, 80 en sept minutes et ainsi de suite jusqu’à 80 en cinq minutes à 12 ans.
Cette norme est toujours utilisée et montre qu’il n’y a pas eu de baisse de performances en ce domaine. Le problème, c’est que souvent, lorsqu’on observe les performances des élèves, on les compare à des standards arbitraires, à des perceptions ou encore à des performances d’adultes.
Bref, en quarante-deux années d’enseignement il ne nous a pas été possible d’observer de diminution significative relativement à la maîtrise des tables.
Robert Lyons
Un des problèmes en évaluation des apprentissages est qu’il n’existe pratiquement aucune norme, aucune échelle validée, qui permette de comparer de façon objective les résultats des élèves actuels à ceux du passé.
Cependant, en ce qui concerne les tables, la situation est différente. Dans les années cinquante, une des personnes les plus compétentes de son époque en enseignement des mathématiques, Gérard Beaudry, avait établi certaines normes lesquelles étaient toujours valables vingt ans plus tard. À huit ans, un élève devait réussir en huit minutes et par écrit au moins 90 des 100 combinaisons d’addition ou de soustraction. À 9 ans, un élève devait faire aussi bien mais en sept minutes seulement.
Et ainsi de suite, jusqu’à 11 ans où au moins 90 combinaisons d’addition ou de soustraction devaient être réussies en cinq minutes. En ce qui concerne la multiplication, le barème était le même, mais en commençant à 9 ans. Donc 90 des 100 combinaisons réussies en huit minutes et ainsi de suite.
En division, puisqu’on ne peut diviser pas zéro, il n’y a que 90 combinaisons. L’élève de 9 ans devait en réussir 80 en huit minutes; celui de 10 ans, 80 en sept minutes et ainsi de suite jusqu’à 80 en cinq minutes à 12 ans.
Cette norme est toujours utilisée et montre qu’il n’y a pas eu de baisse de performances en ce domaine. Le problème, c’est que souvent, lorsqu’on observe les performances des élèves, on les compare à des standards arbitraires, à des perceptions ou encore à des performances d’adultes.
Bref, en quarante-deux années d’enseignement il ne nous a pas été possible d’observer de diminution significative relativement à la maîtrise des tables.
Robert Lyons
samedi 19 septembre 2009
Peser ne fait pas engraisser.
Il me semble que c’est Jacques Tardif qui, suite à ses recherches, a conclu qu’au moment de débuter leur scolarité les enfants pensent qu’ils viennent à l’école pour apprendre alors que, deux années plus tard, ils considèrent que c’est plutôt pour être évalués.
La conséquence la plus évidente de la réforme de l’année 2000 au Québec est le régime de terreur imposé depuis quelques années aux enseignantes et aux élèves par le biais de l’évaluation. Avant la réforme, en vingt-huit (28) années d’animations auprès du personnel enseignant, jamais l’évaluation n’a pris autant de place. Depuis la réforme, avant d’amorcer une animation, il faut s’attendre, même si cela n’est pas à l’ordre du jour, à ce que LA QUESTION qui finira par être posée portera sur l’évaluation.
Il fut un temps pendant lequel il n’y avait pas que les enseignantes et les élèves qui comprenaient que peser ne fait pas engraisser, qu’évaluer ne conduit qu’à un seul apprentissage : savoir comment réagir lors d’une évaluation et, ainsi, réussir souvent à déjouer cette évaluation.
Depuis la réforme, enseignantes et élèves doivent plier sous le joug de l’évaluation. Un temps précieux n’est ainsi plus disponible pour l’apprentissage et le temps qui reste se déroule en tentant de dissiper le stress qu’impose déjà une éventuelle évaluation. Comprenons-nous bien, l’évaluation est essentielle, son omniprésence ne l’est nullement.
Malheureusement, lorsque la porte est ouverte à l’imposition aveugle d’une quelconque dictature, telle celle que fait vivre actuellement l’évaluation, il se trouve toujours des émules des célèbres chemises noires d’Hitler qui se feront un devoir de sillonner leur patelin afin de rappeler les dictats qu’imposent quelques fonctionnaires dont le travail est fort peu ou fort mal … évalué.
Robert Lyons
Cette année, pour diverses raisons, Mathadore ne sera publié qu’aux deux semaines et visera principalement à alimenter le blog afin de permettre un débat essentiel après près de dix années de réforme.
Le projet de construire un programme est donc abandonné puisque trop peu de lecteurs se sentaient aptes à donner leur opinion dans ce qui est, avouons-le, un projet qui demande des connaissances et une expérience peu répandues.
La conséquence la plus évidente de la réforme de l’année 2000 au Québec est le régime de terreur imposé depuis quelques années aux enseignantes et aux élèves par le biais de l’évaluation. Avant la réforme, en vingt-huit (28) années d’animations auprès du personnel enseignant, jamais l’évaluation n’a pris autant de place. Depuis la réforme, avant d’amorcer une animation, il faut s’attendre, même si cela n’est pas à l’ordre du jour, à ce que LA QUESTION qui finira par être posée portera sur l’évaluation.
Il fut un temps pendant lequel il n’y avait pas que les enseignantes et les élèves qui comprenaient que peser ne fait pas engraisser, qu’évaluer ne conduit qu’à un seul apprentissage : savoir comment réagir lors d’une évaluation et, ainsi, réussir souvent à déjouer cette évaluation.
Depuis la réforme, enseignantes et élèves doivent plier sous le joug de l’évaluation. Un temps précieux n’est ainsi plus disponible pour l’apprentissage et le temps qui reste se déroule en tentant de dissiper le stress qu’impose déjà une éventuelle évaluation. Comprenons-nous bien, l’évaluation est essentielle, son omniprésence ne l’est nullement.
Malheureusement, lorsque la porte est ouverte à l’imposition aveugle d’une quelconque dictature, telle celle que fait vivre actuellement l’évaluation, il se trouve toujours des émules des célèbres chemises noires d’Hitler qui se feront un devoir de sillonner leur patelin afin de rappeler les dictats qu’imposent quelques fonctionnaires dont le travail est fort peu ou fort mal … évalué.
Robert Lyons
Cette année, pour diverses raisons, Mathadore ne sera publié qu’aux deux semaines et visera principalement à alimenter le blog afin de permettre un débat essentiel après près de dix années de réforme.
Le projet de construire un programme est donc abandonné puisque trop peu de lecteurs se sentaient aptes à donner leur opinion dans ce qui est, avouons-le, un projet qui demande des connaissances et une expérience peu répandues.
dimanche 31 mai 2009
Les réformes : un échec !
Il y a une année environ, un universitaire de Montréal présentait le résultat de recherches qui portaient sur le succès des réformes scolaires. Le nombre de réformes considérées était impressionnant, des centaines, voire même des milliers, ma mémoire me trahit. Ces réformes avaient eu lieu un peu partout sur la planète. La conclusion était claire : les réformes sont presque toujours un échec. On comprendra qu’une si vaste étude ne s’intéressait qu’aux résultats et non à leurs causes. Mais si l’échec est l’aboutissement de pratiquement toutes les réformes, il faut conclure :
- soit qu’elles sont inutiles et que le summum en enseignement a été atteint;
- soit que les réformistes sont incapables de faire leur travail convenablement, travail qui
comprend à la fois le contenu des réformes et leur mise-en-place;
- soit que la société répugne à réformer un système scolaire qui a permis à tant de gens de
réussir dans la vie (Oublions les décrocheurs; oublions ceux qui ont persévéré en vain;
oublions les crises économiques que les génies de la finance, malgré tous leurs diplômes,
n’ont pu éviter; oublions les problèmes de pollution ; et bien d’autres problèmes. Bref, ne
voyons que le beau côté des choses, surtout si nous avons du succès.);
- soit que le personnel des écoles est placé dans une situation qui rend les réformes
inapplicables.
À mon avis, les réformes échouent pour toutes ces raisons, sauf la première. Considérons les réactions de la société face à un «nouveau» programme. Dès qu’il est annoncé il se trouve des dizaines de Don Quichotte qui se donnent le mandat de s’y opposer. Ils connaissent rarement le nouveau programme à fond et sont habituellement incapables de distinguer ce qu’il y a de vraiment nouveau dans ce programme. C’est normal puisque les changements les plus remarqués d’un programme à celui qui lui succède sont superficiels et concernent surtout la terminologie. Malgré tout il en ressort de nombreux débats qui font oublier les véritables problèmes du système d’enseignement, problèmes auxquels les réformistes n’osent jamais s’attaquer.
Faut-il les en blâmer ? Il suffit d’observer que lorsque l’école accepte que les élèves additionnent de gauche à droite au lieu de l’inverse, Don Quichotte et des milliers de clones s’agitent sans se rendre compte que c’est exactement ce qu’ils font en calcul mental.
En fait, une réforme qui viserait à corriger en une seule fois les failles évidentes d’un programme n’aurait aucune chance de réussite, puisque même lorsque les changements se limitent pratiquement à la terminologie, ils sont attaqués en force.
De la parution d’un programme à celle de son successeur, il s’écoule, au Québec, environ dix années; le dernier programme, celui de l’année 2000, étant une exception puisqu’il s’est fait désirer pendant vingt années. Entre la parution de deux programmes, oubliez les ajustements, ce serait reconnaître des erreurs. Ainsi, en 1985, dans son avis au ministre de l’éducation, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec reconnaissait : «Le programme n’est pas exempt de maladresse, avons-nous dit. Mentionnons ici à titre d’exemple, le découpage dans l’écriture et dans l’énumération des nombres de 0 à 69, puis de 70 à 99.»
C’était en 1985. Ce n’est que quinze années plus tard que le ministère corrigera cette «maladresse». Entre 1985 et l’année 2000, date de publication du nouveau programme, un million deux cent mille élèves ont été exposés à cette «maladresse», en première année. Cela correspond à quinze pourcent de la population actuelle du Québec. Mais cette «maladresse» n’était pas la seule qui était connue en 1985 et ce n’était pas la plus dommageable non plus. Il en existe d’autres qui ont touché tous les élèves du Québec depuis des décennies et qui sont toujours présentes dans le nouveau programme.
Modifier un programme est une entreprise colossale et dispendieuse. Il faut, d’une part, publier le nouveau programme, les guides d’interprétation et d’application alors que d’autre part, les éditeurs doivent confectionner de nouveaux manuels. Mais nous vivons en 2009, à l’ère de l’internet. Une modification au programme peut être diffusée et connue en quelques heures. Dans le même temps, il est possible de distribuer, toujours par internet, la description complète d’activités de remplacement qui auront été préalablement et véritablement validées.
À maintes reprises, nous avons proposé de telles modifications et de telles activités dans les bulletins de Mathadore et, souvent, sans réveiller Don Quichotte, de petits changements sont intervenus dans plusieurs classes.
En conclusion, le ministère possède actuellement, grâce à l’internet, la possibilité de réécrire le programme de l’année 2000 ou de commencer la diffusion de ce qui sera le futur programme du Québec. Il suffit de diffuser de simples éléments qui améliorent l’enseignement dès que ceux-ci sont bien identifiés et structurés. En agissant ainsi, le ministère fera davantage en cinq années que ce qui s’est fait lors des cinquante dernières années.
Certes, le ministère ne dispose pas des compétences pédagogiques et didactiques capables de rédiger des unités d’enseignement qui peuvent faire un changement réel et valable, mais ces ressources existent. Elles sont habituellement utilisées par les maisons d’édition, ce qui, avec raison, les disqualifie pour des emplois au ministère. Mais plutôt que de financer un service de la mesure et de l’évaluation qui ne permet nullement d’améliorer l’enseignement et qui laisse peser dans les écoles un stress dont se ressentent maintenant toute l’année élèves et enseignants, que le ministère finance de petites équipes disciplinaires qui auront la mission de pousser à fond les recherches sur la compréhension des difficultés des élèves et de trouver le moyen de les éviter et d’y remédier.
En diminuant ses dépenses relatives à l’évaluation générale des élèves, laquelle est purement inutile puisqu’elle ne conduit jamais à modifier les programmes, en implantant les programmes en douceur, le ministère pourra financer ces petites équipes de travail formées de personnes compétentes. Et si cela devait s’avérer plus coûteux que ce qui se passe actuellement, les économies seraient tout de même considérables grâce aux besoins réduits en services aux élèves en difficulté d’apprentissage.
Bonnes vacances et à l’année prochaine.
Robert Lyons
Il y a une année environ, un universitaire de Montréal présentait le résultat de recherches qui portaient sur le succès des réformes scolaires. Le nombre de réformes considérées était impressionnant, des centaines, voire même des milliers, ma mémoire me trahit. Ces réformes avaient eu lieu un peu partout sur la planète. La conclusion était claire : les réformes sont presque toujours un échec. On comprendra qu’une si vaste étude ne s’intéressait qu’aux résultats et non à leurs causes. Mais si l’échec est l’aboutissement de pratiquement toutes les réformes, il faut conclure :
- soit qu’elles sont inutiles et que le summum en enseignement a été atteint;
- soit que les réformistes sont incapables de faire leur travail convenablement, travail qui
comprend à la fois le contenu des réformes et leur mise-en-place;
- soit que la société répugne à réformer un système scolaire qui a permis à tant de gens de
réussir dans la vie (Oublions les décrocheurs; oublions ceux qui ont persévéré en vain;
oublions les crises économiques que les génies de la finance, malgré tous leurs diplômes,
n’ont pu éviter; oublions les problèmes de pollution ; et bien d’autres problèmes. Bref, ne
voyons que le beau côté des choses, surtout si nous avons du succès.);
- soit que le personnel des écoles est placé dans une situation qui rend les réformes
inapplicables.
À mon avis, les réformes échouent pour toutes ces raisons, sauf la première. Considérons les réactions de la société face à un «nouveau» programme. Dès qu’il est annoncé il se trouve des dizaines de Don Quichotte qui se donnent le mandat de s’y opposer. Ils connaissent rarement le nouveau programme à fond et sont habituellement incapables de distinguer ce qu’il y a de vraiment nouveau dans ce programme. C’est normal puisque les changements les plus remarqués d’un programme à celui qui lui succède sont superficiels et concernent surtout la terminologie. Malgré tout il en ressort de nombreux débats qui font oublier les véritables problèmes du système d’enseignement, problèmes auxquels les réformistes n’osent jamais s’attaquer.
Faut-il les en blâmer ? Il suffit d’observer que lorsque l’école accepte que les élèves additionnent de gauche à droite au lieu de l’inverse, Don Quichotte et des milliers de clones s’agitent sans se rendre compte que c’est exactement ce qu’ils font en calcul mental.
En fait, une réforme qui viserait à corriger en une seule fois les failles évidentes d’un programme n’aurait aucune chance de réussite, puisque même lorsque les changements se limitent pratiquement à la terminologie, ils sont attaqués en force.
De la parution d’un programme à celle de son successeur, il s’écoule, au Québec, environ dix années; le dernier programme, celui de l’année 2000, étant une exception puisqu’il s’est fait désirer pendant vingt années. Entre la parution de deux programmes, oubliez les ajustements, ce serait reconnaître des erreurs. Ainsi, en 1985, dans son avis au ministre de l’éducation, le Conseil supérieur de l’Éducation du Québec reconnaissait : «Le programme n’est pas exempt de maladresse, avons-nous dit. Mentionnons ici à titre d’exemple, le découpage dans l’écriture et dans l’énumération des nombres de 0 à 69, puis de 70 à 99.»
C’était en 1985. Ce n’est que quinze années plus tard que le ministère corrigera cette «maladresse». Entre 1985 et l’année 2000, date de publication du nouveau programme, un million deux cent mille élèves ont été exposés à cette «maladresse», en première année. Cela correspond à quinze pourcent de la population actuelle du Québec. Mais cette «maladresse» n’était pas la seule qui était connue en 1985 et ce n’était pas la plus dommageable non plus. Il en existe d’autres qui ont touché tous les élèves du Québec depuis des décennies et qui sont toujours présentes dans le nouveau programme.
Modifier un programme est une entreprise colossale et dispendieuse. Il faut, d’une part, publier le nouveau programme, les guides d’interprétation et d’application alors que d’autre part, les éditeurs doivent confectionner de nouveaux manuels. Mais nous vivons en 2009, à l’ère de l’internet. Une modification au programme peut être diffusée et connue en quelques heures. Dans le même temps, il est possible de distribuer, toujours par internet, la description complète d’activités de remplacement qui auront été préalablement et véritablement validées.
À maintes reprises, nous avons proposé de telles modifications et de telles activités dans les bulletins de Mathadore et, souvent, sans réveiller Don Quichotte, de petits changements sont intervenus dans plusieurs classes.
En conclusion, le ministère possède actuellement, grâce à l’internet, la possibilité de réécrire le programme de l’année 2000 ou de commencer la diffusion de ce qui sera le futur programme du Québec. Il suffit de diffuser de simples éléments qui améliorent l’enseignement dès que ceux-ci sont bien identifiés et structurés. En agissant ainsi, le ministère fera davantage en cinq années que ce qui s’est fait lors des cinquante dernières années.
Certes, le ministère ne dispose pas des compétences pédagogiques et didactiques capables de rédiger des unités d’enseignement qui peuvent faire un changement réel et valable, mais ces ressources existent. Elles sont habituellement utilisées par les maisons d’édition, ce qui, avec raison, les disqualifie pour des emplois au ministère. Mais plutôt que de financer un service de la mesure et de l’évaluation qui ne permet nullement d’améliorer l’enseignement et qui laisse peser dans les écoles un stress dont se ressentent maintenant toute l’année élèves et enseignants, que le ministère finance de petites équipes disciplinaires qui auront la mission de pousser à fond les recherches sur la compréhension des difficultés des élèves et de trouver le moyen de les éviter et d’y remédier.
En diminuant ses dépenses relatives à l’évaluation générale des élèves, laquelle est purement inutile puisqu’elle ne conduit jamais à modifier les programmes, en implantant les programmes en douceur, le ministère pourra financer ces petites équipes de travail formées de personnes compétentes. Et si cela devait s’avérer plus coûteux que ce qui se passe actuellement, les économies seraient tout de même considérables grâce aux besoins réduits en services aux élèves en difficulté d’apprentissage.
Bonnes vacances et à l’année prochaine.
Robert Lyons
dimanche 24 mai 2009
Tables et algorithmes (3)
Dans Mathadore 313, nous avons vu que l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Nous nous sommes laissés en mentionnant que cela ne signifiait peut-être pas que l’apprentissage des techniques doive précéder celui des tables… De quoi s’interroger une partie de la semaine.
En fait, avant les techniques, avant les tables, il faut bien comprendre le nombre et la numération. Il faut apprendre à jouer avec les nombres. Une technique est essentiellement un jeu avec les nombres. Un jeu qui consiste à transformer les nombres afin de faciliter un calcul donné. C’est une chose dont nous sommes conscients lorsque nous additionnons des fractions. Par exemple l’addition de ½ et 1/3 ne sera effectuée que lorsque ces deux nombres auront été transformés en sixièmes.
La soustraction 36 – 19 ne sera effectuée que lorsque 36 sera transformé en 20 + 16. Pour diviser 744 par 3, on transforme 744 en 600 + 120 + 24. Ces multiples de 3 nous permettent de trouver rapidement la réponse (600 ÷ 3) + (120 ÷ 3) + (24 ÷ 3) = 200 + 40 + 8 = 248.
Vous avez rencontré des élèves qui connaissent bien leurs tables lorsque les nombres à additionner ou à multiplier sont les mêmes (7 + 7, 9 + 9 ou 6 × 6, 8 × 8…) ? Vous leur demandez 7 + 7 ou 8 + 8 et les réponses sont correctes et instantanées. Toutefois, confrontés à 7 + 8, ils disent qu’ils ne savent pas. En fait ils n’ont rien compris, ils ont simplement mémorisé les combinaisons qui s’avèrent les plus faciles. L’élève qui comprend ce que 7 + 8 et 7 + 7 signifient et qui sait que 7 + 7 = 14 pense rapidement que 7 + 8 = 7 + 7 + 1 = 14 + 1 = 15.
Vous voulez effectuer 848 × 125, allez-vous utiliser l’algorithme traditionnel :
848
×125
4240
1696
848
106 000
Vous perdez votre temps ! Observez ces nombres : 125 = 1000 ÷ 8.
Vous avez rencontré des élèves qui connaissent bien leurs tables lorsque les nombres à additionner ou à multiplier sont les mêmes (7 + 7, 9 + 9 ou 6 × 6, 8 × 8…) ? Vous leur demandez 7 + 7 ou 8 + 8 et les réponses sont correctes et instantanées. Toutefois, confrontés à 7 + 8, ils disent qu’ils ne savent pas. En fait ils n’ont rien compris, ils ont simplement mémorisé les combinaisons qui s’avèrent les plus faciles. L’élève qui comprend ce que 7 + 8 et 7 + 7 signifient et qui sait que 7 + 7 = 14 pense rapidement que 7 + 8 = 7 + 7 + 1 = 14 + 1 = 15.
Vous voulez effectuer 848 × 125, allez-vous utiliser l’algorithme traditionnel :
848
×125
4240
1696
848
106 000
Vous perdez votre temps ! Observez ces nombres : 125 = 1000 ÷ 8.
Beaucoup plus rapide!
Que faites-vous pour 5000 – 1426 ? Remplacer cette soustraction par 4999 – 1425 semble rendre les calculs plus simples. Et 45 × 32 ? Pourquoi pas 90 × 16, qui est plus facile et plus rapide?
Nous venons de jouer avec les nombres. Nous venons de tester et de développer la compréhension du nombre et des opérations.
Activité
Au moins une année avant de demander aux élèves d’apprendre les tables par cœur, proposez-leur ce qui suit.
Puisque 7 + 9 = 16, pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?
Solutions : 7 + 7 + 2 = 16
7 + 10 – 1 = 16
8 + 8 = 16
Puisque 15 – 7 = 8 pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?
Solutions : 10 – 7 + 5 = 8
15 – 5 – 2 = 8
17 – 7 – 2 = 8
Et pour 7 × 9 ?
Solutions : 7 × 7 + 7 + 7 = 63
7 × 10 – 7 = 63
Il existe de nombreux autres exemples. Or si l’élève ne s’habitue pas à transformer 5 × 8 en 5 × 2 × 4 et ensuite en 10 × 4 = 40, il ne le fera pas avec les plus grands nombres.
Bref, il faut que les élèves apprennent à représenter les petits nombres et les opérations sur ces nombres en d’autres nombres et opérations plus simples. Cela doit être fait avant la mémorisation des tables et avant l’apprentissage des techniques de calcul.
Robert Lyons
Nous venons de jouer avec les nombres. Nous venons de tester et de développer la compréhension du nombre et des opérations.
Activité
Au moins une année avant de demander aux élèves d’apprendre les tables par cœur, proposez-leur ce qui suit.
Puisque 7 + 9 = 16, pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?
Solutions : 7 + 7 + 2 = 16
7 + 10 – 1 = 16
8 + 8 = 16
Puisque 15 – 7 = 8 pouvez-vous trouver différentes façons d’y arriver ?
Solutions : 10 – 7 + 5 = 8
15 – 5 – 2 = 8
17 – 7 – 2 = 8
Et pour 7 × 9 ?
Solutions : 7 × 7 + 7 + 7 = 63
7 × 10 – 7 = 63
Il existe de nombreux autres exemples. Or si l’élève ne s’habitue pas à transformer 5 × 8 en 5 × 2 × 4 et ensuite en 10 × 4 = 40, il ne le fera pas avec les plus grands nombres.
Bref, il faut que les élèves apprennent à représenter les petits nombres et les opérations sur ces nombres en d’autres nombres et opérations plus simples. Cela doit être fait avant la mémorisation des tables et avant l’apprentissage des techniques de calcul.
Robert Lyons
dimanche 17 mai 2009
Tables et algorithmes (2)
Faut-il commencer par l’apprentissage des tables ou par celui des algorithmes ? À mon avis tout apprentissage doit être pertinent. L’apprentissage des tables, comme celui des techniques de calcul, doit intervenir lorsqu’on a réussi à en faire ressentir la nécessité aux élèves. Ainsi, l’élève qui doit diminuer le temps consacré à jouer avec ses amis parce que, faute de connaître ses tables, il prend beaucoup de temps à faire ses devoirs, ressentira le besoin de mémoriser ses tables assez facilement.
Il existe une autre façon d’envisager la pertinence des tables, il s’agit d’identifier quelles combinaisons doivent être maîtrisées afin d’utiliser avec aisance un algorithme donné.
Voici une façon très efficace de soustraire.
L’élève effectue pour chaque colonne une soustraction dont le résultat est positif si le nombre d’en haut est plus grand que celui du bas et négatif dans le cas contraire. Ensuite, il effectue la soustraction obtenue avec les résultats de chaque colonne.
35 – 29
3 – 2 = 1 En fait, 30 – 20 = 10
5 – 9 = -4
Ensuite 10 – 4 = 6
341 – 178
3 – 1 = 2 (300 – 100 = 200)
4 – 7 = -3 (40 – 70 = -30)
1 – 8 = -7
Enfin 200 – 30 – 7 = 163
C’est une technique géniale qui fonctionne toujours et qui a été inventée par des enfants de sept ans à qui on avait appris, par exemple, que 3 – 5 = -2 et non que 3 – 5 est impossible.
L’élève qui utilise une telle technique n’a jamais besoin d’apprendre les tables de soustractions dont le premier nombre est plus grand que dix puisque, par exemple, il solutionne 15 – 8 en pensant 10 – 0 = 10 et 5 – 8 = -3 donc, 15 – 8 = 10 -3 = 7.
Voici une technique que l’on m’a déjà dit provenir de Russie. Malheureusement tous les ressortissants de ce pays que j’ai connus ne la connaissaient pas. Peut-être que parmi vous, chers lecteurs, quelqu’un saura m’en indiquer la provenance.
49 × 73 → 73
24 × 146
12 × 292
6 × 584
3 × 1168 → 1168
1 × 2336 → 2336
3577
Un autre exemple :
83 × 83 → 83
41 × 166 → 166
20 × 332
10 × 664
5 × 1328 → 1328
2 × 2656
1 × 5312 → 5312
6889
Si vous avez observé les calculs, vous avez sans doute remarqué que le plus petit nombre était divisé par deux et que le reste était négligé… temporairement. D’autre part, le plus grand nombre était multiplié par deux. Ensuite, certains nombres ont été additionnés :
73 + 1168 + 2336 = 3577 donc 49 × 73 = 3577
et 83 + 166 + 1328 + 5312 = 6889 donc 83 × 83 = 6889.
Cet algorithme de multiplication ne nécessite que l’apprentissage des tables de multiplication par deux ou, plus simplement, des tables d’addition de nombres identiques. Jamais on aura besoin de savoir que 3 × 3 = 9, que 5 × 7 = 35…
Alors, on commence par quoi? Apprendre les tables sans savoir quel algorithme sera utilisé ou apprendre un algorithme et, ensuite, apprendre les tables qui s’avèrent utiles pour travailler avec cet algorithme?
Certes, si nous savons quel sera l’algorithme que l’élève finira par utiliser couramment, nous pouvons, au préalable, lui faire apprendre les tables pertinentes. Mais cette pertinence, nous la connaissons, l’élève ne la connaît pas. Quelle sera sa motivation ?
Puisque les tables utiles dépendent des processus de calculs adoptés, l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Donc il faut faire l’inverse. Pas sûr!
Robert Lyons
Faut-il commencer par l’apprentissage des tables ou par celui des algorithmes ? À mon avis tout apprentissage doit être pertinent. L’apprentissage des tables, comme celui des techniques de calcul, doit intervenir lorsqu’on a réussi à en faire ressentir la nécessité aux élèves. Ainsi, l’élève qui doit diminuer le temps consacré à jouer avec ses amis parce que, faute de connaître ses tables, il prend beaucoup de temps à faire ses devoirs, ressentira le besoin de mémoriser ses tables assez facilement.
Il existe une autre façon d’envisager la pertinence des tables, il s’agit d’identifier quelles combinaisons doivent être maîtrisées afin d’utiliser avec aisance un algorithme donné.
Voici une façon très efficace de soustraire.
L’élève effectue pour chaque colonne une soustraction dont le résultat est positif si le nombre d’en haut est plus grand que celui du bas et négatif dans le cas contraire. Ensuite, il effectue la soustraction obtenue avec les résultats de chaque colonne.
35 – 29
3 – 2 = 1 En fait, 30 – 20 = 10
5 – 9 = -4
Ensuite 10 – 4 = 6
341 – 178
3 – 1 = 2 (300 – 100 = 200)
4 – 7 = -3 (40 – 70 = -30)
1 – 8 = -7
Enfin 200 – 30 – 7 = 163
C’est une technique géniale qui fonctionne toujours et qui a été inventée par des enfants de sept ans à qui on avait appris, par exemple, que 3 – 5 = -2 et non que 3 – 5 est impossible.
L’élève qui utilise une telle technique n’a jamais besoin d’apprendre les tables de soustractions dont le premier nombre est plus grand que dix puisque, par exemple, il solutionne 15 – 8 en pensant 10 – 0 = 10 et 5 – 8 = -3 donc, 15 – 8 = 10 -3 = 7.
Voici une technique que l’on m’a déjà dit provenir de Russie. Malheureusement tous les ressortissants de ce pays que j’ai connus ne la connaissaient pas. Peut-être que parmi vous, chers lecteurs, quelqu’un saura m’en indiquer la provenance.
49 × 73 → 73
24 × 146
12 × 292
6 × 584
3 × 1168 → 1168
1 × 2336 → 2336
3577
Un autre exemple :
83 × 83 → 83
41 × 166 → 166
20 × 332
10 × 664
5 × 1328 → 1328
2 × 2656
1 × 5312 → 5312
6889
Si vous avez observé les calculs, vous avez sans doute remarqué que le plus petit nombre était divisé par deux et que le reste était négligé… temporairement. D’autre part, le plus grand nombre était multiplié par deux. Ensuite, certains nombres ont été additionnés :
73 + 1168 + 2336 = 3577 donc 49 × 73 = 3577
et 83 + 166 + 1328 + 5312 = 6889 donc 83 × 83 = 6889.
Cet algorithme de multiplication ne nécessite que l’apprentissage des tables de multiplication par deux ou, plus simplement, des tables d’addition de nombres identiques. Jamais on aura besoin de savoir que 3 × 3 = 9, que 5 × 7 = 35…
Alors, on commence par quoi? Apprendre les tables sans savoir quel algorithme sera utilisé ou apprendre un algorithme et, ensuite, apprendre les tables qui s’avèrent utiles pour travailler avec cet algorithme?
Certes, si nous savons quel sera l’algorithme que l’élève finira par utiliser couramment, nous pouvons, au préalable, lui faire apprendre les tables pertinentes. Mais cette pertinence, nous la connaissons, l’élève ne la connaît pas. Quelle sera sa motivation ?
Puisque les tables utiles dépendent des processus de calculs adoptés, l’apprentissage des tables ne peut précéder celui des techniques de calcul. Donc il faut faire l’inverse. Pas sûr!
Robert Lyons
dimanche 10 mai 2009
L’apprentissage des tables et des algorithmes (1).
On se demande parfois si, en dehors de l’apprentissage des tables et des techniques de calcul, certaines personnes accordent de l’importance à d’autres apprentissages mathématiques. On se demande aussi si ces apprentissages, que l’on qualifie de «fondamentaux» ou «d’apprentissages de base», occupent valablement autant de place en enseignement des mathématiques ou, si, au contraire, ils doivent leur popularité à une tradition qui aurait avantage à être remise en question surtout lorsque l’on considère leur rôle réel dans notre société.
En ce qui concerne l’apprentissage des tables, pourquoi certains les apprennent-ils encore jusqu’à 12 + 12 et jusqu’à 12 × 12 ? Pourquoi pas jusqu’à dix, quinze ou vingt ? Est-ce que l’utilisation de la mesure en pouces, pieds et milles ou encore la mesure en onces, livres et grosses pouvaient justifier l’apprentissage des tables jusqu’à douze alors que le passage à la mesure selon le système international d’unités ne le justifie plus du tout ?
Par ailleurs, le nouveau programme du Québec mentionne le développement de processus personnels d’addition et de soustraction au premier cycle du primaire alors que les processus dits «conventionnels» sont situés au deuxième cycle pour ces mêmes opérations. La même séquence est observée en ce qui concerne la multiplication et la division mais un cycle, donc deux années plus tard. Avec les processus personnels, le programme mentionne l’apprentissage des tables jusqu’à dix.
Ce qui est évident dans ce qui précède, c’est que les processus personnels constituent des processus bien mystérieux pour les auteurs de ce programme. En fait, qu’est-ce qu’un processus conventionnel sinon un processus personnel qui a fait consensus auprès d’une collectivité ? D’un pays à un autre, et même parfois, dans le même pays, c’est le cas au Canada, plusieurs processus «conventionnels» sont utilisés. Ainsi, anglophones et francophones du Canada n’utilisent pas le même algorithme de division des nombres entiers. Derrière leurs deux processus se cachent toutefois les mêmes propriétés mathématiques, seule la codification des processus est différente. C’est tout de même amusant, car la division conventionnelle utilisée par les francophones sera qualifiée de «processus personnel» dans les écoles anglophones et le phénomène inverse sera observé dans les écoles francophones.
Revenons aux processus personnels. En lisant le programme, on a l’impression qu’on leur confie le même rôle que celui qui est souvent confié à la manipulation : une sorte d’introduction pour les jeunes élèves à certains concepts, introduction qu’il faudra plus ou moins rapidement laisser de côté en faveur de «mathématiques plus sérieuses». Que faire alors si l’élève du secondaire utilise encore divers processus personnels au lieu des processus conventionnels ? Est-ce possible que cela manifeste une compréhension supérieure du nombre et des opérations ?
Est-ce possible que nous ayons appris des processus conventionnels sans vraiment les comprendre ? On pense à la division de fractions dans laquelle la division par la seconde fraction est remplacée par la multiplication par la fraction inverse. Mais, il y a beaucoup plus simple, pourquoi additionner et soustraire par écrit de droite à gauche ? Pourquoi ne pas faire l’inverse ? D’autant plus que l’on retrouve de nombreuses personnes qui, souvent inconsciemment, calculent «de gauche à droite» en calcul mental. Et pourtant, le calcul mental est considéré plus difficile que le calcul écrit. Où est la logique: la technique la plus facile pour le calcul écrit qui est considéré le plus facile et la technique la plus difficile pour le calcul mental qui est plus exigeant? À moins qu’additionner et soustraire de gauche à droite soit toujours ce qu’il y a de plus facile.
Vous croyez peut-être n’avoir jamais calculé «de gauche à droite» ? Essayons ce qui suit. Vous devez payer une somme de 14,79$ avec un billet de 20$. Combien doit-on vous remettre ? Si vous avez déjà tenu une caisse, vous pensez à compléter en dollars d’abord donc 20¢ … 21¢, puis 5$ … 5,21$. Cet algorithme se justifie par le matériel dont vous disposez et le travail à effectuer. Par contre, si vous n’avez jamais occupé un poste où vous deviez rendre la monnaie, vous avez probablement pensé d’abord qu’entre 20$ et 14,79$, il y avait un peu plus que 5$. Ensuite vous avez trouvé 5,20$ …5,21$. Vous avez calculé en vous occupant d’abord des grandes unités, contrairement à ce qui est fait couramment en calcul écrit.
Alors voilà, en calcul écrit et en calcul mental, plusieurs d’entre nous utilisons deux processus «conventionnels» différents et ce, souvent, sur les mêmes nombres. Parce qu’elle est enseignée à l’école, la technique écrite est qualifiée de processus conventionnel alors que la technique utilisée en calcul mental est perçue comme un processus personnel. Peut-on penser que l’utilisation de ce processus personnel démontre une meilleure compréhension que l’utilisation, par imitation, du processus conventionnel ? Et que faire avec les élèves qui effectuent habituellement leurs additions et leurs soustractions écrites de gauche à droite ? Faut-il insister sur l’apprentissage et l’utilisation régulière d’un processus écrit plus conventionnel ?
Avant de répondre à cette question, je vous prie d’être indulgent puisque l’auteur de ces lignes n’effectue ses additions et ses soustractions écrites que de gauche à droite depuis l’âge de huit ans. Cela semble lui avoir toujours permis de calculer plus rapidement que la majorité des autres élèves d’abord et des adultes par la suite ? Est-ce possible que la conservation de ces techniques personnelles en addition et en soustraction, entre autres, permette de concevoir les mathématiques comme un domaine de créativité ? Est-ce possible qu’une telle perception des mathématiques conduise à croire que la mémorisation et la pratique répétitive ne sont pas à la base de l’apprentissage des mathématiques ? Est-ce possible que la plus grande différence entre les «forts en maths» et ceux qui éprouvent des difficultés tienne davantage à la perception de ce que sont les mathématiques et à la façon de les apprendre qu’à une mystérieuse et toujours introuvable «bosse des mathématiques» ?
À vous !
Robert Lyons
On se demande parfois si, en dehors de l’apprentissage des tables et des techniques de calcul, certaines personnes accordent de l’importance à d’autres apprentissages mathématiques. On se demande aussi si ces apprentissages, que l’on qualifie de «fondamentaux» ou «d’apprentissages de base», occupent valablement autant de place en enseignement des mathématiques ou, si, au contraire, ils doivent leur popularité à une tradition qui aurait avantage à être remise en question surtout lorsque l’on considère leur rôle réel dans notre société.
En ce qui concerne l’apprentissage des tables, pourquoi certains les apprennent-ils encore jusqu’à 12 + 12 et jusqu’à 12 × 12 ? Pourquoi pas jusqu’à dix, quinze ou vingt ? Est-ce que l’utilisation de la mesure en pouces, pieds et milles ou encore la mesure en onces, livres et grosses pouvaient justifier l’apprentissage des tables jusqu’à douze alors que le passage à la mesure selon le système international d’unités ne le justifie plus du tout ?
Par ailleurs, le nouveau programme du Québec mentionne le développement de processus personnels d’addition et de soustraction au premier cycle du primaire alors que les processus dits «conventionnels» sont situés au deuxième cycle pour ces mêmes opérations. La même séquence est observée en ce qui concerne la multiplication et la division mais un cycle, donc deux années plus tard. Avec les processus personnels, le programme mentionne l’apprentissage des tables jusqu’à dix.
Ce qui est évident dans ce qui précède, c’est que les processus personnels constituent des processus bien mystérieux pour les auteurs de ce programme. En fait, qu’est-ce qu’un processus conventionnel sinon un processus personnel qui a fait consensus auprès d’une collectivité ? D’un pays à un autre, et même parfois, dans le même pays, c’est le cas au Canada, plusieurs processus «conventionnels» sont utilisés. Ainsi, anglophones et francophones du Canada n’utilisent pas le même algorithme de division des nombres entiers. Derrière leurs deux processus se cachent toutefois les mêmes propriétés mathématiques, seule la codification des processus est différente. C’est tout de même amusant, car la division conventionnelle utilisée par les francophones sera qualifiée de «processus personnel» dans les écoles anglophones et le phénomène inverse sera observé dans les écoles francophones.
Revenons aux processus personnels. En lisant le programme, on a l’impression qu’on leur confie le même rôle que celui qui est souvent confié à la manipulation : une sorte d’introduction pour les jeunes élèves à certains concepts, introduction qu’il faudra plus ou moins rapidement laisser de côté en faveur de «mathématiques plus sérieuses». Que faire alors si l’élève du secondaire utilise encore divers processus personnels au lieu des processus conventionnels ? Est-ce possible que cela manifeste une compréhension supérieure du nombre et des opérations ?
Est-ce possible que nous ayons appris des processus conventionnels sans vraiment les comprendre ? On pense à la division de fractions dans laquelle la division par la seconde fraction est remplacée par la multiplication par la fraction inverse. Mais, il y a beaucoup plus simple, pourquoi additionner et soustraire par écrit de droite à gauche ? Pourquoi ne pas faire l’inverse ? D’autant plus que l’on retrouve de nombreuses personnes qui, souvent inconsciemment, calculent «de gauche à droite» en calcul mental. Et pourtant, le calcul mental est considéré plus difficile que le calcul écrit. Où est la logique: la technique la plus facile pour le calcul écrit qui est considéré le plus facile et la technique la plus difficile pour le calcul mental qui est plus exigeant? À moins qu’additionner et soustraire de gauche à droite soit toujours ce qu’il y a de plus facile.
Vous croyez peut-être n’avoir jamais calculé «de gauche à droite» ? Essayons ce qui suit. Vous devez payer une somme de 14,79$ avec un billet de 20$. Combien doit-on vous remettre ? Si vous avez déjà tenu une caisse, vous pensez à compléter en dollars d’abord donc 20¢ … 21¢, puis 5$ … 5,21$. Cet algorithme se justifie par le matériel dont vous disposez et le travail à effectuer. Par contre, si vous n’avez jamais occupé un poste où vous deviez rendre la monnaie, vous avez probablement pensé d’abord qu’entre 20$ et 14,79$, il y avait un peu plus que 5$. Ensuite vous avez trouvé 5,20$ …5,21$. Vous avez calculé en vous occupant d’abord des grandes unités, contrairement à ce qui est fait couramment en calcul écrit.
Alors voilà, en calcul écrit et en calcul mental, plusieurs d’entre nous utilisons deux processus «conventionnels» différents et ce, souvent, sur les mêmes nombres. Parce qu’elle est enseignée à l’école, la technique écrite est qualifiée de processus conventionnel alors que la technique utilisée en calcul mental est perçue comme un processus personnel. Peut-on penser que l’utilisation de ce processus personnel démontre une meilleure compréhension que l’utilisation, par imitation, du processus conventionnel ? Et que faire avec les élèves qui effectuent habituellement leurs additions et leurs soustractions écrites de gauche à droite ? Faut-il insister sur l’apprentissage et l’utilisation régulière d’un processus écrit plus conventionnel ?
Avant de répondre à cette question, je vous prie d’être indulgent puisque l’auteur de ces lignes n’effectue ses additions et ses soustractions écrites que de gauche à droite depuis l’âge de huit ans. Cela semble lui avoir toujours permis de calculer plus rapidement que la majorité des autres élèves d’abord et des adultes par la suite ? Est-ce possible que la conservation de ces techniques personnelles en addition et en soustraction, entre autres, permette de concevoir les mathématiques comme un domaine de créativité ? Est-ce possible qu’une telle perception des mathématiques conduise à croire que la mémorisation et la pratique répétitive ne sont pas à la base de l’apprentissage des mathématiques ? Est-ce possible que la plus grande différence entre les «forts en maths» et ceux qui éprouvent des difficultés tienne davantage à la perception de ce que sont les mathématiques et à la façon de les apprendre qu’à une mystérieuse et toujours introuvable «bosse des mathématiques» ?
À vous !
Robert Lyons
dimanche 3 mai 2009
Dénominateur commun (2)
Le dénominateur désigne le nom de l’unité alors que le numérateur en mentionne le nombre. Nous savons que certaines opérations arithmétiques exigent la présence d’un dénominateur commun. Quelle image mentale simple peut guider l’élève afin de trouver un dénominateur commun ?
Activité
Demandez aux élèves s’il y en a qui parlent d’autres langues que le français. Attendez leurs réponses et demandez-leur comment on dit tel mot dans ces autres langues. Demandez-leur s’ils parlent bien de la même chose, même si les termes sont différents. Ils devraient comprendre qu’il y a de nombreuses façons de dire la même chose, soit en utilisant d’autres langues, soit, sans changer de langue, en utilisant des synonymes.
Demandez-leur alors comment un francophone, qui ne parle pas anglais, et un anglophone, qui ne parle pas français, peuvent communiquer entre eux. Attendez-vous aux réponses suivantes.
Le dénominateur désigne le nom de l’unité alors que le numérateur en mentionne le nombre. Nous savons que certaines opérations arithmétiques exigent la présence d’un dénominateur commun. Quelle image mentale simple peut guider l’élève afin de trouver un dénominateur commun ?
Activité
Demandez aux élèves s’il y en a qui parlent d’autres langues que le français. Attendez leurs réponses et demandez-leur comment on dit tel mot dans ces autres langues. Demandez-leur s’ils parlent bien de la même chose, même si les termes sont différents. Ils devraient comprendre qu’il y a de nombreuses façons de dire la même chose, soit en utilisant d’autres langues, soit, sans changer de langue, en utilisant des synonymes.
Demandez-leur alors comment un francophone, qui ne parle pas anglais, et un anglophone, qui ne parle pas français, peuvent communiquer entre eux. Attendez-vous aux réponses suivantes.
Par signes;
Peut-être que les deux parlent espagnol;
En demandant un interprète;
Un des deux peut apprendre la langue de l’autre;
Mentionnez qu’en mathématiques, c’est très semblable. Il est possible de nommer la même quantité de façons différentes. Ainsi, supposons qu’une personne, qui parle seulement la «langue des tiers», dise que les deux tiers de sa page sont coloriés alors qu’une autre personne, qui ne parle que la «langue des cinquièmes», lui réplique que les trois cinquièmes de sa feuille sont coloriés, pour se comprendre, ces personnes ont les choix suivants :
Demander un interprète qui parle ces deux langues;
Apprendre une troisième langue qui servira à chacun;
Un des deux apprend la langue de l’autre.
Oublions l’interprète et essayons d’apprendre une troisième langue.
Accompagnez ces propos par les deux dessins suivants :
Adossez les deux pages et pliez-les sur les lignes de séparation. Tracez des lignes le long de ces plis. Vous obtiendrez :
Faites remarquer qu’une nouvelle langue vient d’être construite. Laquelle ? (La langue des quinzièmes.) Demandez alors aux élèves de traduire 3/5 et 2/3 dans la langue des quinzièmes en observant les deux rectangles.
Faites ressortir que dire ou écrire 3/5 ou 9/15 désigne la même quantité. Même chose pour 2/3 et 10/15.
Reprenez l’exercice avec une demie et trois quarts. En pliant la première feuille en deux, vous obtenez donc des quarts et les élèves peuvent constater l’égalité qui existe entre les fractions une demie et deux quarts. Dans ce cas, il y en a un qui «a appris la langue de l’autre».
Prolongez l’activité en séparant également une feuille en x parties dans un sens et en demandant aux élèves de la séparer également en un nombre de parties de leur choix dans l’autre sens. En quelles nouvelles langues peuvent-ils traduire le fractionnement original ? Ne soyez pas trop exigent au sujet des fractionnements égaux, il suffit qu’ils en comprennent l’importance.
Par la suite, prenez un de ces fractionnements et montrez tous les fractionnements trouvés. Ordonnez ces fractionnements. Si le fractionnement original était en tiers, les fractionnements trouvés devraient donc être des sixièmes, des neuvièmes, … Dès que la suite est identifiée, la construction physique des différents fractionnements devient moins nécessaire puisqu’il est facile de calculer les fractionnements possibles grâce à la suite qui aura été remarquée.
Robert Lyons
dimanche 26 avril 2009
Dénominateur commun (1)
Lorsque deux nombres a et b doivent être additionnés, l’addition ne peut être effectuée que si ces nombres sont exprimés au moyen d’une unité commune. Ainsi, pour additionner 3 dizaines et 4 unités, ces deux nombres doivent être exprimés, par exemple, en dizaines donc 3 dizaines et 0,4 dizaine ou en unités donc 30 unités et 4 unités. On obtient alors 3,4 dizaines ou 34 unités.
En algèbre la somme de a et de b restera a + b tant qu’une unité commune ne sera pas connue. Par exemple si a = 5c et b = 3c alors, puisque 5c + 3c = 8c, a + b = 8c. Le problème se pose aussi pour additionner des fractions telles 1/2 et 1/3.
Afin d’aider les élèves à additionner des fractions, il faut d’abord leur faire ressentir l’importance d’une unité commune. Ceux-ci sont dans une des deux positions suivantes : des novices ou des initiés. Chez les initiés, certains savent comment additionner des fractions, qu’ils le comprennent ou non, alors que d’autres sont en échec.
Activité pour les novices
Écrivez les propositions mathématiques suivantes et, demandez à chaque fois aux élèves de les compléter :
3 dizaines + 4 dizaines =
3 mètres + 4 mètres =
3 heures + 4 heures =
3 cinquièmes + 4 cinquièmes =
Habituellement les élèves complètent cette dernière proposition par 7 cinquièmes. Faites-leur remarquer que toutes ces propositions peuvent s’écrire de façon abrégée :
30 + 40 = 70
3 m + 4 m = 7 m
3 h + 4 h = 7 h
3/5 + 4/5 = 7/5
Dites-leur ensuite qu’ils se sont pas trompés en complétant la dernière proposition. Acquiescez au fait que 3 + 4 = 7 en montrant les numérateurs, mais montrez que 5 + 5 n’est pas égal à 5, mais à 10 pour les dénominateurs.
S’ils ont compris, ils vous diront que des dizaines additionnées à des dizaines donnent des dizaines et non des centaines, que des mètres additionnés à des mètres donnent des mètres et non des kilomètres, donc que des cinquièmes additionnés à des cinquièmes donnent des cinquièmes.
Félicitez-les et proposez 3x + 4x = ___ Certains vous demanderont ce que les x signifient, dites-leur que vous l’ignorez. Attendez-vous à une réponse du genre : « Ce n’est pas grave et cette addition donne 7x de toute façon.».
Activité pour les initiés
Il faut d’abord s’assurer qu’ils comprennent l’importance du dénominateur commun alors nous allons jouer avec eux quelque peu.
Au tableau, écrivez 1 + 4 = ___ et demandez-leur de compléter. Attendez-vous à ce qu’ils répondent 5, ce qui n’est pas bête… Et pourtant, vous allez dire que la réponse est onze (11). Étonnement assuré ! Pas seulement de la part des élèves… n’est-ce pas ?
Maintenant intercalez le mot semaine et les mots jours comme suit :
1 semaine + 4 jours = 11 jours
Proposez-leur un nouvel essai.
1 + 1 = ___
Certains diront deux, d’autres huit, d’autres… Écrivez 25 en intercalant jour et heure(s) comme suit :
1 jour + 1 heure = 25 heures
Ils comprendront alors l’importance du dénominateur commun et ne seront pas prêts d’oublier ces minutes d’étonnement et d’inquiétude.
La semaine prochaine : Comment trouver le dénominateur commun grâce à une image mentale simple.
Robert Lyons
Lorsque deux nombres a et b doivent être additionnés, l’addition ne peut être effectuée que si ces nombres sont exprimés au moyen d’une unité commune. Ainsi, pour additionner 3 dizaines et 4 unités, ces deux nombres doivent être exprimés, par exemple, en dizaines donc 3 dizaines et 0,4 dizaine ou en unités donc 30 unités et 4 unités. On obtient alors 3,4 dizaines ou 34 unités.
En algèbre la somme de a et de b restera a + b tant qu’une unité commune ne sera pas connue. Par exemple si a = 5c et b = 3c alors, puisque 5c + 3c = 8c, a + b = 8c. Le problème se pose aussi pour additionner des fractions telles 1/2 et 1/3.
Afin d’aider les élèves à additionner des fractions, il faut d’abord leur faire ressentir l’importance d’une unité commune. Ceux-ci sont dans une des deux positions suivantes : des novices ou des initiés. Chez les initiés, certains savent comment additionner des fractions, qu’ils le comprennent ou non, alors que d’autres sont en échec.
Activité pour les novices
Écrivez les propositions mathématiques suivantes et, demandez à chaque fois aux élèves de les compléter :
3 dizaines + 4 dizaines =
3 mètres + 4 mètres =
3 heures + 4 heures =
3 cinquièmes + 4 cinquièmes =
Habituellement les élèves complètent cette dernière proposition par 7 cinquièmes. Faites-leur remarquer que toutes ces propositions peuvent s’écrire de façon abrégée :
30 + 40 = 70
3 m + 4 m = 7 m
3 h + 4 h = 7 h
3/5 + 4/5 = 7/5
Dites-leur ensuite qu’ils se sont pas trompés en complétant la dernière proposition. Acquiescez au fait que 3 + 4 = 7 en montrant les numérateurs, mais montrez que 5 + 5 n’est pas égal à 5, mais à 10 pour les dénominateurs.
S’ils ont compris, ils vous diront que des dizaines additionnées à des dizaines donnent des dizaines et non des centaines, que des mètres additionnés à des mètres donnent des mètres et non des kilomètres, donc que des cinquièmes additionnés à des cinquièmes donnent des cinquièmes.
Félicitez-les et proposez 3x + 4x = ___ Certains vous demanderont ce que les x signifient, dites-leur que vous l’ignorez. Attendez-vous à une réponse du genre : « Ce n’est pas grave et cette addition donne 7x de toute façon.».
Activité pour les initiés
Il faut d’abord s’assurer qu’ils comprennent l’importance du dénominateur commun alors nous allons jouer avec eux quelque peu.
Au tableau, écrivez 1 + 4 = ___ et demandez-leur de compléter. Attendez-vous à ce qu’ils répondent 5, ce qui n’est pas bête… Et pourtant, vous allez dire que la réponse est onze (11). Étonnement assuré ! Pas seulement de la part des élèves… n’est-ce pas ?
Maintenant intercalez le mot semaine et les mots jours comme suit :
1 semaine + 4 jours = 11 jours
Proposez-leur un nouvel essai.
1 + 1 = ___
Certains diront deux, d’autres huit, d’autres… Écrivez 25 en intercalant jour et heure(s) comme suit :
1 jour + 1 heure = 25 heures
Ils comprendront alors l’importance du dénominateur commun et ne seront pas prêts d’oublier ces minutes d’étonnement et d’inquiétude.
La semaine prochaine : Comment trouver le dénominateur commun grâce à une image mentale simple.
Robert Lyons
dimanche 19 avril 2009
Termes manquants, relatifs et algèbre
À part six années d’études, quelles différences y a-t-il entre 3 + ___ = 5 et 3 + x = 5 ? À part quatre années d’études quelles différences y a-t-il entre +6 –2 = +4 et –6 +2 = –4 ? Si l’on ne considère que l’aspect mathématique, il n’y a aucune différence entre les deux premières équations et il n’y a aucune différence entre les deux dernières égalités.
Cependant, en apprentissage les différences sont énormes et cela se remarque par de nombreuses difficultés surmontées difficilement par les élèves. Pourquoi ? À cause des années d’écart entre la présentation des diverses phrases mathématiques mentionnées plus haut.
Voici donc une activité qui servira aussi bien à introduire l’addition et la soustraction avec ou sans terme manquant chez les élèves de six ans. La même activité peut être utilisée auprès des élèves de dix ans au moment d’introduire les entiers relatifs et chez les élèves de douze ans pour aborder l’algèbre.
Activité
Questionnez d’abord les élèves afin de savoir quels sont ceux qui pratiquent des sports d’équipe. Demandez-leur de mentionner les noms de quelques équipes qu’ils connaissent. Continuez en disant qu’en mathématiques les équipes ne s’appellent pas les Ours ou les Gazelles, mais les Plus et les Moins. Assurez-vous que les élèves connaissent un sport d’équipe pour lequel chaque but vaut un point. Le hockey, le baseball ou le soccer par exemple.
Tracez ensuite le tableau suivant :
À part six années d’études, quelles différences y a-t-il entre 3 + ___ = 5 et 3 + x = 5 ? À part quatre années d’études quelles différences y a-t-il entre +6 –2 = +4 et –6 +2 = –4 ? Si l’on ne considère que l’aspect mathématique, il n’y a aucune différence entre les deux premières équations et il n’y a aucune différence entre les deux dernières égalités.
Cependant, en apprentissage les différences sont énormes et cela se remarque par de nombreuses difficultés surmontées difficilement par les élèves. Pourquoi ? À cause des années d’écart entre la présentation des diverses phrases mathématiques mentionnées plus haut.
Voici donc une activité qui servira aussi bien à introduire l’addition et la soustraction avec ou sans terme manquant chez les élèves de six ans. La même activité peut être utilisée auprès des élèves de dix ans au moment d’introduire les entiers relatifs et chez les élèves de douze ans pour aborder l’algèbre.
Activité
Questionnez d’abord les élèves afin de savoir quels sont ceux qui pratiquent des sports d’équipe. Demandez-leur de mentionner les noms de quelques équipes qu’ils connaissent. Continuez en disant qu’en mathématiques les équipes ne s’appellent pas les Ours ou les Gazelles, mais les Plus et les Moins. Assurez-vous que les élèves connaissent un sport d’équipe pour lequel chaque but vaut un point. Le hockey, le baseball ou le soccer par exemple.
Tracez ensuite le tableau suivant :
Racontez que, lors d’un match de…, l’équipe des + a marqué trois buts alors que celle des – n’en a obtenu qu’un seul. Demandez quelle équipe a gagné ? Notez + sous le tableau. Et par combien de buts ? Ajoutez 2. Vous avez donc écrit +2. Recommencez avec +2 et –5. D’accord, au Québec l’équipe des – ne peut gagner avant que les élèves soient en cinquième année, donc âgés de dix ans. Mais les élèves de six ans ne lisent pas les programmes d’études et ne savent pas qu’ils sont trop jeunes pour comprendre que +2 –5 = –3 tout en comprenant que +5 –2 = +3. Profitez de leur ignorance et oubliez la science des auteurs de programmes. N’hésitez donc pas à proposer :
Après trois ou quatre autres problèmes du genre dont +3 –3 = ±0, proposez :
Notez aussi ce qui précède comme suit : +4 – ___ = +3 et + ___ –2 = +1. Faites remarquer que ces deux traits – ___ dans +4 – ___ = +3 pouvant prêter à confusion, le nombre à trouver sera désormais indiqué par x, d’où :
Encore une fois, ne parlez pas de programmes et d’algèbre. Laissez les élèves, même ceux de six ans, s’attaquer à ces problèmes en… toute innocence.
Voilà donc tel que promis, une activité très simple qui peut éviter à vos élèves de solides et persistantes difficultés d’apprentissage qui ne dépendent ni des mathématiques, ni des capacités des élèves, ni de vos talents, mais bien des dogmes professés par des penseurs trop souvent incapables d’enseigner.
À vous sur http://wwwmathadore.blogspot.com/
Robert Lyons
La semaine prochaine : Comment aborder l’enseignement de l’addition de fractions ?
lundi 13 avril 2009
Préscolaire : contenu disciplinaire (4)
Jusqu’à maintenant, les activités proposées ont porté sur la correspondance directe entre une quantité à dénombrer ou à mesurer. Il s’agissait toujours de comparer un ensemble à un nouvel ensemble ou une longueur à des bâtonnets qui servaient d’unités de longueur. C’est un premier pas vers la compréhension de la mesure et du dénombrement. Tentons de franchir le pas suivant.
Imaginez qu’il faille comparer deux ensembles d’objets distants ou simplement la largeur d’une table et sa longueur. Cette fois, la comparaison directe est impossible ou peu pratique. Il faudra utiliser un outil intermédiaire. Lorsqu’il s’agit de dénombrer des ensembles, la comptine des nombres : un, deux, trois… joue ce rôle alors que la règle fait un travail équivalent en mesure.
Activité
Chaque élève reçoit entre quinze et vingt jetons. Il doit les laisser sur sa table de travail. Dans un coin éloigné de la classe, disposez un ensemble de seize jetons.
Les élèves peuvent déplacer les jetons qui sont sur leur table et ceux qui sont sur la table éloignée. Cependant, ils ne peuvent que les déplacer sur les tables où ils sont, jamais les transporter ailleurs.
Leur travail consiste à établir la comparaison entre le nombre de jetons qui sont sur leur table et le nombre de jetons qui se trouvent sur la table commune.
Laissez-les discuter du problème et proposer des idées de solutions qu’ils devront tester lorsqu’ils seront à court d’idées.
Voici diverses possibilités ou divers intermédiaires possibles.
1. Compter les éléments de chaque ensemble.
2. Prendre un autre ensemble de jetons et l’associer à chaque ensemble.
3. Faire des arrangements comparables avec les jetons de chaque ensemble. Par exemple, faire tous les paquets possibles de cinq jetons ou encore disposer les jetons en triangles ou en carrés :
Jusqu’à maintenant, les activités proposées ont porté sur la correspondance directe entre une quantité à dénombrer ou à mesurer. Il s’agissait toujours de comparer un ensemble à un nouvel ensemble ou une longueur à des bâtonnets qui servaient d’unités de longueur. C’est un premier pas vers la compréhension de la mesure et du dénombrement. Tentons de franchir le pas suivant.
Imaginez qu’il faille comparer deux ensembles d’objets distants ou simplement la largeur d’une table et sa longueur. Cette fois, la comparaison directe est impossible ou peu pratique. Il faudra utiliser un outil intermédiaire. Lorsqu’il s’agit de dénombrer des ensembles, la comptine des nombres : un, deux, trois… joue ce rôle alors que la règle fait un travail équivalent en mesure.
Activité
Chaque élève reçoit entre quinze et vingt jetons. Il doit les laisser sur sa table de travail. Dans un coin éloigné de la classe, disposez un ensemble de seize jetons.
Les élèves peuvent déplacer les jetons qui sont sur leur table et ceux qui sont sur la table éloignée. Cependant, ils ne peuvent que les déplacer sur les tables où ils sont, jamais les transporter ailleurs.
Leur travail consiste à établir la comparaison entre le nombre de jetons qui sont sur leur table et le nombre de jetons qui se trouvent sur la table commune.
Laissez-les discuter du problème et proposer des idées de solutions qu’ils devront tester lorsqu’ils seront à court d’idées.
Voici diverses possibilités ou divers intermédiaires possibles.
1. Compter les éléments de chaque ensemble.
2. Prendre un autre ensemble de jetons et l’associer à chaque ensemble.
3. Faire des arrangements comparables avec les jetons de chaque ensemble. Par exemple, faire tous les paquets possibles de cinq jetons ou encore disposer les jetons en triangles ou en carrés :
4. Pousser à l’écart un jeton de l’ensemble commun et aller faire la même chose avec l’ensemble personnel. Continuer jusqu’au moment où tous les éléments d’un ensemble aient été mis à l’écart.
Notes :
Considérant tous les courriels d’abonnement que j’ai reçus récemment, en provenance du personnel du préscolaire, je me rends compte que la description d’activités plaît beaucoup. Mais j’ai en même temps l’impression de laisser tomber mes lecteurs qui travaillent à d’autres degrés.
Pour cette raison, à compter de la semaine prochaine, je proposerai en alternance des activités pour tout le primaire et… peut-être pour le secondaire.
Et le projet de programme – Il reste là en arrière-plan. Sans doute que la lecture et l’expérimentation des activités que je vous décris servira à préciser et à valider le contenu éventuel de ce programme.
À vous !
Robert Lyons
dimanche 5 avril 2009
Préscolaire : contenu disciplinaire (3)
Cette semaine, voici une nouvelle activité qui développe le concept du nombre. Encore une fois elle peut être réalisée sans que la terminologie numérique n’intervienne. Cela n’est d’ailleurs pas souhaitable pour plusieurs élèves qui, bien que connaissant la comptine des premiers nombres, n’en saisissent pas nécessairement le sens. Avec les élèves qui savent compter correctement et qui comprennent ce qu’ils font, laissez-les vous le démontrer mais demandez-leur d’imaginer d’autres solutions.
Le loup nous a-t-il visité ?
Afin de solutionner les problèmes de cette activité, les élèves devront mettre de l’ordre dans l’ensemble d’éléments à surveiller ou utiliser un ensemble d’objets ou de symboles qui serviront de témoins. Mettre de l’ordre est une des obligations de base lors de grands dénombrements alors que l’ensemble d’éléments témoins est à la base de la compréhension du rôle des nombres.
Placez devant chaque élève un nombre de quatre à six jetons. Racontez-leur que ces jetons représentent des moutons alors qu’eux sont les gardiens des troupeaux de moutons. Invitez les élèves à observer ce qu’ils ont pendant quelques secondes. Ensuite, demandez-leur de fermer leurs yeux et de coucher leur tête sur leur table.
C’est la nuit, les gardiens dorment mais les loups rôdent. Vous êtes un de ces loups. Passez près de chaque troupeau et enlevez aucun, un ou deux mouton(s) par troupeau. Ajoutez-en un dans quelques troupeaux (naissance). Laissez aussi, près des troupeaux, une carte à jouer, face cachée, qui indiquera ce que vous avez fait grâce à un code très simple que vous modifierez pour chaque problème. Par exemple : cœur : aucun changement; carreau : un mouton de disparu; trèfle : deux moutons de disparus; pique : une naissance.
Demandez aux gardiens de troupeaux de se réveiller afin de vérifier si les loups ont mangé de leurs moutons. Qu’en pensent-ils ? Prenez note des réponses avant de mentionner aux élèves comment interpréter votre code. Avant de donner le second problème, dites-leur que votre code changera la prochaine fois.
Modifiez le nombre de jetons de chaque élève, respectez le maximum de six et … tout le monde au dodo, sauf le loup.
Cette fois, lors de la correction, demandez aux élèves de discuter de ce qu’il faudrait faire pour savoir si le nombre de moutons est inchangé. N’imposez pas de solution, laissez-les proposer leurs idées et les valider lors du prochain problème.
N’oubliez pas de noter les résultats, ceux-ci vous aideront à identifier les élèves qui ont développé des bases importantes sur le chemin de l’acquisition du concept de nombres.
Reprenez régulièrement cette activité tout en augmentant progressivement le nombre de moutons. En fait, la simple observation de quantités inférieures à neuf peut suffire pour réussir ces problèmes. Les élèves peuvent observer une configuration spéciale et s’en souvenir. Le dénombrement est alors inutile. Cependant, plus le nombre de moutons se rapprochera de la vingtaine, plus ce sera difficile.
On comprendra qu’une excellente stratégie consiste à former des modèles avec les jetons à surveiller. Par exemple, l’élève qui place ses six jetons, comme sont situés les points sur un dé, se donne une excellente chance de constater des changements. Et, lorsque les quantités augmentent, on peut faire des groupements identiques de quatre à six jetons, quitte à ce qu’il en reste deux ou trois tout près. Il suffit ensuite de «prendre une photo» et de tenter de la garder en mémoire … toute une nuit.
Le dénombrement est aussi une excellente stratégie, mais pensez aussi à une comptine dont chaque mot représente un mouton. Connaissant la comptine, il suffit de se souvenir du mot désignant le dernier mouton.
Une autre technique, similaire au dénombrement ou à la comptine, consiste à former une collection ayant le même nombre d’éléments qu’il y a de moutons. Une collection de perles dont on se fera un collier, par exemple.
Ne proposez aucune des stratégies précédentes tant que le nombre maximum de jetons ne dépassera pas douze et ce, même si peu d’élèves réussissent. Par la suite, s’ils n’ont pas proposé les stratégies mentionnées plus haut, faites-en la proposition et recommencez le jeu en leur demandant d’utiliser ces stratégies. Observez la progression de vos élèves.
À vous !
Robert Lyons
Cette semaine, voici une nouvelle activité qui développe le concept du nombre. Encore une fois elle peut être réalisée sans que la terminologie numérique n’intervienne. Cela n’est d’ailleurs pas souhaitable pour plusieurs élèves qui, bien que connaissant la comptine des premiers nombres, n’en saisissent pas nécessairement le sens. Avec les élèves qui savent compter correctement et qui comprennent ce qu’ils font, laissez-les vous le démontrer mais demandez-leur d’imaginer d’autres solutions.
Le loup nous a-t-il visité ?
Afin de solutionner les problèmes de cette activité, les élèves devront mettre de l’ordre dans l’ensemble d’éléments à surveiller ou utiliser un ensemble d’objets ou de symboles qui serviront de témoins. Mettre de l’ordre est une des obligations de base lors de grands dénombrements alors que l’ensemble d’éléments témoins est à la base de la compréhension du rôle des nombres.
Placez devant chaque élève un nombre de quatre à six jetons. Racontez-leur que ces jetons représentent des moutons alors qu’eux sont les gardiens des troupeaux de moutons. Invitez les élèves à observer ce qu’ils ont pendant quelques secondes. Ensuite, demandez-leur de fermer leurs yeux et de coucher leur tête sur leur table.
C’est la nuit, les gardiens dorment mais les loups rôdent. Vous êtes un de ces loups. Passez près de chaque troupeau et enlevez aucun, un ou deux mouton(s) par troupeau. Ajoutez-en un dans quelques troupeaux (naissance). Laissez aussi, près des troupeaux, une carte à jouer, face cachée, qui indiquera ce que vous avez fait grâce à un code très simple que vous modifierez pour chaque problème. Par exemple : cœur : aucun changement; carreau : un mouton de disparu; trèfle : deux moutons de disparus; pique : une naissance.
Demandez aux gardiens de troupeaux de se réveiller afin de vérifier si les loups ont mangé de leurs moutons. Qu’en pensent-ils ? Prenez note des réponses avant de mentionner aux élèves comment interpréter votre code. Avant de donner le second problème, dites-leur que votre code changera la prochaine fois.
Modifiez le nombre de jetons de chaque élève, respectez le maximum de six et … tout le monde au dodo, sauf le loup.
Cette fois, lors de la correction, demandez aux élèves de discuter de ce qu’il faudrait faire pour savoir si le nombre de moutons est inchangé. N’imposez pas de solution, laissez-les proposer leurs idées et les valider lors du prochain problème.
N’oubliez pas de noter les résultats, ceux-ci vous aideront à identifier les élèves qui ont développé des bases importantes sur le chemin de l’acquisition du concept de nombres.
Reprenez régulièrement cette activité tout en augmentant progressivement le nombre de moutons. En fait, la simple observation de quantités inférieures à neuf peut suffire pour réussir ces problèmes. Les élèves peuvent observer une configuration spéciale et s’en souvenir. Le dénombrement est alors inutile. Cependant, plus le nombre de moutons se rapprochera de la vingtaine, plus ce sera difficile.
On comprendra qu’une excellente stratégie consiste à former des modèles avec les jetons à surveiller. Par exemple, l’élève qui place ses six jetons, comme sont situés les points sur un dé, se donne une excellente chance de constater des changements. Et, lorsque les quantités augmentent, on peut faire des groupements identiques de quatre à six jetons, quitte à ce qu’il en reste deux ou trois tout près. Il suffit ensuite de «prendre une photo» et de tenter de la garder en mémoire … toute une nuit.
Le dénombrement est aussi une excellente stratégie, mais pensez aussi à une comptine dont chaque mot représente un mouton. Connaissant la comptine, il suffit de se souvenir du mot désignant le dernier mouton.
Une autre technique, similaire au dénombrement ou à la comptine, consiste à former une collection ayant le même nombre d’éléments qu’il y a de moutons. Une collection de perles dont on se fera un collier, par exemple.
Ne proposez aucune des stratégies précédentes tant que le nombre maximum de jetons ne dépassera pas douze et ce, même si peu d’élèves réussissent. Par la suite, s’ils n’ont pas proposé les stratégies mentionnées plus haut, faites-en la proposition et recommencez le jeu en leur demandant d’utiliser ces stratégies. Observez la progression de vos élèves.
À vous !
Robert Lyons
dimanche 29 mars 2009
Préscolaire : contenu disciplinaire (2)
Dans Mathadore 305, nous nous sommes quittés au moment où l’élève devait dénombrer de grandes quantités d’objets, disons au-delà d’une trentaine. De tels dénombrements exigent de mettre de l’ordre, ce n’est pas le cas pour de petits dénombrements pour lesquels il est facile de distinguer les objets comptés des autres. De plus, lors de petits dénombrements, un dérangement, qui fait oublier le compte ou encore quels sont les objets dénombrés des autres, sera vite compensé. Avec de plus grandes quantités, cela devient moins intéressant de recommencer.
Nous allons donc devoir préparer les élèves à faire des groupements qui vont, éventuellement, leur permettre de dénombrer de grandes quantités. Nous le savons, dans ces cas-là, il faut avoir recours à des dénombrements égaux. Pour cette raison, il faudra d’abord initier les élèves à ordonner leurs dénombrements, c’est-à-dire, à voir si deux ensembles sont égaux ou inégaux. On utilisera, en parallèle, la mesure et le comptage.
NOTE : Nous nous rendons bien compte que nous décrivons des activités plutôt que des
sujets d’études tels que nous le voyons dans les programmes. En fait, quelques
décennies de travail nous ont permis de constater à quel point les programmes
sont interprétés de façons fort différentes. Le risque est moins grand lorsqu’on
commence par les illustrer par des activités.
À ce sujet il est d’ailleurs déplorable que les guides pédagogiques, s’il y en a,
publiés par le ministère, le sont souvent plusieurs années après la parution du
programme. Trop tard! Des manuels ont alors été rédigés, ainsi que des activités
de provenances diverses. Tout ce matériel dépend des interprétations de chacun et
l’on observe que ces interprétations sont souvent incompatibles entre elles. Au
moment de la parution des guides du ministère, il est trop tard, des habitudes ont
été prises mais surtout, les interprétations diverses ont souvent conduit à des outils
d’apprentissages dans lesquels ce qui est appris une année est contredit l’année
suivante.
En guise d’exemple, dans une même commission scolaire, les élèves apprenaient à
neuf ans que les coordonnées cartésiennes désignaient toujours les espaces entre
les lignes du quadrillage, tel que cela se fait sur un échiquier. Or, une année
scolaire plus tard, les coordonnées désignaient désormais des points, tel que nous
les utilisons sur une carte géographique. Enfin, l’année suivante, on revenait à ce
qui se faisait deux années plus tôt. Or personne du personnel enseignant n’avait
remarqué cela mais, on notait beaucoup de difficultés d’apprentissage dans ce
domaine dans cette commission scolaire, beaucoup plus qu’ailleurs, là où ce
matériel «local» n’était pas utilisé.
Revenons donc aux grands dénombrements. Mentionnons d’abord que le fait de pouvoir «compter» jusqu’à quinze, trente ou cent ne démontre pas que l’élève comprend ce que cela implique. Pour cette raison, il faudra que ses raisonnements s’appuient sur des observations du matériel qu’il utilisera abondamment.
NOTE : Il est recommandé de faire ces activités collectivement, les élèves discutant
entre eux de leurs hypothèses et de leurs vérifications.
Première activité :
Commençons par le dénombrement de petites quantités à partir de la mesure de réglettes de longueurs diverses.
Dans un premier temps, sortez les cubes-unité. Ensuite, sortez progressivement des réglettes de longueurs différentes. Chaque fois, demandez que ces réglettes soient mesurées en alignant les réglettes-unité le long de la réglette à mesurer. Si les réglettes ne sont pas bien collées l’une sur l’autre, amusez-vous soit à les coller davantage, soit à les espacer un peu plus de sorte que le nombre de réglettes-unité varie pour la même réglette à mesurer. Qu’en pensent-ils ?
Deuxième activité :
Placez deux réglettes de même longueur de façon à ce qu’elles soient parallèles, mais décalées une par rapport à l’autre. Demandez aux élèves s’il leur faudra le même nombre de réglettes-unité pour mesurer la longueur de ces deux réglettes. Écoutez leurs prédictions et prenez des notes afin de savoir quels élèves manifestent déjà des comportements opératoires. Demandez-leur ensuite de vérifier. Comment interprètent-ils leurs découvertes ?
Décalez davantage les mêmes réglettes et reprenez l’exercice.
Changez de réglettes et refaites un ou deux exercices semblables.
NOTE : Vous êtes en train de travailler la conservation du nombre et la conservation de
la longueur. Il s’agit de concepts importants et incontournables en
mathématiques. Prenez votre temps. Avec les élèves qui ne réussissent pas, s’ils
n’ont pas de problèmes avec la manipulation, n’insistez pas. Passez plutôt aux
exercices qui suivront la semaine prochaine et qui visent les mêmes concepts.
À vous !
Robert Lyons
dimanche 22 mars 2009
Préscolaire : contenu disciplinaire (1)
Essentiellement, les mathématiques touchent trois domaines : les quantités, l’espace et les propositions.
Les quantités
Les quantités sont dites discrètes ou continues. Dans chaque cas, l’unité de quantification doit être définie et constante. Dans le domaine du continu, c’est-à-dire de la mesure, l’unité est une grandeur physique définie par une convention qui, idéalement, est universelle, sinon fort répandue : le mètre, l’heure, le litre, l’ampère, … Ces unités sont parfaitement identiques. Il n’y a pas de petits litres ou de grands litres. Pour cette raison, il est possible de les additionner, de les soustraire, de les multiplier, de les diviser sans risques de contradictions. Ainsi, 1m + 3m > 1m + 2m (m = mètre).
Les unités discrètes sont souvent loin d’être identiques et on ne peut les additionner, par exemple, qu’après avoir précisé ce que nous considérons être la propriété dont l’opération arithmétique tiendra compte. Cette propriété désignera toujours le nombre d’objets mais jamais son nom. Prenons un exemple. Dans deux sacs, on a déposé des objets. Il y a deux objets dans le premier sac et trois dans le second. Combien d’objets avons-nous ? Cinq ou sept ? Cela dépend des objets qu’il faut considérer. Les sacs sont des objets que nous avons, mais faut-il les dénombrer ? La réponse sera non si l’unité est définie comme étant ce qu’il y a à l’intérieur des sacs. La réponse sera oui si l’unité est définie comme étant un objet provenant du marchand.
Mais si un sac contient des pommes et l’autre des gants, pouvons-nous additionner les nombres qui représentent le contenu des sacs ? Oui, si et seulement si, nous ne considérons que le nombre d’objets et aucune autre de leurs propriétés. Il en résulte que 5 = 5 même si le premier sac contient des pommes et le second des gants. La seule chose qui importe étant le nombre d’objets. C’est pour cette raison que l’on s’abstiendra d’écrire 5 gants = 5 pommes.
C’est une des merveilles des mathématiques que d’avoir mis sur pieds un ensemble de termes et de symboles qui peuvent aussi bien désigner des personnes, des idées ou des objets. Mais, s’il y a cinq pommes dans un sac et 5 autres pommes dans un autre sac, pouvons-nous écrire que 5 pommes = 5 pommes ? Pour le savoir, lequel de ces deux sacs prendriez-vous afin de faire le plus de compote ? Cela dépendrait de la grosseur des pommes n’est-ce pas ? Or si un sac contient de petites pommes et l’autre de grosses pommes, vous devriez en conclure qu’au début vous aviez 5 pommes = 5 pommes mais, plus tard que1 compote < 1 compote, ce qui est illogique.
En ce qui concerne les quantités, au préscolaire, il y a lieu de débuter par l’étude de la mesure de longueurs. D’abord, il faut que l’élève apprenne à comparer correctement les longueurs de crayons, de bâtonnets ou de réglettes. Ensuite, il faut qu’il apprenne à comparer la longueur d’un objet à la longueur totale d’un ensemble de bâtonnets qui, étant identiques, serviront d’unités.
À l’étape suivante, il devra dénombrer un ensemble d’objets en associant à chacun de ces objets une réglette-unité. De cette façon, ces objets perdront toutes les propriétés sauf celle qui désigne leur nombre. De plus, grâce aux réglettes-unité, il sera possible de comparer le nombre d’éléments de divers ensembles. Ainsi, l’élève aura l’occasion de comprendre à la fois la conservation du nombre et celle de la longueur.
Lorsque les élèves seront devenus habiles avec ce qui précède, mais sur des ensembles de moins d’une dizaine d’objets, il sera temps de leur proposer des ensembles qui contiendront de plus en plus d’éléments. Si comparer entre eux des ensembles de cinq et sept éléments est relativement simple, le problème est fort différent lorsque ces ensembles contiennent chacun plus d’une vingtaine d’éléments.
En effet, tenter d’aligner d’aussi grands ensembles de réglettes-unité demande une grande dextérité. Et, peut-être que l’élève va manquer de réglettes-unité J. Il faut alors laisser l’élève réfléchir à ce problème et, éventuellement, comprendre qu’en regroupant un certain nombre de réglettes-unité, elles peuvent être remplacées par une réglette plus grande.
En passant, notez que, pendant toutes les activités précédentes, les nombres n’ont jamais été écrits. On s’est contenté de les évoquer oralement.
La suite, la semaine prochaine.
À vous !
Robert Lyons
Essentiellement, les mathématiques touchent trois domaines : les quantités, l’espace et les propositions.
Les quantités
Les quantités sont dites discrètes ou continues. Dans chaque cas, l’unité de quantification doit être définie et constante. Dans le domaine du continu, c’est-à-dire de la mesure, l’unité est une grandeur physique définie par une convention qui, idéalement, est universelle, sinon fort répandue : le mètre, l’heure, le litre, l’ampère, … Ces unités sont parfaitement identiques. Il n’y a pas de petits litres ou de grands litres. Pour cette raison, il est possible de les additionner, de les soustraire, de les multiplier, de les diviser sans risques de contradictions. Ainsi, 1m + 3m > 1m + 2m (m = mètre).
Les unités discrètes sont souvent loin d’être identiques et on ne peut les additionner, par exemple, qu’après avoir précisé ce que nous considérons être la propriété dont l’opération arithmétique tiendra compte. Cette propriété désignera toujours le nombre d’objets mais jamais son nom. Prenons un exemple. Dans deux sacs, on a déposé des objets. Il y a deux objets dans le premier sac et trois dans le second. Combien d’objets avons-nous ? Cinq ou sept ? Cela dépend des objets qu’il faut considérer. Les sacs sont des objets que nous avons, mais faut-il les dénombrer ? La réponse sera non si l’unité est définie comme étant ce qu’il y a à l’intérieur des sacs. La réponse sera oui si l’unité est définie comme étant un objet provenant du marchand.
Mais si un sac contient des pommes et l’autre des gants, pouvons-nous additionner les nombres qui représentent le contenu des sacs ? Oui, si et seulement si, nous ne considérons que le nombre d’objets et aucune autre de leurs propriétés. Il en résulte que 5 = 5 même si le premier sac contient des pommes et le second des gants. La seule chose qui importe étant le nombre d’objets. C’est pour cette raison que l’on s’abstiendra d’écrire 5 gants = 5 pommes.
C’est une des merveilles des mathématiques que d’avoir mis sur pieds un ensemble de termes et de symboles qui peuvent aussi bien désigner des personnes, des idées ou des objets. Mais, s’il y a cinq pommes dans un sac et 5 autres pommes dans un autre sac, pouvons-nous écrire que 5 pommes = 5 pommes ? Pour le savoir, lequel de ces deux sacs prendriez-vous afin de faire le plus de compote ? Cela dépendrait de la grosseur des pommes n’est-ce pas ? Or si un sac contient de petites pommes et l’autre de grosses pommes, vous devriez en conclure qu’au début vous aviez 5 pommes = 5 pommes mais, plus tard que1 compote < 1 compote, ce qui est illogique.
En ce qui concerne les quantités, au préscolaire, il y a lieu de débuter par l’étude de la mesure de longueurs. D’abord, il faut que l’élève apprenne à comparer correctement les longueurs de crayons, de bâtonnets ou de réglettes. Ensuite, il faut qu’il apprenne à comparer la longueur d’un objet à la longueur totale d’un ensemble de bâtonnets qui, étant identiques, serviront d’unités.
À l’étape suivante, il devra dénombrer un ensemble d’objets en associant à chacun de ces objets une réglette-unité. De cette façon, ces objets perdront toutes les propriétés sauf celle qui désigne leur nombre. De plus, grâce aux réglettes-unité, il sera possible de comparer le nombre d’éléments de divers ensembles. Ainsi, l’élève aura l’occasion de comprendre à la fois la conservation du nombre et celle de la longueur.
Lorsque les élèves seront devenus habiles avec ce qui précède, mais sur des ensembles de moins d’une dizaine d’objets, il sera temps de leur proposer des ensembles qui contiendront de plus en plus d’éléments. Si comparer entre eux des ensembles de cinq et sept éléments est relativement simple, le problème est fort différent lorsque ces ensembles contiennent chacun plus d’une vingtaine d’éléments.
En effet, tenter d’aligner d’aussi grands ensembles de réglettes-unité demande une grande dextérité. Et, peut-être que l’élève va manquer de réglettes-unité J. Il faut alors laisser l’élève réfléchir à ce problème et, éventuellement, comprendre qu’en regroupant un certain nombre de réglettes-unité, elles peuvent être remplacées par une réglette plus grande.
En passant, notez que, pendant toutes les activités précédentes, les nombres n’ont jamais été écrits. On s’est contenté de les évoquer oralement.
La suite, la semaine prochaine.
À vous !
Robert Lyons
dimanche 15 mars 2009
Mémoire assistée
Que ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire, de nombreux élèves se fient sur leur mémoire pure sans connaître les techniques simples qui leur permettraient de «soulager» cette faculté. La connaissance de la comptine des nombres : un, deux, trois… est spectaculaire chez les jeunes enfants, mais elle ne démontre nullement la compréhension du concept de nombre. Certains enfants de cinq ans connaissent déjà certaines combinaisons d’addition, divers termes de géométrie ou de mesure. C’est intéressant, mais ne faudrait-il pas penser, non seulement à meubler leur mémoire, mais aussi à développer leur capacité à mémoriser ?
A : Marteau, veston, chaise, bicyclette, crayon, débarbouillette, coffret, guitare, lampe.
B : Vert, tulipe, pantalon, gant, rose, jaune, bleu, bas, œillet.
Si vous tentez de mémoriser les deux listes de mots précédentes, même si elle contiennent toutes deux neuf mots, il y a de fortes chances que vous réussissiez plus facilement à mémoriser la seconde liste que la première si vous avez remarqué qu’il est possible de classer ses termes : trois couleurs, trois vêtements et trois fleurs. Même si vous n’avez pas tenté de mémoriser les termes de la seconde liste, vous pouvez probablement en nommer quelques-uns en pensant aux trois catégories de mots que l’on y retrouve.
Et maintenant, combien de mots de la première liste pouvez-vous nommer ? Probablement beaucoup moins que ce que vous avez réussi avec la seconde liste.
En revenant de sa promenade en bicyclette, Manon enlève son veston et se lave la figure avec une débarbouillette. Une note, écrite au crayon, lui rappelle qu’elle doit aller chercher sa guitare au grenier. Elle prend une lampe et un marteau afin de trouver et d’ouvrir le coffret placé sur une chaise dans un coin du grenier. C’est dans ce coffret qu’elle range sa guitare.
Relisez le texte précédent deux fois. Et maintenant, combien de mots (en italique) de la liste A pouvez-vous mentionner ? N’est-ce pas plus facile ainsi ?
Essayez maintenant de visualiser les scènes suivantes :
1. Une fillette sur une bicyclette, son veston et sa figure sont couverts de boue.
2. La même fillette se lave le visage avec une débarbouillette tout en regardant une feuille de papier sur laquelle on a tracé le dessin d’une guitare, avec un crayon.
3. Un coin du grenier, éclairé par une lampe, dans ce coin, un coffret posé sur une chaise et un marteau appuyé sur le coffret.
Si vous visualisez mentalement ces trois scènes, il vous sera plus facile de vous souvenir de la liste A.
Dans une semaine, ce sera encore possible. Avec le temps, la liste B deviendra moins évidente alors que la liste A, que vous l’ayez apprise en vous racontant l’histoire de Manon ou en visualisant les trois scènes, restera plus clairement dans votre mémoire.
Plusieurs élèves tentent de mémoriser en utilisant leur mémoire «pure» alors que d’autres l’assistent en établissant des liens logiques (liste B) ou des liens analogiques (liste A).
Imaginez une grille carrée de neuf cases. Dans chacune de ces cases nous pouvons placer un élément sans rapport avec les éléments des autres cases. Considérez maintenant que, d’une personne à l’autre, certaines réussiront à se souvenir de trois, d’autres de cinq et d’autres de neuf des éléments placés dans cette grille. Bref, considérez que les capacités de la mémoire pure varient d’un individu à un autre. Pensez à la liste B, elle contient neuf éléments distincts. En les classant, nous obtenons trois groupes d’objets qui ne sont plus indépendants. Chaque groupe peut n’occuper qu’une seule case. Pour celui qui a de la difficulté à mémoriser plus de cinq éléments distincts, son travail est facilité grâce à un classement logique par couleurs, vêtements et fleurs. Mais est-ce que le rouge est une de ces couleurs ? Y a-t-il un chandail ?
Essayons autre chose. Voyez-vous cette rose dessinée sur ce pantalon vert ? Et cette tulipe jaune sur ce bas ? Et cet œillet dans ce gant bleu ? Il ne vous faut maintenant que trois cases afin de loger ces neuf mots dans votre mémoire. Mais attendez, on sonne à la porte. En ouvrant la porte, une personne vous tend un œillet avec son gant bleu. Sur son pantalon vert est brodée une rose magnifique. On remarque aussi que ses bas sont décorés de tulipes jaunes. Construisez-vous une image mentale de ce personnage, lorsque vous le verrez bien, il ne prendra plus qu’une seule case de votre grille de départ. Le travail de votre mémoire devient plus facile.
Ne croyez-vous pas que de telles techniques doivent être enseignées aux élèves dès le préscolaire ?
Robert Lyons
Que ce soit au préscolaire, au primaire ou au secondaire, de nombreux élèves se fient sur leur mémoire pure sans connaître les techniques simples qui leur permettraient de «soulager» cette faculté. La connaissance de la comptine des nombres : un, deux, trois… est spectaculaire chez les jeunes enfants, mais elle ne démontre nullement la compréhension du concept de nombre. Certains enfants de cinq ans connaissent déjà certaines combinaisons d’addition, divers termes de géométrie ou de mesure. C’est intéressant, mais ne faudrait-il pas penser, non seulement à meubler leur mémoire, mais aussi à développer leur capacité à mémoriser ?
A : Marteau, veston, chaise, bicyclette, crayon, débarbouillette, coffret, guitare, lampe.
B : Vert, tulipe, pantalon, gant, rose, jaune, bleu, bas, œillet.
Si vous tentez de mémoriser les deux listes de mots précédentes, même si elle contiennent toutes deux neuf mots, il y a de fortes chances que vous réussissiez plus facilement à mémoriser la seconde liste que la première si vous avez remarqué qu’il est possible de classer ses termes : trois couleurs, trois vêtements et trois fleurs. Même si vous n’avez pas tenté de mémoriser les termes de la seconde liste, vous pouvez probablement en nommer quelques-uns en pensant aux trois catégories de mots que l’on y retrouve.
Et maintenant, combien de mots de la première liste pouvez-vous nommer ? Probablement beaucoup moins que ce que vous avez réussi avec la seconde liste.
En revenant de sa promenade en bicyclette, Manon enlève son veston et se lave la figure avec une débarbouillette. Une note, écrite au crayon, lui rappelle qu’elle doit aller chercher sa guitare au grenier. Elle prend une lampe et un marteau afin de trouver et d’ouvrir le coffret placé sur une chaise dans un coin du grenier. C’est dans ce coffret qu’elle range sa guitare.
Relisez le texte précédent deux fois. Et maintenant, combien de mots (en italique) de la liste A pouvez-vous mentionner ? N’est-ce pas plus facile ainsi ?
Essayez maintenant de visualiser les scènes suivantes :
1. Une fillette sur une bicyclette, son veston et sa figure sont couverts de boue.
2. La même fillette se lave le visage avec une débarbouillette tout en regardant une feuille de papier sur laquelle on a tracé le dessin d’une guitare, avec un crayon.
3. Un coin du grenier, éclairé par une lampe, dans ce coin, un coffret posé sur une chaise et un marteau appuyé sur le coffret.
Si vous visualisez mentalement ces trois scènes, il vous sera plus facile de vous souvenir de la liste A.
Dans une semaine, ce sera encore possible. Avec le temps, la liste B deviendra moins évidente alors que la liste A, que vous l’ayez apprise en vous racontant l’histoire de Manon ou en visualisant les trois scènes, restera plus clairement dans votre mémoire.
Plusieurs élèves tentent de mémoriser en utilisant leur mémoire «pure» alors que d’autres l’assistent en établissant des liens logiques (liste B) ou des liens analogiques (liste A).
Imaginez une grille carrée de neuf cases. Dans chacune de ces cases nous pouvons placer un élément sans rapport avec les éléments des autres cases. Considérez maintenant que, d’une personne à l’autre, certaines réussiront à se souvenir de trois, d’autres de cinq et d’autres de neuf des éléments placés dans cette grille. Bref, considérez que les capacités de la mémoire pure varient d’un individu à un autre. Pensez à la liste B, elle contient neuf éléments distincts. En les classant, nous obtenons trois groupes d’objets qui ne sont plus indépendants. Chaque groupe peut n’occuper qu’une seule case. Pour celui qui a de la difficulté à mémoriser plus de cinq éléments distincts, son travail est facilité grâce à un classement logique par couleurs, vêtements et fleurs. Mais est-ce que le rouge est une de ces couleurs ? Y a-t-il un chandail ?
Essayons autre chose. Voyez-vous cette rose dessinée sur ce pantalon vert ? Et cette tulipe jaune sur ce bas ? Et cet œillet dans ce gant bleu ? Il ne vous faut maintenant que trois cases afin de loger ces neuf mots dans votre mémoire. Mais attendez, on sonne à la porte. En ouvrant la porte, une personne vous tend un œillet avec son gant bleu. Sur son pantalon vert est brodée une rose magnifique. On remarque aussi que ses bas sont décorés de tulipes jaunes. Construisez-vous une image mentale de ce personnage, lorsque vous le verrez bien, il ne prendra plus qu’une seule case de votre grille de départ. Le travail de votre mémoire devient plus facile.
Ne croyez-vous pas que de telles techniques doivent être enseignées aux élèves dès le préscolaire ?
Robert Lyons
dimanche 8 mars 2009
Au préscolaire : la non-contradiction (2)
Dans Mathadore 302, on pouvait lire une activité qui permet de déceler la capacité d’un élève à reconnaître une contradiction. Voici deux autres problèmes qui ont le même but.
Les segments décalés
Tracez deux segments de droite comme suit.
---------------_________________________
---------------------------__________________________
Les segments doivent être parallèles et de même longueur.
Demandez à l’élève si un des segments est plus long que l’autre ou s’ils sont de même longueur. Les élèves non opératoires répondent habituellement que celui qui est en bas est le plus long car il dépasse à droite. Faites remarquer que l’autre segment dépasse à gauche. Vous verrez l’élève changer d’idée. Il croit désormais que le segment du haut est le plus long car il dépasse à gauche. Faites ressortir que celui qui est en bas dépasse à droite.
L’enfant qui ne réagit pas au conflit cognitif changera encore d’idée et il le refera encore et encore sans voir qu’il se contredit. Par contre, celui qui réagit au conflit cognitif dira rapidement que l’un des segments dépasse à droite mais que l’autre dépasse à gauche. Cela le portera à se demander si les deux segments sont égaux.
Les lions qui ne sont pas des animaux
Montrez l’illustration suivante à l’élève.
Demandez : «Y a-t-il plus de lions ou plus d’animaux?» L’élève non opératoire répondra qu’il y a plus de lions en considérant qu’il y a trois lions et deux animaux (ânes). Demandez à l’élève de vous nommer des animaux. Au besoin demandez-lui si les lions sont des animaux. Il devrait le penser. Demandez-lui de vous montrer les lions, ensuite les animaux. S’il ne vous montre que les ânes, demandez-lui de vous montrer les ânes, ensuite les animaux. Demandez-lui combien il y a d’ânes, ensuite, combien il y a d’animaux. Si l’erreur persiste, ici il dira qu’il y a deux ânes et trois animaux. Il est clair alors que, pour ce problème du moins, l’élève ne voit pas la contradiction.
Si l’élève a vu la contradiction dans au moins une des épreuves décrites dans ce numéro de Mathadore et dans le numéro précédent, il perçoit la contradiction. Il faudra désormais le rendre opératoire en lui proposant d’autres activités que le triangle bleu, les segments décalés et les lions qui ne sont pas des animaux.
Par ailleurs, on comprendra aisément que l’élève qui éprouve des difficultés à percevoir que les lions sont à la fois des lions et des animaux, n’est pas prêt à comprendre que le 2 de 25 représente à la fois des dizaines et des unités. Ce n’est donc pas le temps de le faire travailler sur le groupement et la numération.
Que pensez-vous de cette idée de développer la pensée logique au préscolaire sans nécessairement la lier au symbolisme et aux connaissances mathématiques ?
À vous sur http://wwwmathadore.blogspot.com
Robert Lyons
Dans Mathadore 302, on pouvait lire une activité qui permet de déceler la capacité d’un élève à reconnaître une contradiction. Voici deux autres problèmes qui ont le même but.
Les segments décalés
Tracez deux segments de droite comme suit.
---------------_________________________
---------------------------__________________________
Les segments doivent être parallèles et de même longueur.
Demandez à l’élève si un des segments est plus long que l’autre ou s’ils sont de même longueur. Les élèves non opératoires répondent habituellement que celui qui est en bas est le plus long car il dépasse à droite. Faites remarquer que l’autre segment dépasse à gauche. Vous verrez l’élève changer d’idée. Il croit désormais que le segment du haut est le plus long car il dépasse à gauche. Faites ressortir que celui qui est en bas dépasse à droite.
L’enfant qui ne réagit pas au conflit cognitif changera encore d’idée et il le refera encore et encore sans voir qu’il se contredit. Par contre, celui qui réagit au conflit cognitif dira rapidement que l’un des segments dépasse à droite mais que l’autre dépasse à gauche. Cela le portera à se demander si les deux segments sont égaux.
Les lions qui ne sont pas des animaux
Montrez l’illustration suivante à l’élève.
Demandez : «Y a-t-il plus de lions ou plus d’animaux?» L’élève non opératoire répondra qu’il y a plus de lions en considérant qu’il y a trois lions et deux animaux (ânes). Demandez à l’élève de vous nommer des animaux. Au besoin demandez-lui si les lions sont des animaux. Il devrait le penser. Demandez-lui de vous montrer les lions, ensuite les animaux. S’il ne vous montre que les ânes, demandez-lui de vous montrer les ânes, ensuite les animaux. Demandez-lui combien il y a d’ânes, ensuite, combien il y a d’animaux. Si l’erreur persiste, ici il dira qu’il y a deux ânes et trois animaux. Il est clair alors que, pour ce problème du moins, l’élève ne voit pas la contradiction.
Si l’élève a vu la contradiction dans au moins une des épreuves décrites dans ce numéro de Mathadore et dans le numéro précédent, il perçoit la contradiction. Il faudra désormais le rendre opératoire en lui proposant d’autres activités que le triangle bleu, les segments décalés et les lions qui ne sont pas des animaux.
Par ailleurs, on comprendra aisément que l’élève qui éprouve des difficultés à percevoir que les lions sont à la fois des lions et des animaux, n’est pas prêt à comprendre que le 2 de 25 représente à la fois des dizaines et des unités. Ce n’est donc pas le temps de le faire travailler sur le groupement et la numération.
Que pensez-vous de cette idée de développer la pensée logique au préscolaire sans nécessairement la lier au symbolisme et aux connaissances mathématiques ?
À vous sur http://wwwmathadore.blogspot.com
Robert Lyons
dimanche 22 février 2009
Au préscolaire : la non-contradiction (1)
Un des fondements incontournables des mathématiques est la non-contradiction. Cette propriété essentielle est à la base de toutes les preuves, démonstrations, explications et solutions de problèmes mathématiques à tel point que l’incapacité à reconnaître certaines contradictions typiques entre quatre et sept ans peut signaler des apprentissages futurs très limités.
Normalement, le cerveau humain en santé sursaute face à une contradiction et cherche à la résoudre. Or, chez certaines personnes, la contradiction ne dérange pas, elle n’est pas perçue. Il semble que ce problème soit d’ordre neurologique et que les meilleures stratégies pédagogiques et didactiques ne puissent en venir à bout. Heureusement, seulement un individu sur trois cents environ semble en souffrir. Ces individus peuvent être qualifiés correctement d’illogiques. Plusieurs fois cependant on qualifie d’illogiques des élèves dont la logique est peu développée ou des élèves logiques dont la faiblesse est plutôt de nature analogique (Voir Mathadore 301).
Il y a donc lieu de dépister, dès le préscolaire, les enfants qui ne sursautent pas devant des contradictions évidentes. Dans ce but, il faut leur proposer des problèmes qui les conduisent à des solutions contradictoires. En faisant ressortir par la suite ces solutions contradictoires, on observe les réactions de l’élève. S’il passe d’une solution à une autre plus de deux fois sans sembler troublé, il y a lieu de penser que son cerveau accepte la contradiction et, conséquemment, que cet élève sera très limité lors de ses apprentissages en mathématiques surtout. Lorsque ces élèves ne sont pas perçus comme différents, ils conduisent trop d’excellentes enseignantes à douter de leurs capacités pédagogiques, c’est inacceptable. Nous le répétons, la cause du problème est de nature neurologique et même la médecine ne peut y remédier actuellement. Que faire avec ces enfants? D’abord, ajuster nos exigences, ils peuvent apprendre à se débrouiller avec un minimum d’encadrement, cependant, les raisonnements mathématiques, mêmes élémentaires, seront difficiles et, parfois, inaccessibles. Il faudra donc se fier à leur mémoire afin de leur apprendre des trucs, des méthodes, des habitudes qui leur permettront une certaine autonomie dans leur vie quotidienne. Il faudra cependant leur proposer les mêmes démarches que celles qui sont proposées aux autres élèves, une erreur de diagnostic étant toujours possible. Il faut alors être conscient de la haute probabilité d’un échec, tout en espérant la réussite.
Voici une première activité que nous utilisons en vue de dépister ces élèves.
Le triangle bleu
Matériel : Quelques blocs logiques dont au moins deux triangles bleus, un triangle jaune, un triangle rouge, un carré bleu, un carré rouge et quelques cercles.
Remettez les blocs à l’élève. Tendez vos mains espacées vers lui et dites-lui qu’il doit placer les triangles dans votre main droite et les blocs bleus dans l’autre main. Assurez-vous qu’il comprend bien cette consigne et qu’il sait où placer les blocs bleus et les triangles.
Les seuls blocs qui posent un problème sont les triangles bleus. Si l’élève perçoit le problème, il vous demandera quoi faire avec ces pièces, il réagit à la contradiction, il fonctionne logiquement Chez l’enfant de quatre à sept ans, il arrive souvent qu’il ne perçoive pas la contradiction lorsqu’il place un triangle bleu. S’il le place dans la main des «bleus», demandez-lui pourquoi. Il dira que c’est dans cette main qu’il faut placer les bleus. Demandez-lui de quelle forme est ce bloc. Il dira que c’est un triangle. Rappelez-lui alors que les triangles vont dans l’autre main. Il peut alors percevoir la contradiction. Si ce n’est pas le cas, il placera le bloc dans l’autre main.
Demandez-lui alors pourquoi il a placé ce bloc dans cette main, il dira que c’est un triangle. Demandez-lui quelle est la couleur de ce bloc. Il dira qu’il est bleu. Rappelez-lui que les bleus vont dans l’autre main. Certains élèves perçoivent alors la contradiction en mentionnant que ce bloc devrait aller dans les deux mains ou encore en voulant l’exclure de la classification, ce que vous refuserez.
Si l’élève change le bloc de main sans sourciller, recommencez le même manège une troisième et dernière fois. S’il ne perçoit pas la contradiction, cela augure mal. Dans ce cas, il faut lui administrer encore une ou deux autres épreuves portant sur des sujets différents afin de vérifier votre diagnostic. Nous en verrons d’autres la semaine prochaine.
Ce que nous venons de vérifier n’est pas le développement logique de l’élève mais sa capacité à agir logiquement. Il est possible qu’un élève logique éprouve du retard dans le développement de sa logique, mais s’il réagit à la contradiction, ce retard peut être comblé rapidement. En fait, ce retard résulte habituellement d’un manque de stimulations au moyen de certains types de problèmes. Le problème du triangle bleu est un de ces problèmes.
Si les stades de Piaget vous sont familiers, vous remarquerez que ces élèves atteignent ces stades vers la fin de la période pendant laquelle ils doivent y accéder. Présenter aux élèves du préscolaire des activités qui vérifient et développent leur pensée logique leur permet de développer un outil d’apprentissage essentiel. De façon imagée, on se préoccupe de vérifier d’abord si l’élève possède un bon coffre d’outils (réagit-il face à une contradiction), ensuite on développe son habileté à utiliser ses outils (progression dans les stades du développement de la logique). Plus tard, on se préoccupera des œuvres qu’il construira avec ses outils (concepts, habiletés et connaissances mathématiques).
À mon avis, au préscolaire nous devons nous préoccuper du «coffre d’outils» et de l’habileté à s’en servir, c’est dans ce sens que je proposais de développer la pensée analogique il y a quelques semaines et c’est aussi pour cette raison que je propose cette semaine de se préoccuper du fonctionnement logique de l’élève. Certes, une telle orientation conduit à des résultats moins spectaculaires que d’enseigner le dénombrement, le groupement ou encore l’addition et la soustraction sur de petits nombres, mais cela permet de s’assurer que l’élève a développé suffisamment certains outils d’apprentissage et a acquis certaines perceptions qui l’assisteront tout au long de sa scolarité en mathématiques. Ce qui avantage vraiment certains élèves est qu’ils perçoivent différemment des autres leur travail en apprentissage mathématique.
Robert Lyons
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